ui sème le vin à 1,99 € récolte la colère vigneronne. En déclarant sur Vitisphere qu’avec « un produit à 1,99 €, un bordeaux ou un côtes-du-rhône, pour moi c’est encore rémunérateur, on respecte le viticulteur », Roger Anthony, l’acheteur bières, vins et spiritueux d'Aldi France (1 300 magasins), a heurté la filière vin qui a réagi ce 18 juin par des manifestations à Bordeaux et dans les Côtes-du-Rhône, les deux appellations qui seront en offre promotionnelle 4+2 à 1,99 €/col de la foire aux vins du discounter dès le 23 septembre prochain. En Gironde, les Jeunes Agriculteurs (JA33) et la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA33) ont déversé au petit matin des ceps arrachés et affiché des banderoles "1,99 € = on meurt !" avant l’ouverture des magasins Aldi de Blaye, Créon, Langon, Saint-André-de-Cubzac…
« Une action symbolique pour dénoncer les propos de cet acheteur » revendique Cédric Pointet, président des Jeunes Agriculteurs de Gironde, qui note qu’« Aldi rentre dans cycle de pratiques offensive et brade les matières premières agricoles de qualité (il y a aussi eu du lait vendu à 0,99 €/litre il y a quelques semaines) ». Pour l’éleveur laitier et producteur de tomates, « nous avons toujours dit qu’avec du bordeaux à moins 3 € il n’est pas possible de payer correctement le vin et tous les intermédiaires… On ne peut pas dire qu’à 2 € les vignerons vivent bien dans un tel moment de crise où les gens sont au bout du rouleau et que les rentabilités sont autant en berne. » Cette vision est tellement inadmissible pour le président des JA33 que cela explique la tenue non-concertée d’actions le même jour dans le Gard et le Vaucluse.


Prévoyant une action syndicale ce mercredi 18 juin à 13h devant le magasin Aldi de Valréas, les Jeunes Agriculteurs du Vaucluse dénoncent « une déclaration inacceptable qui méconnaît totalement la réalité des coûts de production, et le travail des vignerons ». Pour Jordan Charransol, le président des Jeunes Agriculteurs du Vaucluse il était impossible de laisser passer les propos de l’acheteur d’Aldi : « ce n’est pas la première année et la première enseigne qui casse les prix sur le vin. Ce n’est plus tenable dans nos fermes. Il va y avoir beaucoup de déprise et les vignerons vont mettre la clé sous la porte. » Alors que les installations de jeunes vignerons diminuent (et deviennent impossible hors cadre familial), le viticulteur et maraîcher de Valréas appelle à l’accélération de la mise en œuvre de la réforme d’Egalim pour que les coûts de production sont intégrés aux contrats de l’amont (le gouvernement promettait un vote cet été), ainsi que la création d’Organisations de Producteurs (OP, sans qu’il y ait de consensus dans la filière), et le déploiement de prix d’orientation pour les vins bio et HVE (article 210 bis de la Politique Agricole Commune) de recommandation de prix pour les vins AOP et IGP (article 172ter de la PAC). « Il faudrait que ça aille vite pour mieux structurer les rémunérations » plaide Jordan Charransol.
L’impatience est d’autant plus vive que « le jour où passe Egalim, les acheteurs se rendront compte de la vrai valeur de nos produits. Les prix vont devoir être doublé » estime David Arnaud, président de l’AOC Côtes de Bourg ayant participé aux actions matinales (« ce sujet touche tout le monde, JA et au-delà »). Pour le vigneron, la production n’arrive pas à faire comprendre les vrais coûts de sa production à la grande distribution : « dire qu’à 2 € la bouteille le vigneron arrive à vivre de son métier témoigne d’un manque de respect et de connaissance. Ce n’est pas connaître notre métier et nos coûts de production. Sur 2 €, il reste 60 centimes de vin : presque la moitié de ce qu’il faudrait pour réussir à survivre. Je suis sûr que le même vin vendu à 2,5 € ne se vendra pas moins, mais le producteur pourra au moins couvrir ses frais. En voulant faire toujours moins cher, on est en train de tuer une filière. » D’où l’action ce 18 juin de « poser les vignes que l’on est en train d’arracher pour montrer le résultat d’une vente de vins à 2 € : l’arrachage et la mort des vignerons. On ne peut pas laisser les choses comme ça : il y a eu des drames, il y en aura d’autres. »
Contacté pour préciser les niveaux de rémunération de ses vins à petits prix, Aldi n’a pas donné suite à date de publication. Dans l’interview, Roger Anthony se voyait plutôt comme un bon élève de la GD, avec une foire aux vins d’automne à 100 % composée de vins français et des prix ne descendant pas en dessous de 1,99 €/col. L’acheteur indiquait qu’Aldi « n’a jamais eu de soucis chez nous, de magasins détériorés, au contraire, parce qu’i y a un dialogue constructif et on travaille toujours en transparence ». Une transparence dont les vignerons veulent désormais juger sur pièces.