On prend le temps de discuter, pour avoir le consensus de toute l’appellation » pose Maurin Bérenger, le président du syndicat viticole de Cahors. Ayant pris le temps de la réflexion autant que de la prudence, le vigneron va prochainement envoyer une demande de création de deux dénominations complémentaires au comité régional de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). S’inscrivant scrupuleusement dans les procédures administratives, le syndicat espère bénéficier d’une Commission d’enquête pour la fin 2017 ou le début 2018. Afin de mettre en œuvre ces deux nouvelles AOC pour le millésime 2020, et paver le chemin de création de « grands crus » à Cahors.
Si les deux premières mentions n’ont pas encore de noms définitifs, leur esprit est toujours de distinguer les terroirs du plateau et des coteaux siliceux formant le Causse, des terroirs des terrasses et de la vallée calcaire du Lot (ce qui pourrait donner Cahors du plateau/des coteaux/du Causse et Cahors des terrasses/de la vallée). À l’étude depuis plusieurs années, ce projet aura pris son temps avant de se concrétiser, et de cautériser les blessures.
Cette prudence s’explique en effet par le souvenir de l’échec cuisant du précédent projet de hiérarchisation, il y a quinze ans. À l’époque, l’INAO demandait une révision de l'aire AOC, avec des déclassements, pour lancer le processus de classification. Le rejet de l’assemblée viticole du 17 décembre 2002 avait enterré ce projet, et ouvert une violente crise à Cahors (« on a été des cobayes dans la hiérarchisation des AOC » regrette le vigneron Jean-Marie Sigaud, ancien président de l’interprofession).
En 2017, il n’y plus de projet de révision/restriction de l’aire d’appellation à l’ordre du jour. « Aujourd’hui, il n’y a pas de terroir susceptible de ne pas être capable de produire le niveau minimum de qualité » atteste le vigneron Mathieu Molinie, qui suit le dossier de hiérarchisation pour le syndicat viticole. Votés en assemblée générale ce printemps dernier, les projets de cahiers des charges proposent des conditions de production plus restrictives, avec un rendement moindre, une durée d’élevage supérieure, une rentrée en production retardée… Ainsi que des mesures agro-environnementales (comme la restriction aux seuls amendements organiques…).
Témoignant de liens renoués avec l’INAO et d’un vignoble réunifié, ce projet n’est encore qu’une première étape. Il ne s’agit en effet que « des bases hiérarchiques destinées à accéder à la mention de cru » explique Mathieu Molinie, ajoutant qu’il s’agit de « passer par la voie des communales, adaptée à la réalité de Cahors ». La deuxième phase sera plus délicate, avec la mise en place de « notions de terroir plus spécifique, pour tendre vers des crus parcellaires et des lieux dits. Quand on ira vers sélection, j’imagine que ça ne se fera sans doute pas dans la facilité » prévient Mathieu Molinie.
Tout juste ravagé par le gel (80 % du vignoble a été touché, avec des pertes de 80 % en moyenne), Cahors se projette d’autant plus sur la question de la hiérarchisation. « On souhaite des mentions valorisantes, pour hiérarchiser les prix et les améliorer mécaniquement » conclut Maurin Bérenger.