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Le marché mondial du vin vrac à la croisée des chemins : "on a le sentiment que la consommation baisse moins vite que la production"
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Entre résilience et flexibilité
Le marché mondial du vin vrac à la croisée des chemins : "on a le sentiment que la consommation baisse moins vite que la production"

Véritable condensé du marché mondial du vin, le salon World Bulk Wine Exhibition, organisé cette semaine à Amsterdam, a mis en évidence la dichotomie qui traverse aujourd’hui la filière : alors que bon nombre de cuves sont vides, les demandes d’arrachage se multiplient…
Par Sharon Nagel Le 28 novembre 2025
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Le marché mondial du vin vrac à la croisée des chemins :
La WBWE à Amsterdam a de nouveau joué son rôle de baromètre du commerce mondial, plus d’un tiers des échanges de vin dans le monde se faisant en vrac - crédit photo : Vinexposium
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’annonce d’un plan de 130 millions d’euros dédié à l’arrachage des vignes en France a immédiatement jeté une ombre sur les exposants français du salon World Bulk Wine Exhibition (24-25 novembre à Amsterdam), brouillant un peu plus leur visibilité sur un marché mondial déjà complexe et en mouvement perpétuel. Et pourtant, derrière ces tensions palpables, le marché laisse entrevoir les prémices d’un frémissement pour les rouges, et une demande toujours aussi soutenue pour les blancs, les rosés et les bulles. Et dans les allées du RAI Amsterdam, où s’est tenu le salon, la fréquentation clairsemée – due aussi à la configuration des lieux – n’a en rien entamé une atmosphère étonnamment constructive. Certains habitués des deux côtés des stands manquaient à l’appel, mais l’ambiance générale était loin d’être morose.

Bouffée d’oxygène

« 2024 a été une année difficile pour le vrac, mais 2025 s’annonce meilleure », confirme Paulo Rodrigues, représentant commercial de la coopérative portugaise Adega, dont 80 % des 20 millions de litres produits chaque année sont des rouges. « On n’a plus que 4 millions de litres de stocks et on en a besoin. Certes, la consommation baisse, mais la production aussi et on a le sentiment que la consommation baisse moins vite que la production. Cela fait un ou deux ans qu’on n’a pas d’excédents ». Une situation qui apporte une bouffée d’oxygène aux opérateurs, y compris français. « Sur le salon, on a pas mal de rendez-vous et ce sont les acheteurs qui les demandent, ce qui est assez rare », observe Lucas Furlan, responsable commercial vrac auprès de Wine Match (anciennement U2VBA) qui regroupe six coopératives du Bordelais et du Sud-Ouest. « Les demandes portent sur de petits volumes, mais on essaie de valoriser davantage les vins ». Une valorisation d’autant plus nécessaire que la récolte 2025 laisse peu de marge de manœuvre : « Les vins frais, secs et moelleux sont tous déjà vendus puisque nous avons récolté de petits volumes cette année », confirme encore Lucas Furlan, qui présentait également une offre désalcoolisée, tendance largement visible parmi les exposants.

Maintien des tarifs

Autre indicateur de rééquilibrage : la stabilité actuelle autour de prix relativement élevés, parfois par volonté spéculative, parfois par nécessité, et souvent un mélange des deux. « Il nous reste beaucoup de vin à vendre parce qu’on a voulu maintenir nos prix », explique Ivan Cappello, œnologue de la cave coopérative Colomba Bianca en Sicile. « On n’a pas le choix : il faut que nos coopérateurs puissent vivre et les prix siciliens restent très raisonnables ». Une stratégie partagée dans bien d’autres régions. « Les acheteurs attendent actuellement que le marché se stabilise. Personnellement, je pense que les prix vont se maintenir et qu’ils n’auront pas d’autre choix que de les accepter. Ils sont ici justement pour collecter et comparer les tarifs, avant de les digérer », estime Giuseppe Petruzzellis, œnologue chez EnoAgrimm, entreprise familiale basée dans les Pouilles qui commercialise quelque 80 millions de litres par an. Une confiance renforcée par un constat simple : « nos cuves étaient vides avant les vendanges ».

 

Les ambitions d’Europe de l’Est

Ailleurs, hormis l’inflation des coûts, ce sont les politiques nationales qui obligent les opérateurs à positionner leurs vins à des niveaux de prix plus élevés qu’ils ne le souhaiteraient. C’est le cas en Hongrie, pays producteur largement tourné vers la production de blancs et de rosés, qui cherche à capitaliser sur une demande toujours solide pour ces catégories. « En 2025, pour la première fois, le gouvernement hongrois a décidé de réguler le prix des raisins à 1,47 euro le kg pour protéger les petits producteurs. Mais à ce niveau-là, il devient difficile de proposer un prix final compétitif », déplore Kirnev Zahar, directeur commercial de la Winegarden Winery, l’un des opérateurs les plus importants du pays qui commercialise environ 100 000 hl par an, dont seulement 10% proviennent de vignobles détenus en propre. Pour autant, l’entreprise voit un potentiel significatif à l’export pour ses vins : « La Hongrie produit principalement des blancs et des rosés au profil frais et léger qui correspond bien aux tendances de consommation actuelle. Et le pays bénéficie d’un atout déterminant : il est très bien placé du point de vue logistique. Notre situation géographique très centralisée est un facteur clé, surtout lorsqu’on connaît le poids du transport dans le coût final du vin en vrac ».

 

De gros problèmes avec le fret

Le coût du transport n’est qu’une partie de l’équation : les aléas du fret peuvent dissuader certains acheteurs d’aller s’approvisionner dans des zones lointaines, alors même que ce sont précisément ces longues distances qui justifient la rentabilité comme la durabilité du vrac. « La moitié des bateaux dans le monde n’arrivent pas dans les délais », souligne Horst Mueller, responsable mondial de VinLog, le spécialiste des boissons chez Kuehne + Nagel. « Et des ports comme Anvers et Rotterdam sont aujourd’hui très congestionnés ». Un constat que partage Mark Satchwell, directeur de Greencroft Bottling, l’un des principaux prestataires de conditionnement au Royaume-Uni : « Ces deux dernières années, il y a eu de gros problèmes avec le fret ».

 

Réactivité et souplesse

Les difficultés ne s’arrêtent pas au fret : la politique s’invite aussi dans l’équation, obligeant les opérateurs à faire preuve de réactivité permanente et de polyvalence. Le marché britannique en offre une illustration éloquente. L’instauration du nouveau système de calcul des accises a poussé nombre d’acteurs à réduire la teneur en alcool de leurs produits. « Nous avons ajusté le niveau d’alcool dans certains de nos vins à 10% », confirme Ion Mereuta, responsable commercial auprès de la société moldave Asconi, premier exportateur du pays vers le Royaume-Uni en vrac comme en conditionné. Une opération qui s’est avérée payante : « Cette année, nos ventes sur le marché britannique ont atteint un niveau record ». Toutes les expériences n’ont pas été aussi concluantes : « Chaque vin est impacté différemment », nuance Mark Satchwell. « Parfois l’alcool a été abaissé de 1,5 % et les ventes ont reculé. Si le consommateur perçoit une perte de qualité, l’impact commercial est immédiat. Certaines entreprises ont donc fait machine arrière – la qualité, elle, se vendra toujours ».

 

Le packaging au cœur des débats

Autre défi pour les opérateurs : le choix du packaging. La mise en place du régime de « responsabilité élargie du producteur » en matière de déchets d’emballage change aussi la donne, tout en se heurtant aux contraintes économiques.  « Les bag-in-box progressent au Royaume-Uni mais comme le revenu disponible est mis à rude épreuve, même les petits formats impliquent des problèmes de coût pour le consommateur », observe le responsable de Greencroft, dont la capacité de conditionnement atteint 400 millions de litres par an. Bouteilles désormais allégées à 300g, contenants en cellulose, montée en puissance des TetraPak : autant d’évolutions que Mark Satchwell identifie sur le marché britannique, tout en soulignant la désaffection des marchés nordiques pour les bouteilles en PET.

 

Des produits sur mesure

Enfin, quant aux profils de produits eux-mêmes, la « boîte à outils » des acteurs du vrac s’est considérablement élargie pour suivre l’évolution du marché. Transition des rouges vers les rosés, orientation vers les bulles, multiplication des formats de packaging, désalcoolisation ou encore développement des cocktails : les stratégies se multiplient pour permettre à la filière de conquérir de nouveaux débouchés. « On fait des produits sur mesure », confirme Guillaume Bonzoms, directeur des Domaines des Marins à Béziers, qui commercialisent entre 250 000 et 300 000 hectolitres de vins exclusivement en vrac chaque année. « Chaque acheteur a son profil produit et on peut décliner l’offre à l’infini. Notre métier va se développer ». Sans minimiser les défis importants - amplifiés par le manque de visibilité lié aux arrachages – un certain optimisme se fait sentir. « On est combatifs », affirme le producteur moldave Ion Mereuta. « Chaque année est difficile mais il ne faut pas s’apitoyer sur son sort. Il faut rester positif et avancer ».

 

Délocalisation en Argentine

Pendant le salon, ses organisateurs ont annoncé le lancement d’une version délocalisée pour les opérateurs du vrac en Argentine. Vinexposium entend, en effet, déployer son modèle Vinexpo Explorer au monde du vrac à travers une première édition à Mendoza. Organisé en collaboration avec la fondation ProMendoza, ce premier rendez-vous aura lieu du 8 au 10 juin 2026 et visera à offrir une plateforme à des opérateurs argentins en quête de débouchés à l’export. La World Bulk Wine Exhibition continuera, quant à elle, à se tenir à Amsterdam mais une semaine plus tard, du 30 novembre au 1er décembre 2026.

 

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