À bien écouter Vincent Renouf, le directeur R&D de Chêne Services, le vin et la barrique expérimentent lors de l’élevage le pire et le meilleur de la vie de couple. Ce 16 mars, lors de la matinée technique de l’association des œnologues de Bordeaux, il filait ainsi la métaphore : au départ, lors de l’entonnage, « le vin et la barrique font connaissance. Puis vient une mise en équilibre, d’une part le bois expire son oxygène dans le vin qui le pénètre, de l’autre, l’humidité du chai imprègne le bois. Puis le vin et la barrique se marient… Mais la barrique peut partir en dépression ! Favorisée par l’humidité du chai. Et des bulles d’air naissent de cette union ! »
Pour arriver à écrire cette histoire, Chêne Services a suivi quatre barriques identiques, fermées hermétiquement et réparties dans le chai du château Phélan Ségur. Ont été mesurés sur ces quatre pièces les concentrations d’oxygène et de dioxyde de carbone dans le fût, les pressions dans le haut et le bas du fût, le niveau, le poids, la température… et l’humidité (oscillant entre 75 et 90 %). Ces capteurs permettent d’affirmer que dans les 40 jours suivant l’entonnage, la barrique prend du poids : le bois sec absorbant l’eau de l’atmosphère du chai. Ce n’est qu’ensuite que la consume devient marquée, la barrique perdant du vin sur un régime stationnaire.
« Plus l’humidité du chai est importante, moins il y a de perte, c’est bien connu et confirmé » souligne Vincent Renouf. Ce qui est plus inattendu, c’est la dépression au sein de la barrique, qui augmente avec l’humidité. Les deux courbes étant antagonistes (voir illustration). Vincent Renouf explique ces fluctuations par un gonflement du bois sous l’humidité, qui rend la barrique de plus en plus étanche, cette absorption progressive créant une aspiration, jusqu’à créer des bulles d’air, se dégageant du bois. Cette désorption d’air permet à la pression de la barrique de revenir à l’équilibre.
Ce rééquilibrage s’accompagnant d’un gain moyen de 0,1 mg/l d’oxygène, estime Vincent Renouf. Celui-ci ajoute que ce phénomène apporte sur un an l’équivalent de 5 mg/l d’oxygène. « Comme si l’on rajoutait un soutirage (qui apporte entre 2 et 8 mg/l). Ce qui s’approche de la micro-oxygénation (0,5 à 5 mg/l mois) et de la nano oxygénation (0,05 et 0,3 mg/l mois) » ajoute le responsable R&D. Vincent Renouf précise que dans la régulation de l’humidité d’un chai, la tendance à aller vers humidité est donc à pondérer avec ce phénomène d’oxydation. Il pourrait conduire à de nouvelles stratégies d’ouillage ou de sulfitage des fûts. Sachant qu’il faut encore préciser la variabilité spatiale des résultats, les comportements pouvant différer selon les zones