Depuis le début de l’année, mes ventes ont augmenté de 4 % en volume, le chiffre d’affaires également. Elles ont progressé en France grâce à de nouveaux revendeurs qui ont compensé la baisse des commandes en Alsace. Mais quand je discute avec mes collègues, le contexte global reste délicat » confiait ce vigneron indépendant haut-rhinois en marge de l'assemblée générale ce 9 juillet du Syndicat des vignerons indépendants d’Alsace (Synvira) à Colmar. En interne, le Synvira estime à 70 % le nombre d’entreprises du secteur de la production (indépendants, apporteurs de raisin) en proie à des difficultés plus ou moins prononcées. Ici et là, des producteurs annoncent qu’ils vendangeront pour la dernière fois en 2025, qu’ils dénonceront leurs baux. Les services fiscaux tiennent désormais une réunion mensuelle et non plus trimestrielle pour étudier les dossiers qui leur parviennent.
« Le vignoble alsacien est considéré comme allant moins mal parce qu’il produit des blancs et des bulles. Cela ne signifie pas pour autant qu’il va bien. Et attention à l’arrivée sur le marché de crémants moins chers que moins cher » avertit Francis Backert, le président du Synvira. Hubert Fleischer, secrétaire général du syndicat, est encore plus direct : « nous avons les deux pieds dans la merde ! Toutes les forces vives du vignoble, coopération comprise, en ont convenu lundi dernier [7 juillet] lors d’un séminaire de remise d’un audit de filière commandé par l’Association des viticulteurs d’Alsace (AVA). Il faut rapidement trouver des solutions pour ne pas se retrouver dans les situations dramatiques que connaissent nos collègues dans le sud de la France ».
Parmi les pistes étudiées par l’AVA et attendues fin de ce mois, figurent la hiérarchisation des crémants (qui pèsent 320 000 hl/an), la lisibilité des Alsace, voire … l’arrachage ! « C’est la première fois que ce mot est prononcé » souligne Hubert Fleischer. Combien pour coller à un potentiel de vente descendu autour des 900 000 hl/an ? 10 % ? 20 % des 15 500 ha actuellement plantés ? Une telle hypothèse se heurte aujourd’hui déjà à la réalité du terrain. Arracher alors que la première prévision de rendement évalue la vendange 2025 à seulement 768 000 hl ? Un bas historique ! « Il y a autant de raisins qu’en 2024. Mais le poids des baies est inférieur de 30 % à l’année passée » indique Hubert Fleischer. L’auxerrois serait le seul cépage à dépasser les 60 hl/ha, le gewurztraminer devrait se contenter de 26 hl/ha soit une recette d’à peine 8 000 à 9 000 €/ha, synonyme de perte.
« Le combat à reprendre est celui de la promotion de nos vins » insiste Eric Casimir, vice-président. « Ras le bol de la loi Evin » complète Francis Backert. « Bougeons nous ! Pourquoi ne pas ouvrir le dimanche ? Revoir nos horaires ? » réagit Catherine Schmitt, vice-présidente, en charge de l’œnotourisme. « Echangeons entre nous ! Encourageons nous les uns les autres ! ». C’est déjà ce que fait le groupe des jeunes vignerons (moins de 40 ans) à travers ses initiatives. Citons "Parler cru(s)" tenu au musée d’art moderne à Strasbourg en 2024 en présence de plus de 100 sommeliers. « Quand on casse les codes, on attire du monde » constate Julien Boehler, co-président de ce groupe qui réunit désormais 79 membres, du jamais vu ! Et une sacrée preuve de confiance en l’avenir !