Nous avons enregistré moins 40 % de ventes d’interceps, lames, décavaillonneuses et outils rotatifs confondus, en 2023 et 2024. Et nos prévisions pour 2025 sont encore plus basses, déplore Guillaume de Cadolle, responsable commercial chez Terral. Si les vignerons du Val de Loire et de PACA continuent d’investir quelque peu dans ces outils, en Aquitaine, en Charentes et sur le pourtour méditerranéen, le marché craque. Les vignerons subissent de plein fouet la crise. Ceux qui étaient suréquipés, gardent les outils les plus performants et revendent les autres. Ceux qui étaient sous-équipés, reviennent au désherbage chimique pour réduire leurs coûts ».
Chez Ferrand SAS même constat. « Les ventes sont en chute libre. On se retrouve avec un volume d’affaire identique à 2016 et avec des acheteurs qui sont déjà bien ancrés dans le travail du sol et qui souhaitent renouveler leur matériel, rapporte Gaëtan Marty, responsable commercial pour la France. Entre 2019 et 2021, il y a eu un véritable engouement pour les interceps. Avec l’annonce de la mort programmée du glyphosate et le déploiement de subventions, de nombreux vignerons se sont laissé tenter. Le marché a explosé mais certains ont vite déchanté, rattrapés par la réalité du travail du sol. »
Patrick Clemens, fondateur de la marque éponyme, confirme. « Les subventions européennes ont eu un impact très fort sur les ventes. Aujourd’hui le marché connait tout simplement un retour à la normale. Les vignerons avaient anticipé l’arrêt du glyphosate en s’équipant massivement. Comme le glyphosate a été prolongé, des outils sont restés rangés au hangar ».
Si les ventes d’interceps de travail du sol sont en chute libre, une autre catégorie d’outils résiste : les tondeuses intercep. « Des vignerons s’équipent pour maitriser les adventices les plus coriaces les années pluvieuses. Moins 10% de vente seulement l’année dernière », rapporte Gaëtan Marty.
Chez Chabas, « on constate depuis 2-3 ans un véritable engouement pour les brosses BioSystem Aedes que nous distribuons en France, indique Serge Emonin, commercial au sein de l’entreprise. Les vignerons conventionnels s’en servent en fin de saison quand les désherbants ne font plus effet. En bio, elles servent toute la saison. Erigérons, sorgho d’Alep ou ronce : tout y passe ».
Chez Boisselet, Fabrice Dulor, le directeur, ne communique pas de chiffre. Il affirme cependant que le volume d’affaire global reste constant. « Notre gamme est tellement large que la hausse des ventes de brosses et de tondeuses compense la baisse des ventes de lames. En 2024, sur des sols constamment frais et humides, il valait mieux sortir les brosses et laisser les lames au hangar. Les brosses travaillent en surface. Elles ne bourrent pas contrairement aux lames. »
Guillaume de Cadolle, rapporte que chez Terral les ventes de tondeuses sont stables, tout comme celles des disques émotteurs et des doigts Kress. « Pour deux raisons : le prix et la vitesse d’avancement. Compter 7500 euros H.T pour un cadre avec disques émotteurs et doigts Kress, contre 10 000 à 20 000 € pour une paire d’interceps hydrauliques ».
Pour pallier l’effondrement de ses ventes d’interceps hydrauliques classiques, Terral a lancé en 2023 l’intercep hydraulique direct, sans palpeur. « Coût : 5000 euros la paire de lames. Plus évolué qu’un intercep purement mécanique, mais plus simple à régler et bien plus abordable qu’un hydraulique, il se vend bien. Mais cela ne suffit pas pour le moment à combler les pertes sur le reste des interceps ».
Le mécanique c’est justement ce qui semble épargner Souslikoff. Fabrice Martinez, président de l’entreprise, annonce une hausse de 7 à 8% de ses ventes d’outils de travail du sol ces deux dernières années, avec des ventes stables dans le Sud-Ouest où la marque est déjà implantée et en hausse en Champagne et sur le pourtour méditerranéen. « Les interceps mécaniques sont au cœur de notre métier depuis 1969 et aujourd’hui la tendance est aux outils simples pour des raisons de coûts et de maintenance. Pour moins de 5000 euros, les vignerons peuvent s’équiper d’une paire de supports parallélogramme avec décavaillonneuses et y ajouter lames bineuses pour 5000 euros ou des tondeuses interceps pour 7500 euros.
Et comme chez ses concurrents, la tondeuse a le vent en poupe. « En 2024, on a vendu une vingtaine de nos tondeuses interceps Coupalex, et pour cette année, nous avons déjà une soixantaine de paires en commande. Les vignerons qui investissent ont pour idée de passer les tondeuses pour dégrossir le travail sous le rang et faciliter le passage des décavaillonneuses ou des lames bineuses. Plus l’herbe est courte, moins les interceps bourrent ».
A croire que le marché des interceps est à l’aube d’une nouvelle ère : celle du retour d’outils à lame ou à socs peu sophistiqués et de l’arrivée des tondeuses et autres brosses pour compléter le nettoyage des rangs.
Le boncoin et Agriaffaires, regorgent d’annonces d’interceps en très bon état, voir quasiment neufs. Un vigneron de l’Aude qui souhaite rester anonyme revend ainsi sa paire de lames Radius SL Clemens 9000 euros H.T. « Je les ai achetées 18000 euros en 2019, avec l’aide de subventions européennes. J’ai commencé à travailler le sol sur 3 de mes 30 ha, mais j’ai vite abandonné. Économiquement ce n’était pas rentable. Au lieu d’un désherbage chimique, je devais passer les lames trois fois et ma consommation de gasoil a explosé. Les outils ont servi 3 ans sur 3 ha, ils sont comme neufs », assure le vigneron. Pour Gaëtan Marty, responsable commercial France chez Ferrand SAS, ce marché de l’occasion pèse sur le marché du neuf. « Un vigneron qui a acheté des interceps et bénéficié de subventions, ne perd pas d’argent même s’il les revend moitié prix. C’est très compliqué de vendre des interceps neufs 17000 € quand vous trouvez des occasions très propres, en très bon état et à des prix très bas sur leboncoin. Il va falloir plusieurs années pour que le marché de l’occasion se régule ».