e vent a réessuyé les terres angevines. Parfait pour lancer Skiterre dans les vignes de Denis Baudry, à Maligné, dans le Maine-et-Loire. « C’est un appareil pour le moins original ! », observe le vigneron. En effet, on croirait voir deux skis fixes en position de chasse-neige attelés à l’arrière d’un Case IH Quantum 90V. Des skis… qui permettent de désherber la ligne de souche sur une bande de 30 à 40 cm.
Intrigués par le principe de fonctionnement cet intercep, quelques viticulteurs se présentent au domaine. Ils viennent découvrir ce nouvel outil conçu par Mikaël Béget (BG Conception) et commercialisé depuis l’an dernier. Denis Baudry accueille la démonstration car il cherche une solution simple et efficace pour réduire ses IFT. « Il ne veut garder les herbicides que pour ses parcelles les plus difficiles à désherber mécaniquement », explique Fabrice Noret, technico-commercial Migaud, revendeur du Skiterre en Pays de la Loire, alors qu’il présente la machine.
Lancés aux alentours de 7 km/h (et plus), les skis suivent la ligne des souches, montés sur un parallélogramme équipé de deux vérins pneumatiques pour compenser d’éventuels écarts de conduite. Ils portent des lames bineuses en carbure à l’arrière et se terminent par des éclateurs, sorte d’éperons métalliques destinés à éclater la terre scalpée par les lames. À noter que ces lames sont plus inclinées vers le sol que des lames classiques et qu’elles forment avec le rang un angle non pas de 90° mais plutôt de 60°.
Un relevage trois points et un distributeur double effet : la machine n’a besoin de rien d’autre pour fonctionner. En option, BG Conception propose d’ajouter un relevage hydraulique à l’arrière du Skiterre, pour y installer un outil qui travaillera l’interrang, ce qui implique la présence d’un second distributeur double effet.
Convaincu de la première heure par cette machine, Fabrice Noret vante un réglage d’une grande simplicité. « On règle l’écartement entre les skis via les distributeurs du tracteur, qui actionnent deux vérins hydrauliques dont la course est limitée par butées de chaîne de façon à assurer toujours le même écartement. On contrôle la position de l’outil à l’aide du troisième point : plus le sol est dur, plus on reporte la charge vers l’arrière. Enfin, on règle la pression des vérins pneumatiques placés à l’avant de l’outil et qui amortissent les chocs. » Mikaël Béget, le concepteur de l’engin, ajoute : « On peut aussi régler la profondeur de travail des lames bineuses entre 5 et 7 cm, avec une simple clé. Mais généralement, 5 cm suffisent ». Quoi qu’il en soit, il faut que le bout des lames vienne effleurer les ceps afin de désherber au plus près des souches sans les heurter violemment.
Et maintenant, au travail. Fabrice Noret grimpe dans le tracteur et emmène le groupe vers une parcelle de chenin schisteuse vieille de 40 ans et… impeccablement désherbée. « C’est facile de désherber quand il n’y a pas d’herbe », s’amuse l’un des participants. Certes, mais l’intérêt de cette parcelle est ailleurs : ses rangs n’ont jamais été travaillés. Il s’agit de montrer que Skiterre peut s’attaquer à ce genre de situation.
Le premier passage laisse les viticulteurs dubitatifs : le sol n’est pas assez ameubli. Le second passage, dans le même rang mais dans l’autre sens, fini par les convaincre : cette fois, les lames du Skiterre laissent derrière elles un sol bien grumeleux.
« Lorsqu’on travaille pour la première fois un sol avec Skiterre, il faut passer deux fois pour l’ameublir, prévient Mikaël Béget. Mais les fois suivantes, une seule passe suffit. » Et lorsque les cavaillons sont buttés, il faut commencer par les remettre à plat avec un autre outil, autrement gare au planté de ski !
Comme l’équipe technique est sûre de sa machine – et joueuse –, elle propose à la dizaine de viticulteurs présents de se déplacer vers une parcelle d’un voisin. Le contraste avec celle que nous quittons est frappant, les rangs sont ici envahis d’adventices et les fils releveurs sont toujours au sol. Skiterre s’avance : même pas peur.
Fabrice Noret s’attelle aux réglages, puis entre dans le rang. Arrivé au bout, il manœuvre sans difficulté dans la tournière, l’outil ne mesurant qu’1,50 m de longueur, et reprend le même rang dans l’autre sens. Un double passage nécessaire car le rang est très enherbé et légèrement buté. Mais le résultat ne convient pas : pas assez de pression dans les vérins, les lames laissent quelques touffes d’herbe. C’est finalement un réglage à 6,5 bars et une vitesse de progression de 8 km/h qui donneront satisfaction, les lames venant à bout de toutes les herbes, jusqu’au pied des souches et les éclateurs émiettant la terre.
Tout comme les autres vignerons présents, Denis Baudry apprécie le résultat. « Ça vient bien au ras du cep, sans le blesser. Et puis c’est quand même super de pouvoir passer sans avoir à relever les fils ! » Et Fabrice Noret, rieur, d’ajouter : « Alors c’est bon ? On passe au bureau pour les commandes ? ».
Yannick Babin est propriétaire du Domaine de l’Été et du Château des Rochettes, à Concourson-sur-Layon. L’an dernier, il a passé commande d’un Skiterre dans le but de désherber une partie de ses vignes plantées entre 1,80 m et 2 m.« C’est une machine très simple, solide et facile à régler, raconte le vigneron. Pas besoin d’un gros tracteur pour l’emmener. Nous l’avons acquise en copropriété pour couvrir environ 60 ha. L’investissement est raisonnable 15 200 € ( sans option relevage arrière, avec lame sans carbure). Aujourd’hui, si l’on veut désherber plus grand, on se dit qu’il en faudrait une chacun car les fenêtres d’intervention sont parfois courtes. » « On effectue un désherbage chimique en février-mars, ensuite un double passage de Skiterre, puis un ou deux passages simples. On s’en sert même dans les plantiers et dans les vignes avec des complants, en réduisant la pression sur les vérins au maximum. L’an dernier, on est passés quatre fois à cause des repousses, et Skiterre nous a bien aidés à contenir l’herbe là où les désherbants auraient été insuffisants. Il scalpe bien les ray-grass. En ce qui concerne les érigerons, il faut les prendre à 10 cm maximum, sinon ils se couchent sous le ski. »