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Des vignerons font appel à des distilleries pour élaborer gin, vermouths ou liqueurs
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Diversification
Des vignerons font appel à des distilleries pour élaborer gin, vermouths ou liqueurs

Afin d’élargir leur gamme ou trouver des débouchés pour leur vin, des producteurs ont recours au savoir-faire de distillateurs. Une aventure qui a avant tout un coût.
Par Amélie Bimont Le 22 octobre 2025
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Des vignerons font appel à des distilleries pour élaborer gin, vermouths ou liqueurs
Esprit Distillation, Valentine Fesselet (à gauche) et Julien Ducruet (à droite) - crédit photo : Mathieu Blin
«

 J’aime dire à nos clients qu’on va faire une eau-de-vie à leur gueule », plaisante Julien Ducruet, l’un des deux associés d’Esprit Distillation. Née en 2021, cette distillerie basée dans le Vaucluse, à Entraigues-sur-la-Sorgue, distille principalement des eaux-de-vie de marc ou de la fine. Depuis deux ans, elle enregistre de plus en plus de demandes de production de gins, de liqueurs, de vermouths et autres pastis…

« 80 % de nos clients sont des vignerons, indique-t-il. On travaille avec un alambic composé de deux vases et une colonne de concentration. Il fonctionne avec une chaudière au feu de bois qui génère la vapeur ensuite injectée dans le vin. On distille a minima 200 litres de vin. Généralement, les vignerons viennent avec leur idée en tête. Mon associée Valentine Fesselet, œnologue à Châteauneuf-du-Pape, cerne très vite leurs attentes et leurs goûts pour leur proposer des recettes qui leur conviennent. »

Prestation de A à Z

Ces deux distillateurs proposent une prestation de A à Z. À commencer par la réalisation de maquettes ou de prototypes de l’eau-de-vie finale. « Avec notre mini-alambic de 2,5 litres, nous réalisons des échantillons en fonction des souhaits des clients », explique Julien Ducruet. Une prestation qui ne sera pas facturée si ces clients ne passent pas commande.

Le gin étant à la mode, beaucoup de vignerons veulent en produire. Pour des raisons réglementaires, Esprit Distillation propose à ses clients de produire des eaux-de-vie de genièvre, parfaitement dans le style des gins, à partir de leurs propres vins. « On distille d’abord le vin pour obtenir une eau-de-vie que l’on réduit à 50 % vol., raconte Julien Ducruet. Dans cet alcool, on fait macérer des baies de genièvre et les plantes choisies par le vigneron. Puis, on distille une seconde fois ce macérat pour obtenir un alcool à 70 % que l’on va réduire également, élever pendant 2 à 3 mois, puis filtrer et mettre en bouteille. »

Ce distillateur travaille avec une cinquantaine de plantes. Verveine, baies de genièvre, anis étoilé, feuilles d’agrumes : toutes proviennent d’une herboristerie. « Une fois la recette validée, nous lançons la production, indique-t-il. Soit les clients repartent avec des fûts d’eau-de-vie, soit on effectue la mise. »

 "Il faut que le vin soit de qualité"

Comptez entre 15 et 17 € de frais de distillation pour un litre d’alcool pur, soit 7,5 € le litre à 50 % vol. À cela, ajoutez les droits de douane et la mise au point de la recette et la facture monte entre 10 et 15 € la bouteille, conditionnement compris. Quant au délai, c’est entre 2 et 6 mois.

Seul prérequis : « Il faut que le vin soit de qualité, déclare Julien Ducruet. On peut distiller du blanc, du rouge ou du rosé. Mais ne veut pas de vin piqué car dès qu’on distille du vin avec de la volatile, on concentre l’acide acétique. Alors il nous arrive de refuser de distiller. On veut faire de la haute qualité ».

Objectif atteint si l’on en veut pour preuve la médaille d’or qu’a obtenue le Ginette de Corinne Depeyre au concours des spiritueux de Lyon en 2023. À Tulette, dans la Drôme, la propriétaire du domaine qui porte son nom a fait distiller 30 hl de vin rouge par Esprit Distillation pour en faire ce « gin » floral.

« Je voulais diversifier ma gamme. J’avais déjà distillé mes lies chez eux pour faire de la fine. Je les ai contactés fin août 2022 et on a établi la recette ensemble avec des baies de genièvre, du poivre de Sichuan, de la camomille, du gingembre et des feuilles de verveine. Ils m’ont proposé deux échantillons avec des proportions différentes de ces ingrédients. J’ai vite choisi : Valentine Fesselet avait tapé dans le mille avec les propositions qu’elle m’avait faites ! ».

Quatre mois plus tard, les 1 100 bouteilles de 50 cl étaient prêtes, juste à temps pour faire découvrir cette nouvelle production aux acheteurs du salon Millésime bio. Tout compris, l’opération a coûté 13 €/bouteille à Corinne Depeyre. « Aujourd’hui, il m’en reste la moitié, indique-t-elle. Ça fonctionne bien, surtout grâce à mon nouvel agent commercial qui travaille avec les spiritueux. Et je n’aurai aucune hésitation à retravailler avec Esprit Distillation. »

Distillations sur mesure

Dans l’Hérault, à Gignac, Simon Tardieu a lancé la distillerie du Renard en 2021. Il y réalise ses propres créations et propose des distillations sur mesure avec son alambic charentais en cuivre. « Pour mes créations, j’achète exclusivement des vins biologiques à des vignerons locaux entre 0,50 € et 0,80 € le litre selon leur qualité. À titre de comparaison, les distillateurs industriels paient les vins autour de 0,04 €/l et les vinaigreries environ 0,18 €/l. »

Simon Tardieu impose un seuil de 50 mg/l de SO2 total dans les vins qu’il distille, afin d’éviter la formation de composés soufrés. Quant à l’acidité volatile, il l’accepte tant que le vin reste marchand. « J’informe les clients de l’impact que peut avoir une teneur élevée en acidité volatile, précise-t-il, mais la décision de distiller ou non leur vin leur revient. En revanche, pas de problème pour des vins avec des Brett ou des goûts de souris : ils disparaissent à la distillation. » Tout comme les goûts de fumée.

Une aubaine pour Marie Durand-Hulak, associée gérante du domaine de la Triballe, à Guzargues, à 40 km de là. Cette vigneronne a subi un gros incendie fin juin 2022. « Le feu a touché nos vignes en appellation Pic-Saint-Loup destinées à notre vin haut de gamme, relate-t-elle. En vinifiant, on a retrouvé des goûts de fumée. Plutôt que de brader ce vin à une distillerie ou à une vinaigrerie, en février 2025 on a décidé d’en faire un gin et des liqueurs. J’ai ajouté à ce lot un autre vin dont l’acidité volatile était montée à 0,76 g/L pour rentabiliser l’opération. »

En tout, elle fait distiller 70 hl par la distillerie du Renard dont elle transforme la moitié en gin et en liqueurs. « Pour le gin, j’ai choisi de la cardamome, des agrumes et du thym, détaille-t-elle. J’ai aussi fait trois liqueurs : une au sureau, une au citron et une autre au thym. Toutes les plantes et les agrumes proviennent de notre domaine. » Pour produire les liqueurs, Simon Tardieu fait infuser les plantes dans l’alcool puis ajoute du sucre et de l’eau pour arriver à 15 % vol.

Pour la mise, la vigneronne met en garde. « J’ai choisi de mettre le gin en bouteille avec notre prestataire habituel mais les bagues des bouteilles n’étaient pas les mêmes que d’habitude, déplore-t-elle. On a perdu 40 litres de gin, le temps de faire tous les réglages. Après cela, j’ai embouteillé et ciré les bouteilles de liqueurs moi-même avec une embouteilleuse à main achetée 400 € et le prestataire a étiqueté les bouteilles. »

Attention à la fiscalité

En tout, Marie Durand-Hulak a payé 10 600 € HT à la distillerie du Renard et a dépensé 1 200 € HT pour la mise et la cire des 1 300 bouteilles et 500 € de frais de transport. Côté vente, elle fixe le prix de son gin à 59 € TTC et celui de ses liqueurs à 25 € TTC. « On pensait les vendre moins cher mais on paye déjà 12,20 € de taxes à l’État par bouteille de gin. » Une fiscalité qu’elle était loin de s’imaginer. Désormais, Marie Durand-Hulak attend de voir lequel de ces quatre spiritueux se vend le mieux pour savoir comment utiliser les 370 l d’eau-de-vie qu’il lui reste.

Camille Giai, directeur commercial du Château Roquefort, à Lugasson, dans le Bordelais, a créé une nouvelle gamme Lug & Son, composée d’un gin et de deux vermouths. Pour réaliser ces produits, il a fait appel à la distillerie Guyenne basée à 2 km de chez lui. Et contrairement aux deux vigneronnes précédentes, il a utilisé un alcool surfin vinique à 96 % vol, tant pour son gin que pour ses vermouths.

« Nous avons produit un vermouth blanc à partir d’un sauvignon et le rouge à partir de notre claret, raconte Camille Giai. Nous avons muté 10 hl de chaque vin avec de l’alcool surfin vinique à 96 % vol. et nous avons ajouté une sélection de neuf plantes dont des feuilles d’armoise, des épices et des baies, du sucre de canne ainsi que des zestes d’orange dans le rouge. Nous avons laissé macérer le tout pendant deux mois. Au total, nous avons produit 1 200 bouteilles titrant à 17 % vol. Nous les proposons à la fin de nos dégustations et cette année, une personne sur trois est repartie avec une de ces bouteilles. »

Si les vignerons que nous avons interrogés trouvent des débouchés pour leurs nouvelles productions, François Ligouret l’un des trois associés de la distillerie de Guyenne met en garde. « Au moins une fois par semaine, des vignerons nous appellent pour tenter de trouver des débouchés à leur vin. Nous leur conseillons de s’assurer d’avoir le marché avant de se lancer car c’est un investissement. »

 

Pas de gin sans alcool à 96°

Si le terme « gin » séduit commercialement, son usage est strictement encadré. Pour bénéficier de cette appellation, le spiritueux doit être élaboré à partir d’un alcool dit surfin c’est-à-dire titrant au moins 96 % vol, ce qui suppose de rectifier les distillats. Or, beaucoup de distilleries artisanales ne sont pas équipées du matériel nécessaire pour cela. Dès lors qu’on part d’une eau-de-vie de moins de 96 % vol. le mot « gin » ne peut pas figurer sur l’étiquette du produit final. Face à cette contrainte, les vignerons font preuve de créativité. À Tulette dans la Drôme Corinne Depeyre a ainsi baptisé son spiritueux « Ginette », clin d’œil assumé à la catégorie. De son côté, Marie Durand-Hulak, vigneronne à Guzargues dans l’Hérault a opté pour « Rainette en jeans », en hommage au batracien emblématique de son domaine.

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