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Cognac en crise mais pas en PLS : "on va se battre pour qu’on n’oublie pas la panade dans laquelle on nous a mis"
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Vignes à arracher
Cognac en crise mais pas en PLS : "on va se battre pour qu’on n’oublie pas la panade dans laquelle on nous a mis"

Préparant un plan d’adaptation en autogestion de ses surplus de production, la filière des eaux-de-vie charentaise demande à l’Europe d’assumer le prix des pots cassés par l’enquête antidumping chinoise. Le point avec Florent Morillon, le président du Bureau National Interprofessionnel de Cognac (BNIC), alors que la tension monte rapidement face à la rapidité de la crise vécue par le négoce et la viticulture (voir encadré).
Par Alexandre Abellan Le 12 novembre 2025
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Cognac en crise mais pas en PLS :
Florent Morillon défend une stratégie d’équilibre entre l’adaptation à la situation actuelle par l’arrachage et de petits rendements, mais sans compromettre le potentiel et la pérennité de la filière pour l’avenir. - crédit photo : © BNIC / Fabrice SCHÄCK
C

omment avancent les demandes de la filière Cognac pour son plan d’adaptation à la crise commerciale qui la frappe durement ?

Florent Morillon : À ce stade, nous restons sur le plan présenté début octobre. D’abord avec le dispositif de Volume Complémentaire Cognac Individuel (VCCI, permettant de compenser un arrachage volontaire par une bonification du rendement) que nous sommes en train de sécuriser sur le long terme avec les services de l’État et de l’Europe. Il y aura prochainement un passage au comité national de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Actuellement, 2 000 hectares environ sont rentrés dans ce dispositif, c’est un bon début. Le message que je passe en tant que président du BNIC, c’est que si chacun met 10 % de ses surfaces en VCCI, on mettrait en stand-by plus ou moins 9 à 10 000 ha. Ça serait une bonne chose pour un dispositif que l’on autogère totalement : pas un centime n’est demandé à l’État.

 

Le plan d'adaptation porté par le BNIC table sur 10 000 ha d'arrachage temporaire, avec le VCCI et un autre dispositif incitatif, qui serait financé par l'interprofession avec la garantie de l'État pour le prêt nécessaire à son financement.

Ce dispositif avec une compensation financière est la deuxième brique du plan. Un projet sera présenté d’ici la fin d’année au BNIC, pour une mise en œuvre l’hiver prochain sans doute. Nous devons travailler à son financement : par un emprunt ou une augmentation des Cotisations Volontaires Obligatoires (CVO). Dans la mesure du possible, nous visons un autofinancement par l’interprofession pour montrer que l’on reste indépendant, que l’on assume la gestion de notre bassin. Nous aurions besoin du cautionnement de l’État, ce qui ne coûte rien aux pouvoirs publics.

 

Quelle serait l’enveloppe dédiée à cet arrachage temporaire pour le BNIC ?

Il est difficile de le quantifier. Imaginons que l’on donne 1 000 à 1 500 €/an pendant 4 ans sur 5 000 ha, cela représente 25 millions € à prendre en charge à 50/50 par la viticulture et le négoce. Un projet de dispositif sera présenté cette fin année, mais il ne sera pas effectif dès la fin d’année.

 

Si votre plan d’adaptation a pour premier étage le VCCI et comme deuxième niveau l’arrachage temporaire, le troisième volet est l’arrachage définitif, autour de 3 500 à 5 000 hectares, avec des fonds européens compensant les effets de l’enquête antidumpings. La Commission indique* ne pas avoir été sollicitée par la France pour une telle aide spécifique.

Effectivement, il y a eu une demande faite pour un régime commun d’arrachage pour toute la France à 200 millions €. Cognac ne demande pas à rentrer dans ce dispositif, mais de bénéficier d’une aide spécifique, comme nous avons été la seule région, avec l’Armagnac, à avoir été touchée par l’enquête antidumping de la Chine. Enquête qui trouve son origine dans la décision de l’Europe de sauvegarder son secteur automobile en taxant les véhicules électriques chinois à notre détriment. L’Europe encaisse des millions d’euros de taxes sur les véhicules électriques, alors que nous avons perdu 25 % de nos ventes sur le marché chinois pendant 18 mois d’enquête, de paiements de cautionnements, de sortie du duty-free et de perte d’image. Dans un calcul, dont le détail est à disposition des autorités françaises et européennes, nous estimons notre préjudice à 3 500 ha de vignes.

Nous demandons la compensation du préjudice subi à cause de l’enquête antidumping. Et nous n’avons pas compté les millions d’euros payés en cabinets d’avocats et de traducteurs par l’interprofession et les maisons... L’enveloppe obtenue permettra l’arrachage définitif de 3 500 ha de vignes de ceux les plus en difficulté, qui partent à la retraite, alors que leur capital perd de la valeur. J’ai écrit à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avec en copie les ministres de l’Agriculture et du Commerce extérieur, que l’on ne me dise pas que l’on n’est pas au courant. Ils connaissent notre situation et ne peuvent pas faire la politique de l’autruche parce que l’on n’a pas rempli le bon formulaire ou la pas bonne case. On n’envisage pas de se laisser faire, on va se battre pour récupérer notre dû et qu’on n’oublie pas la panade dans laquelle on nous a mis.

Il y a une distinction entre la baisse de consommation que nous connaissons, comme la plupart des vins et spiritueux, où l’on s’autogère, et la perte de ventes dont l’origine tient à des décisions géopolitiques que dont on subit les conséquences… J’ai sollicité l’aide du cabinet du président de la République pour solliciter ces fonds, je vais en faire de même auprès des ministres de l’Agriculture et du Commerce extérieur. Au regard du préjudice lié à l’enquête antidumping, notre demande n’est pas totalement déconnante, alors qu’on se débrouille pour le reste.

 

Quelle serait l’enveloppe nécessaire pour financer ces arrachages définitifs ?

Une prime d’arrachage qui indemniserait correctement les propriétaires serait au minimum de 10 000 €. Il faudrait une enveloppe de 35 millions €. Cela parait être une grosse enveloppe, mais ce n’est rien par rapport à ce que l’on a perdu et ce que l’Europe encaisse sur les voitures électriques chinoises. Cette indemnisation ne représente qu’un mois de perte de business. Pour l’instant, nous n’avons pas les fonds : que l’on nous dise clairement les choses en arrêtant de jouer à cache-cache.

 

Vous sollicitez aussi le déblocage d’une distillation de crise, par principe de précaution.

Dans nos demandes de compensation à l’Union européenne, nous voulons avoir la possibilité d’utiliser une partie de l’enveloppe pour une distillation de crise exceptionnelle, en cas de récolte complétement débordante que l’on ne pourrait pas seulement gérer avec des outils structurels. Cognac a pour particularité un cépage, l’ugni blanc, qui peut aller très vite dans un sens ou dans l’autre pour les rendements. Il y a deux ans nous étions en moyenne à 13,5 hectolitres d’alcool pur par hectare, l’an dernier c’était 8,3 hl AP/ha et cette année nous sommes à 9. On a un engagement avec nos collègues des autres régions de ne pas venir les perturber, ils on déjà leur lot. Mais il faut que l’on nous aide aussi. L’Europe nous a mis en difficulté et nous voulons avoir la capacité, en cas de besoin, de pouvoir distiller le temps de recalibrer notre bassin. Je préfère anticiper le besoin d’une enveloppe de distillation dont on n’aura pas besoin que de se réveiller en septembre en se disant que l’on aurait dû penser à une outil exceptionnel de distillation face à une récolte abondante.

 

On sent dans le moral des opérateurs de Cognac une rapidité de la crise qui sidére. Craignez-vous qu’il y ait de la casse, notamment pour les plus fragiles, les plus anciens et les plus jeunes ?

Côté négoce il faut distinguer les cas. De ce que l’on sait, si les maisons souffrent, les grands groupes continuent d’avoir confiance et de préparer l’avenir (bien sûr avec des plans d'économie comme ailleurs). Pour les maisons qui sont des PME et ont moins d’appui ou de sécurisation financière, certaines sont en difficultés et doivent se restructurer. Côté viticulture, ce qui va conditionner les craintes que vous évoquez, c’est le niveau de rendement**. En 2025 nous sommes à 7,65 hl AP/ha. Mon message de président du BNIC est que tout le monde bascule 10 % de son vignoble VCCI, ce qui permet de monter à 8,40 hl AP/ha en moyenne sur les vignes en production, ce qui génère 10 000 €/ha de chiffre d’affaires en moyenne alors que les coûts de production sont en moyenne aux alentours de 10 000 €.

Si l’on reste dans ce niveau de rendement, ça va être dur, très clairement, mais on peut préserver la grande majorité des exploitations viticoles. Je ne nie pas qu’il y a des cas en difficulté. Comme ceux qui misaient leurs amortissements sur des commercialisations à 11 hl AP/ha. Même si ce sont toujours des cas de trop, sur l’ensemble cela reste un pourcentage minime. L’interprofession doit prendre des décision tempérées par rapport aux stocks importants et à la préservation du plus grand nombre d’exploitations viticoles. Pour ceux se trouvant en dehors de ce périmètre, on fait au cas par cas. On n’abandonne pas ces personnes et on tente d’être facilitateur de solutions au BNIC.

 

Une rumeur indique que des négociants prévoiraient un retour à la croissance du marché de Cognac vers 2030, ce qui se répercuterait sur la viticulture en suivant…

Si quelqu'un peut me dire quand la reprise va avoir lieu, je ne parierai pas dessus… Il y a tant d’éléments que l’on ne maîtrise pas. La seule certitude, c’est la baisse de consommation en général pour les vins et spiritueux. Il y a ensuite une part conjoncturelle, mais nous n’avons pas de visibilité aujourd’hui sur nos deux principaux marchés, les États-Unis et la Chine. On ne sait pas demain ce qui va nous tomber dessus… Mais dans l’autre sens, on ne peut croire à un retour à la normalité à court terme. Il va y avoir un passage difficile de 3 à 5 ans et après on va voir.

On est dans le brouillard, mais il faut une boussole et avancer : recalibrer le bassin de production sans amputer définitivement son potentiel, avoir un rendement permettant de passer la tempête pour le plus grand nombre, poursuivre le travail mené par les maisons à l’autre bout du monde. La reprise va prendre du temps, mais elle arrivera.

 

* : Le porte-parole de la Commission européenne, Balazs Ujvari, indiquant à Vitisphere que « la Commission n’a jamais reçu une telle demande par les autorités françaises et donc n’a pas pris aucun engagement spécifique notamment concernant l’arrachage ». A noter qu’en octobre 2024 la Commission européenne déclarait étudier des « possibilités d'apporter un soutien approprié aux producteurs confrontés à l'impact négatif de cette décision injustifiée du gouvernement chinois (outils répondant à des situations de perturbation du marché ou de menace de perturbation du marché) ».

 

** : « La décision du rendement 2026 sortira en janvier. Ça enlève des bruits qui courent dans la campagne et qui sont très faux. Cela crée de la peur dont personne n’a besoin » indique Florent Morillon.

"La totalité des exploitations viticoles charentaises vont connaître des difficultés"

« Aujourd’hui, il faut appeler un chat un chat. La totalité des exploitations viticoles charentaises vont connaître des difficultés par les faibles rendements et valorisations du produit. On se rapproche dangereusement du seuil de rentabilité à l’hectare » constate Anthony Brun, le président de l’Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC (UGVC). Après des années fastes, la crise « va très très vite chez nous », même s’il faut distinguer « des situations différentes pour chacun » selon les qualités d’eaux-de-vie contractualisées avec les maisons. Restent donc les outils interprofessionnels comme le VCCI pour jouer sur les rentabilité, ainsi que les demandes de soutien européen pour l’arrachage définitif. « L’Europe a dit que si des filières payaient le prix de ses décisions sur les voitures chinoises, il y aurait un soutien. On demande clairement un accompagnement pour le contentieux ouvert avec la Chine dont on paie les dommages » explique Anthony Brun. Qui souligne l’incertitude qui pèse sur l’avenir commercial. « Aujourd’hui, nous avons clairement un déficit de visibilité. Nous ne sommes pas à l’abri que les choses se dégradent ou se retournent rapidement. La seule certitude est que les eaux-de-vie produites aujourd’hui arriveront pour les plus jeunes sur le marché à partir de 2027. Bien malin celui qui peut dire aujourd’hui comment sera la situation en 2027 » conclut le président de l’UGVC.

 

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