La classe politique est en total décalage avec l’opinion » attaque le dernier communiqué de l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie, prenant à « contre-pied le Président de la République qui a mis toute sa force de conviction au service de la promotion de la consommation de vin ». Se basant le sondage Opinionway* commandé par la Ligue Contre le Cancer, l’ANPAA rapporte ainsi que les Français « considèrent à une très large majorité (77 %) que les décideurs publics sont sous influence du lobby alcoolier, et les 66 % jugent que "les producteurs empêchent la mise en place d’une politique de santé efficace" ».
N’ayant pas encaissé les positions œnophiles d’Emmanuel Macron lors du dernier salon de l’Agriculture (du « je bois du vin midi et soir » au « n’emmerdez pas les Français »), les chantres de l'abstinence partent à l’offensive avec des chiffres chocs pour mieux étayer ses revendications habituelles. Ainsi, « 54 % des Français sont favorables à une augmentation du prix des produits contenant de l’alcool », « 58 % souhaitent la mise en place d'une taxation spécifique sur les boissons alcooliques [comme] les taxes sur l’alcool ne rapportent que 3 milliards d’euros par an alors que les soins engendrés par l’alcool coûtent 8,5 milliards d’euros par an », « 70 % sont favorables à une interdiction totale de la publicité sur les produits alcoolisés, y compris sur internet [prônant ainsi] un retour à la loi Évin »…
Cette offensive en règle arrive alors que la filière du vin en particulier, et des boissons alcoolisées en général, prépare son plan de prévention des consommations à risque. Devant être remis au premier ministre cet été, ces plans témoignent d’une nouvelle approche gouvernementale. Malgré les sorties remarquées de la ministre de la Santé, le président de la République et son premier ministre ont opté pour un mode travail inédit : solliciter l’expertise des filières afin de réduire l’exposition des populations à risques (les jeunes, les femmes enceintes…).
Un changement de paradigme qui n’est pas du goût du lobby hygiéniste, prompt à condamner toute initiative de la filière vin pour communiquer sur un sujet d’emblée préempté. On se souvient ainsi de la campagne 2015 de Vin et Société sur les repères de consommation. Des exemples de bonne entente entre associations et filières ne manquent pourtant pas dans le monde, comme le montrera Vin & Société lors de son débat parisien du 3 juillet prochain, avec les exemples, voire modèles, québécois et espagnols. Si l’on ne peut raisonnablement espérer qu’Emmanuel Macron ou Édouard Philippe y soient présents, on peut souhaiter que des membres de l’ANPAA y assistent pour prendre notes et idées.
* : Au titre évocateur, ce sondage pose qu’« une forte majorité des Français en faveur des mesures efficaces pour réduire la consommation d’alcool ». Il a été réalisé en ligne auprès de 1 004 sondés représentatifs de la population adulte française, les 23 et 24 mai derniers.