inalement, tout arrive. Alors que l’on croyait le dossier Terre du Midi bel et bien enterré, le voilà qui resurgit et cette fois, avec le soutien des ténors de la filière. Ce mercredi 15 janvier, au Domaine de Manse, fief des pays d’Oc, Boris Calmette, président de Coop de France Languedoc-Roussillon, Jean Marie Fabre, président régional des Vignerons Indépendants et Jacques Gravegeal, président de l’ODG pays d’Oc, une fois n’est pas coutume, ont parlé d’une même voix. Face à la percée des vins espagnols qui provoque la déprime du marché des IGP languedociennes, les trois leaders ont engagé depuis le début de l’année un travail de réflexion et de concertation avec les metteurs en marché et la grande distribution. Une rencontre a eu lieu le 14 mars à la Préfecture, mettant en présence les représentants de toutes les enseignes, les quatre principaux metteurs en marché du label Pays d’Oc - Grands Chais de France, Castel, Vinadeis et Maison JeanJean- ainsi que les représentants de l’administration (DRAF, INAO, Répression des Fraudes…). Elle a visiblement été constructive puisqu’elle aboutit à des engagements et des orientations, susceptibles de construire un avenir plus rose pour la viticulture régionale.
Pour que les IGP de la région regagnent des parts de marché par rapport à leurs compétiteurs espagnols, la filière a pris conscience de la nécessité de restructurer son offre en la segmentant en trois niveaux :
- l’IGP pays d’Oc se réorganiserait en deux strates : un niveau premium pour des vins icônes produits à des rendements inférieurs, un niveau générique, inchangé par rapport aux règles de production actuelles.
- La base de la pyramide de l’offre régionale IGP serait constituée par l’IGP Terre du Midi, qui recouvrirait l’aire de production des trois actuelles IGP de département (Gard, Hérault, Aude). Les PO pourraient également y être intégrées si elles le souhaitent. Pour répondre à la demande des metteurs en marché et des distributeurs, cette IGP socle serait proposée non seulement en vin d’assemblage, mais, fait nouveau, également en vin de cépage. Le nom du département pourrait être conservé en mention complémentaire.
Autre nouveauté de taille : l’ensemble de ces IGP serait piloté par une même gouvernance, à savoir l’ODG des Pays d’Oc dont le conseil d’administration serait élargi avec quatre représentants pour Coop de France tout comme pour les Vignerons Indépendants. « Il faut être performants sur les trois segments, on peut y arriver avec ce pilotage centralisé de l’ensemble de l’offre IGP de la région », plaide Jean-Marie Fabre.
Pour pallier à la fluctuation des volumes de cette offre d’entrée de gamme en fonction des volumes de récolte, la production serait prête à s’engager sur des volumes dédiés, quel que soit le volume de la récolte, à condition que ces volumes fassent l’objet d’une contractualisation sur trois ans avec le négoce, a indiqué Boris Calmette. Cet engagement triennal des metteurs en marché pourrait être facilité par l’ouverture manifestée par la GD, qui ne serait pas hostile à remplacer ses appels d’offre annuels par des engagements sur trois ans. « C’est un point que nous avons abordé lors de nos discussions, on a constaté que la GD n’était pas fermée sur ce sujet. Pour eux, l’enjeu est de taille, la croissance du chiffre d’affaires de leur rayon vin provient pour 70 % des vins de notre région », soutient Jacques Gravegeal.
Les trois leaders ont la volonté d’aller vite, l’objectif étant que cette nouvelle segmentation soit en place pour les prochaines vendanges. «Nous ne partons pas de zéro, le dossier Terre du Midi est déjà bien avancé. Il faut apporter quelques modifications. Nous présenterons en même temps les amendements du cahier des charges de l’IGP pays d’Oc, introduisant la segmentation en deux strates », précise Jacques Gravegeal. Tous trois ont cependant insisté sur la nécessaire validation par leurs conseils d’administration respectifs de ces différentes orientations, préalable indispensable à leur mise en œuvre.
La discussion avec la GD et les metteurs en marché a également porté sur un point qui fâche : le manque de lisibilité, dans les linéaires, sur l’origine des vins. « Nous sommes victimes de notre succès. Les vins espagnols se font passer pour des vins de cépage français et notamment des pays d’Oc. Il est difficile d’évaluer les volumes que la région perd à cause de cette confusion, mais ce qui est sûr, nos enquêtes sur le terrain le prouvent, c’est que la plupart du temps, le consommateur ne sait pas qu’il achète des vins espagnols », affirme Jacques Gravegeal. Des griefs que les représentants de la GD ont entendus. « Ils nous ont indiqué être prêts à mettre en place un système de signalisation distinguant bien les vins français des vins espagnols. Concernant les packagings, les choses évoluent aussi. Leclerc va lancer au printemps une nouvelle marque MDD pour ses vins espagnols, avec un affichage beaucoup plus clair de l’origine. Ce ne sera plus sous la marque Carion, qui pouvait créer la confusion Vieux Carion, sa marque MDD en pays d’Oc », a annoncé Jean-Marie Fabre. Les trois responsables espèrent que le mouvement sera suivi par les autres enseignes.
En jouant sur les deux leviers - la nouvelle segmentation et la clarification de l’origine dans les linéaires- les professionnels comptent sur un retournement du marché dès la fin de cette campagne. « L’objectif n’est pas de reconquérir l’ensemble du rayon des entrées de gamme. La France a importé 5,5 millions d’hl de vins espagnols en 2016. Si nous arrivions à ramener ce volume à 3 ou 4 millions d’hl, cela suffirait à redynamiser nos marchés », précise Boris Calmette. Reste à relever le défi.