e vignoble alsacien a commercialisé 900 240 hectolitres en 2024 dont 306 339 hl de crémant. Cette dernière appellation reste la seule des trois (Alsace, Alsace grand cru, Crémant d’Alsace) à encore tirer son épingle du jeu. Sur le premier semestre 2025, le crémant maintient son rythme alors que les vins tranquilles abandonnent 2,2 %. « Fléchons nos volumes vers le crémant si nous ne voulons pas perdre des ventes ! » a plaidé Gilles Ehrhart, le président de l’Association des viticulteurs d’Alsace (Ava), ce jeudi 24 juillet à Colmar devant les délégués réunis en assemblée de pré-vendanges. Car si les ventes d’effervescent continuent de bien se tenir, il faut préparer dès aujourd’hui le potentiel disponible à la commercialisation en 2027. Cet appel prend encore plus de sens lorsque l’on sait que la prévision de vendange 2025 s’établit à 768 114 hl, un niveau historiquement bas pour un vignoble plus habitué à naviguer autour des 900 00 hl.


Mais le seul crémant ne suffira pas, car depuis le début de l’année, le rythme annuel de vente a perdu 20 000 hl pour arriver à 891 475 hl. Avec l’érosion continue des ventes, « il nous faudra bientôt vivre avec 850 000 hl » analyse Gilles Ehrhart. Cela demandera de « faire de la restructuration parcellaire, de prendre des décisions avec un impact humain, économique, voire patrimonial » poursuit-il en exhortant les viticulteurs en difficulté à se signaler auprès de la cellule d’aide de la MSA. La profession ne fera pas non plus l’économie d’une introspection. Elle a commencé à le faire lors d’un séminaire le 7 juillet dernier. « Le vignoble n’a plus de vision stratégique » constate Jérôme Bauer, membre du conseil d’administration. Des commissions doivent se mettre au travail à partir du 28 juillet et sans « aucun thème tabou ». Parmi eux les moyens de regagner en rentabilité, l’assouplissement de la règle du monocépage avec la possibilité d’assemblage 85/15 %, les contenants (dont le BIB pourtant clairement rejeté au début des années 2000), la hiérarchisation des crémants, le renforcement du contrôle qualité, la succession et l’arrachage ! « En 2025, toutes les vignes sont encore exploitées, mais qu’en sera-t-il les années ultérieures ? Est-ce que ce ne serait pas mieux avec moins d’hectares ? » interroge Gilles Ehrhart.
En marge de l’assemblée, on apprenait que la cave Jean Geiler à Ingersheim, fusionnée coup sur coup en 2023 et 2024 avec les caves d’Orschwiller et de Hunawihr pour constituer un ensemble de 880 ha, a informé ses 315 livreurs le 23 juillet d’un rééchelonnement de certaines mensualités qui leur sont dues au titre de la récolte 2024. Dans le Bas-Rhin, la maison de négoce Charles Wantz à Barr, 28 ha, une trentaine d’apporteurs, connaît, elle aussi, de sérieuses difficultés.
Deux acteurs majeurs du vignoble alsacien ont annoncé des projets d’investissement dans le crémant. A Marlenheim, le négociant Arthur Metz, filiale des Grands chais de France a inclus la construction d’un hall de vieillissement dans un programme global de 18 M€ dépensé sur trois ans. A Colmar, la coopérative Wolfberger injecte 2 millions € dans la modernisation de ses lignes de production pour les faire passer de 9 000 à 15 000 bouteilles/heure. Parce qu’elle diminue sa consommation d’eau et d’énergie, la Région Grand Est lui a octroyé une aide sous forme d’un prêt de 1,25 M€ à taux zéro sur sept ans. Ces deux acteurs produisent respectivement chaque année 8,5 et 8 millions de bouteilles de crémant.