omme le dit le proverbe zoulou, « la vache qui est à la tête du troupeau est celle qui est le plus fouettée ». C’est peu dire que l’annonce d’une aide européenne de 15 millions € au bénéfice du développement de l’inclusivité de la filière vin d’Afrique-du-Sud* ne passe pas dans le vignoble français où la déconsommation et la dévalorisation pèsent sur le quotidien autant que l’avenir. « Au moment où nous vivons une crise d’ampleur je trouve cette décision inadmissible et une vrai provocation pour la filière viticole européenne » peste Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer. « Au moment où nous demandons des crédits de réserve de crise pour accompagner les viticulteurs, cette décision va mettre le feu » prévient le viticulteur languedocien, qui milite pour doter la filière de financements européens afin d’être en capacité de déployer, selon la stratégie arrêtée nationalement, des outils de réduction du potentiel de production et des stocks (par l’arrachage et/ou la distillation).
En l’état, le projet de réforme de la réglementation vitivinicole (le paquet vin) réintroduit la possibilité d’arracher et de distiller, mais sans prévoir de moyens de financement. « Nous ne pouvons pas être traité de la sorte avec un paquet vins ou la Commission européenne annonce qu’il n’y aura aucun financement pour les pays européens » prévient Jérôme Despey. Pour le premier vice-président de la FNSEA, Bruxelles « doit se ressaisir très vite et annoncer des soutiens massifs pour aider avant tout la viticulture européenne ».


Cette demande de soutien financier européen est portée plus globalement par le groupe de contact des vignobles de France, d’Espagne et d’Italie, qui s'est réuni à Montepulciano (Toscane) ces 10 et 11 juin derniers (avant l’annonce fin juin des 15 millions € d’aide). « Le secteur doit disposer de ressources adéquates, sans lesquelles il ne peut y avoir de politique vitivinicole européenne capable de relever les défis auxquels sont confrontés les viticulteurs européens » indique un communiqué commun, pointant que « le budget de la future Politique Agricole Commune (PAC) doit protéger les programmes vitivinicoles nationaux et le paquet vin doit prévoir des possibilités de soutenir les entreprises vitivinicoles qui souffrent également de la crise de la consommation et des droits de douane. » Comme le dit le proverbe sud-africain, « quand un arbre tombe, on l’entend. Quand la forêt pousse, pas un seul bruit. »
* : Dévoilé cette fin juin, le déblocage de l’aide européenne au bénéfice de l’Afrique du Sud est prévu par l’accord commercial signé en octobre 1999, qui inclue dans son volet vin de janvier 2002 un quota d’importation (fixé à 119 millions de litres de vins sud-africains entrant en Europe sans droits de douane pour 2024) et un engagement financier de 15 millions € (pour la structuration de la filière en Afrique du Sud). L’interprofession Wines of South Africa précise que les fonds bénéficieront aux opérateurs de couleur : 10 millions € seront consacrés au développement de leurs entreprises et 5 millions € financeront la commercialisation et la distribution de leurs vins.