ntre travail du sol intégral et enherbement permanent, il existe une large gamme d’approches hybrides, adaptables aux conditions de chaque parcelle. C’est dans cette logique qu’a été pensée la démonstration de matériel organisée au Domaine de l'Été, à Concourson-sur-Layon, par l’ATV 49 et la CA Pays de la Loire dans le cadre du réseau Dephy. Elle visait à montrer, de façon concrète, comment ajuster les outils à des objectifs agronomiques précis, qu’il s’agisse de décompacter, de gérer la concurrence hydrique, de désherber mécaniquement ou de maintenir un enherbement maîtrisé. L'occasion de croiser les résultats de l'étude et des expérimentatiions de terrain Climatveg à des pratique concrètes. Près d'une soixantaine de personnes étaient présentes.
Entre autres machines présentées sur le terrain : un cadre Boisselet équipé permettant un pilotage modulable des outils interceps, l’occasion de montrer son recentrage automatique en action, les tondeuses inter-rang/interceps Braun, Bähr présentait ses doigts bineurs, Egretier son Copilote, Actisol son Stell'air équipé d'une trémis Sepeba, et Provitis son épampreuse-désherbeuse SRBH 22. Le Skyterre équipé de ses lames glissait tout shcuss entre les rangs. Les robots Pellenc, Vitibot et Naïo faisaient leur show, présentant des outils d’entretien du cavaillon et de l’inter-rang. Sabi Agri montrait deux représentants du tracteur électrique Alpo, silencieux et maniables, adaptés au travail dans les rangs étroits et à la traction d’outils légers. Les entreprises ETS Ferotin, Terral et Busa, encore peu connus en Val de Loire, étaient également dans la place avec une large gamme d’outils viticoles à présenter au public angevin (avis aux distributeurs !). Parmi les nouveautés, Busa dévoilait en exclusivité régionale un système de désherbage inter-rang mais également sous le rang.

Houe rotative Busa placée de manière à effectuer un travail sous le rang. Crédit photo : Sarah El Makhzoumi
Cette diversité d’outils illustre bien la richesse de l’offre actuelle, mais aussi la nécessité de choisir ses équipements selon une stratégie culturale claire et une réalité de terrain établie.
Au cours de nos déambulations, nous avons pu consulter le compte rendu du projet Climatveg. L'occasion de créer un pont entre ces outils d'adaptation et les résultats des études menées. Ces derniers ont montré que face à un climat plus chaud, plus sec, et plus instable, l’adaptation viticole ne peut plus reposer sur une réponse unique. Elle doit conjuguer lecture climatique, connaissance du sol et ajustement des pratiques culturales. Trois leviers ressortent comme structurants : le pilotage du calendrier végétatif, la gestion thermique, hydrique physiologique de la plante, et la stratégie parcellaire fondée sur des données localisées.
Le réchauffement climatique accélère le débourrement, avançant les stades phénologiques de 10 à 20 jours selon les zones. Cela augmente le chevauchement entre jeunes pousses sensibles et gels printaniers. La taille tardive permet de retarder l’éveil de la vigne, avec une efficacité variable selon les années. La hauteur du tronc, en positionnant les bourgeons plus haut, limite aussi leur exposition aux zones les plus froides près du sol. Ces deux leviers s’articulent pour mieux maîtriser le "timing climatique" de la plante.
Les canicules et sécheresses estivales mettent en tension la croissance et la maturité des raisins. En relevant la hauteur des troncs et donc des grappes à 110 cm du sol (contre 60 cm habituellement), on réduit leur exposition directe au rayonnement infrarouge du sol, diminuant ainsi les effets du stress thermique estival. De plus, cette hauteur protège aussi légèrement contre les gels de printemps, avec des écarts de température allant jusqu’à +0,4 °C.Face à l’augmentation de ces gels printaniers précoces et à l’avancement des stades phénologiques, plusieurs autres leviers techniques ont été testés pour protéger la vigne. La taille tardive permet de retarder le débourrement, réduisant l’exposition des bourgeons aux gels d’avril. Bien qu’efficace certaines années, cette technique demande une organisation fine et des ajustements selon les parcelles et les millésimes. La gestion des couverts végétaux, par destruction anticipée, permet de limiter la rétention d’humidité et l’effet isolant du sol, deux facteurs aggravant les dégâts du gel. Les modalités roulées ou non détruites avant l’épisode de gel se sont révélées plus à risque. Autre solution explorée : le chauffage par fils infrarouges, très efficace mais énergétiquement et économiquement coûteux, donc difficile à généraliser. Ces expérimentations soulignent la complexité d’une protection efficace contre le gel, qui repose sur une stratégie adaptée à chaque exploitation, en tenant compte du type de sol, du cépage, de l’exposition et de la récurrence des épisodes de gel. L’approche combinée de plusieurs leviers est parfois nécessaire pour sécuriser la production.
Les cartes climatiques régionales et la modélisation (SEVE) ont permis de mettre en évidence des variabilités très marquées selon les types de sols, expositions et profils hydriques. À partir de ces outils, les viticulteurs peuvent anticiper les zones sensibles au gel ou au stress hydrique, ajuster les pratiques (type de couvert, date de taille, choix des matériels) et mieux organiser leurs itinéraires. Ce croisement de données permet de sortir d'une approche standardisée pour aller vers une stratégie d’adaptation ciblée, sol par sol, rang par rang.
La démonstration n’a pas simplement servi à observer des machines en action : elle a permis d’engager des échanges riches entre viticulteurs, confrontant leurs retours d’expérience et leurs logiques d’adaptation. Plusieurs enseignements majeurs émergent :
- Adapter l’enherbement à la contrainte hydrique : en année sèche, un couvert permanent peut accentuer la concurrence ; un couvert temporaire ou maîtrisé (roulage, destruction ciblée) offre plus de souplesse.
- Travailler le sol sans le brutaliser : les outils actuels permettent un travail superficiel et localisé, évitant la rupture de structure tout en maîtrisant la flore concurrente.
- Intégrer les itinéraires techniques dans une vision climatique : la gestion du sol doit être pensée en lien avec les prévisions de gel, les stades végétatifs, et la réserve utile du sol.
Cette demi-journée a mis en évidence une certitude partagée : l’adaptation au changement climatique passe par une vision globale du système viticole, dans laquelle le sol est un vecteur de résilience à part entière. La mécanisation, loin de s’opposer aux approches agroécologiques, peut les renforcer si elle est précise, respectueuse et bien ciblée.
Retrouvez le compte rendu complet ici : CLIMATVEG.
La connaissance du sol, et la maîtrise des outils mécaniques qui y est liée seront les piliers d'une viticulture résiliente.




