L’ensemble de l’AOC Cahors est en perte de vitesse. Je ne vois pas comment on pourrait gagner un à deux millions de cols en n’œuvrant que sur le segment du malbec de Cahors. On atteint les limites d’une stratégie de propriétés » tranche Bertrand-Gabriel Vigouroux, le dirigeant du négoce Georges Vigouroux. Président démissionnaire de l’Union Interprofessionnelle des Vins de Cahors (UIVC), conserve une dent aussi dure que ses mots à l’encontre de l’orientation du vignoble d’appellation lotoise. « Partie de 250 000 hectolitres commercialisés en 2001, elle tombe à 140 000 hl en 2016*. Il n’y a pas de volonté de soutenir les marques commerciales. Et il n’y a pas assez d’investisseurs pour renverser l’image d’une appellation malmenée par quarante ans de crises et de convulsions » assène-t-il. Résultat, son entreprise ne se focalise désormais plus sur Cahors, mais agrandit progressivement son bassin d’approvisionnement.
En 2016, la société Geroges Vigouroux a vendu 2,5 millions de cols pour 7,5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Soit une hausse de 30 % de son activité se flatte Bertrand-Gabriel Vigouroux, qui souligne que les vins de Cahors représentent désormais moins de la moitié de ses ventes. Récent, ce changement de paradigme témoigne moins d’un désengagement du Lot que d’une stabilité de son activité, alors que d’autres approvisionnements se développent. Notamment les vins de pays du Lot et des Côtes de Gascogne. Pour alimenter sa croissance en volume, le négoce Vigouroux compte se tourner vers la nouvelle région Occitanie. Et plus particulièrement le bassin des AOP et IGP du Languedoc-Roussillon. Voire le bassin régional dans son ensemble avec une nouvelle IGP transversale.


S’il s’est retiré de la scène interprofessionnelle cadurcienne, Bertrand-Gabriel Vigouroux milite pour la création d’une IGP régionale au sein de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO). Le négociant est persuadé du potentiel d’une IGP Côtes d’Occitanie, qui serait transversale aux bassins viticoles du Languedoc-Roussillon et du Sud-Ouest. « Ce serait une bonne idée d’aligner les planètes administratives, touristiques et viticoles » plaide-t-il, lui qui est convaincu que l’Occitanie deviendra une destination de visite incontournable (voir encadré).
Malgré les critiques, il est à noter que la société Georges Vigouroux reste mobilisée dans le vignoble cadurcien, croyant dans le potentiel d’une niche premium pour le malbec. Exploitant aujourd’hui 147 hectares de vigne en propre, l’entreprise possède trois domaines à Cahors (châteaux de Haute-Serre, Leret-Monpezat et de Mercuès), ainsi qu’une propriété à Buzet (château Tournelles, 15 ha).
Pour continuer sa montée en gamme à l’export, la maison Vigouroux va embaucher un responsable de ses propriétés, l’ingénieur agronome Romain Chapacou (précédemment directeur du château Malijay, en côtes-Du-Rhône méridionales). La société compte notamment produire des cuvées « ultra-premium » avec le château de Haute-Serre, où un chai « ultramoderne » doit être construit sous cinq ans.
* : D'après les données de l'UIVC, les sorties de chai d'AOC Cahors sur la campagne 2015-2016 se sont élevées à 150 100 hectolitres. En hausse de 9 % par rapport à la précédente campagne, mais effectivement en forte baisse par rapport aux 251 400 hl de la campagne 2001-2002. Il n'y a cependant pas eu de perte de commercialisation (ou de production, par arrachage) à Cahors précise-t-on à l'UIVC. Le vignoble s'est en effet diversifié autour d'un point d'équilibre pour l'AOP (160 000 hl de rouge par an, en moyenne), quand ce sont développés les rouges, rosés et blancs en IGP (jusqu'à plus de 70 000 hl) et les Vins de France de cépage malbec (10 à 15 000 hl). Préparant un nouveau plan d'action quinquennal, l'UIVC se félicite de la montée de son appellation (avec son positionnement "French Malbec" à l'export et le retrait des entrées de gamme en linéaires).
Ravi d’avoir obtenu un BIB gourmand pour son restaurant, Bertrand-Gabriel Vigouroux possède également deux hôtels. Ne se voyant pas comme un « vigneron-hôtelier », il voit l’activité touristique comme un complément stratégique à celle vinicole : « relier le vin au voyage permet de vendre la région quand on vend le vin. Et vice-versa. »
Son activité touristique a dégagé 2 millions € en 2016, en hausse de 20 %.