i tout se passe bien, « l'année prochaine il devrait y avoir une fusion à voter ! » lance, guilleret, Stéphane Héraud, le président des Vignerons de Tutiac, ce 26 avril à Marcillac, lors de l'assemblée générale de la première cave coopérative bordelaise (450 adhérents pour 4 000 hectares). Nul besoin de chercher bien loin pour deviner le rapprochement coopératif qui s’annonce. La présence à la tribune d’Éric Pothier, le président de Sauternes Vigneron (20 adhérents, 100 ha), parle d’elle-même. Reconnaissant une relation asymétrique entre les deux structures, le vigneron de Preignac ne change pas d’objectif avec son nouveau partenaire : « peser rapidement, pour structurer un territoire chaotique, où n’y a jamais eu de structure coopérative pour l’organiser ».
Habitué à prendre du retard, le projet Sauternes Vigneron se donne une nouvelle année de gestation pour préparer sa phase d’extension. Avec le soutien des Vignerons de Tutiac, 2018 ne sera pas une année blanche pour les 20 vignerons de la cave de Sauternes (pour 100 hectares de vignes). Un chai va en effet être loué à Cérons pour les vinifications du prochain millésime, qui jusqu’à présent se déroulaient chez chacun des adhérents. Réunissant sur un panneau Sauternes et Tutiac, ce bâtiment ne devrait pas passer inaperçu dans le vignoble.


« Sauternes Vignerons, qu’est-ce que c’est ? C’est un petit groupe de fous qui a créé une cave coopérative sur un territoire qui a toujours refusé l’expérience » résume Éric Pothier. Officiellement lancé en 2015, le projet de créer une cave coopérative à Sauternes s’est d’abord allié à la cave coopérative du Marmandais (prestataire pour les vendanges 2015 et sa mise en marché). Le partenariat atteignant ses limites, Sauternes Vignerons s’est recentré en Gironde et s’est rapproché progressivement de Tutiac, pour s’adosser à un poids lourd de la coopération.
Depuis la livraison du millésime 2016 à Tutiac (sous la marque Sirona, réservée aux réseaux traditionnels et export), le projet a cependant connu un certain ralentissement. L’élan s’essoufflant à Sauternes entre le coup dur du gel 2017 et la reprise du marché du vrac. Un temps évoqué pour 2018, la fusion entre les deux caves devrait donc avoir lieu en 2019, annonçant la construction d’un site de vinification commun. Du moins si la masse critique d’adhérents est bien atteinte. Tutiac l’a fixée à 200 ha pour 2020, soit 10 % de la surface de l’appellation Sauternes.
« Tout le monde dit : chez Tutiac ils sont barjots d'aller à Sauternes. Et beaucoup de gens souhaitent que l'on se casse la gueule. Surtout les courtiers » note, mi-figue mi-raisin, Éric Hénaux, le directeur général de Tutiac. Qui explique l’intérêt de ce projet de fusion pour Tutiac par l’entrée de vins liquoreux comme complément de gamme (ayant un potentiel sur les marchés asiatiques) et la possibilité de massifier l’offre sauternaise en grande distribution (avec des marques de distributeurs).
N’oubliant pas son objectif d’atteindre 5 000 hectares d’ici 2020, Tutiac voit aussi dans cette fusion l’occasion d’une ouverture à de nouveaux vignobles. Soit « un rééquilibrage géographique au niveau du département. Aujourd’hui, on est très ancrés en nord Gironde. S’ancrer au sud nous permettra aussi d’avoir accès à du Graves rouge et blanc, à du Côte de Bordeaux Cadillac… » ajoute Éric Hénaux.