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"Comment se fait-il que l'Italie exporte deux fois plus de vin que la France ?"
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"Manque de vision et d'anticipation"
"Comment se fait-il que l'Italie exporte deux fois plus de vin que la France ?"

Alors que des demandes d’arrachage de 100 000 hectares de vignes montent, « notre pays souffre d'un manque de cap » dans le pilotage de sa filière vin interpelle le sénateur Henri Cabanel. Le viticulteur héraultais appelant à une mobilisation collective et concertée, alors que l« on demande des primes pour planter et en même temps des primes à l'arrachage ; on demande des subventions à l'irrigation et en même temps des droits à la distillation. Quelle est la logique ? »
Par Alexandre Abellan Le 09 juin 2025
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Le sénateur Henri Cabanel alerte sur « une filière en crise, par manque de vision et d'anticipation ». - crédit photo : DR
V

otée à l’unanimité ce jeudi 5 juin au Sénat, la proposition de loi créant une amende de 1 500 € pour faire arracher les vignes en friche a donné l’occasion d’une expression parlementaire unanime et transpartisane d’une soutien plein et entier à la filière viticole. Les élus partageant avec précision le constat d’une crise dépassant les vignes abandonnées et le développement de la flavescence dorée ne sont que la partie émergée de l’iceberg d’un vignoble partant à la dérive. « Ce problème ne date pas d'hier. Maires, syndicats, chambres d'agriculture : tous décrivent la même impuissance administrative. Ce texte est donc une avancée concrète » salue le sénateur Daniel Laurent (Charente-Maritime, Les Républicains). « Mais il ne règle pas tout » pointe, comme d’autres*, le président du groupe d'études vigne et vin au Sénat, affirmant l’évidence : « l'abandon des vignes est le symptôme d'un mal plus profond. La viticulture française traverse une phase d'instabilité inédite. Elle subit une baisse de la consommation intérieure, en particulier chez les jeunes, doit répondre à des exigences environnementales croissantes sans suffisamment d'accompagnement, et elle est confrontée à une forte concurrence à l'export et une complexification des normes. En outre, le modèle de la petite exploitation familiale est fragilisé. »

« La filière viticole est confrontée à l'une des plus importantes crises multifactorielles de son histoire » confirme le sénateur Sebastien Pla (Aude, Parti Socialiste). Pour le rapporteur de la commission des affaires économiques, « la première cause en est la baisse de la consommation. En soixante ans, celle-ci a baissé de 70 % ; elle devrait encore se réduire de 20 % dans les dix prochaines années. Le changement climatique et le contexte économique et géopolitique s'ajoutent à cela, avec les décisions américaines sur les droits de douane et la concurrence des vins chinois et américains, qui contribuent à l'inflation. » Dans ce cadre, la présidente de la commission des affaires économiques, la sénatrice Dominique Estrosi Sassone (Alpes-Maritimes, Les Républicains) a lancé une mission d'information sur l’avenir de la filière viticole en mars dernier, avec comme rapporteurs les sénateurs Sébastien Pla, Daniel Laurent et Henri Cabanel (Hérault, divers gauche).

Cœur du problème

« Derrière cette proposition de loi se cache une filière en crise, par manque de vision et d'anticipation. Comment se fait-il que l'Italie exporte deux fois plus de vin que la France ? » (voir encadré) pose Henri Cabanel, interpellant la porte-parole du Gouvernement, Sophie Primas (remplaçant au banc la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, suivant le congrès des Jeunes Agriculteurs dans le Gers). Rapportant que « les premières auditions de la mission d'information nous inquiètent. On nous a dit qu'il fallait continuer l'arrachage -  100 000 hectares supplémentaires  - , car les volumes sur le marché sont trop importants », Henri Cabanel rapporte que « la profession demande donc à descendre à 650 000 hectares de vignes, alors que nos voisins européens plantent... Nous risquons de perdre en potentiel. En outre, les viticulteurs arrachent les vignes qui produisent peu. C'est donc une fausse bonne idée et des réflexions sont en cours au niveau européen » avec la possibilité de prolongation des droits de replantation (dans le paquet vin, étudié à Bruxelles).

Quelle est la logique ?

« Madame la ministre, pourquoi les paysans ne cultivent-ils plus leur terre ? Parce qu'elle ne les nourrit plus ou parce qu'ils ne trouvent pas de repreneur » pointe le viticulteur de Servian, pour qui « notre pays souffre d'un manque de cap : on demande des primes pour planter et en même temps des primes à l'arrachage ; on demande des subventions à l'irrigation et en même temps des droits à la distillation. Quelle est la logique ? Il faut avoir le courage d'arrêter de travailler en silo, chacun pour soi, par appellation, labellisation, région ou fédération, alors que nos voisins européens font du marketing à tir groupé, unis derrière le drapeau de leur pays. »

Acquiesçant ostensiblement à ces propos, Sophie Primas, valide qu’« il faut un travail de fond sur l'avenir de la viticulture. On ne peut à la fois payer pour arracher et pour replanter, sans vision d'ensemble. Je compte sur l'ensemble des territoires pour que ce travail soit mené avec l'interprofession. Nous devons savoir ce que nous voulons sur notre territoire, face à une déconsommation et à un contexte international qui n'est plus aussi favorable qu'avant. J'appelle, au nom d'Annie Genevard, à ce travail collectif. » Ajoutant que « la filière viticole est en danger. L'évolution des modes de consommation, les effets du changement climatique, les tensions sur les marchés internationaux appellent des réponses claires, concrètes et déterminées » indique également la ministre déléguée auprès du Premier ministre, François Bayrou. Ancienne présidente de la commission des affaires économiques (comme sénatrice pour les Yvelines et les Républicains), Sophie Primas pointe que « nous ne pouvons nous contenter de détruire des outils de production, comme on le fait pour les bateaux de pêche. Ce n'est pas une façon de regarder positivement l'avenir de notre production alimentaire. »

Nous ferons notre possible

Dans la mission d’information, « nous devrons proposer des solutions, peut-être décoiffantes » annonce Daniel Laurent, qui appelle les représentants de la filière à partager sans filtre leurs visions des choses pour se poser les bonnes questions et envisager les bonnes réponses. « Notre viticulture est hétérogène. Mais pour nous en sortir, nous devons tous jouer la même carte, et mettre en avant le rayonnement de la viticulture française à travers ses meilleurs vins et maintenir l'image de la France à l'international » avance Henri Cabanel, pour qui « nous ferons notre possible pour mener à bien notre mission. J'espère que le gouvernement sera à nos côtés. »

 

* : « Cette proposition de loi ne répond pas à la crise de la viticulture, mais limite les conséquences négatives des vignes abandonnées » indique par exemple le sénateur Vincent Louault (Indre-et-Loire, Horizons), notant que « la baisse de la consommation est amplifiée par le discours d'associations qui nous disent que le vin est dangereux dès le premier verre, sans rien dire sur la biture express des jeunes... Sans parler de la surproduction, de la concurrence étrangère, de l'augmentation des normes, des accidents climatiques, des ravageurs, etc. » Le sénateur Gérard Lahellec (Côtes d’Armor, Parti Communiste) ajoute que « la situation de la filière viticole est à haut risque, tant elle est confrontée à des difficultés structurelles et conjoncturelles : accidents climatiques à répétition, chocs exogènes dus au covid 19, hausse des coûts de production due à la guerre en Ukraine, contentieux économiques notamment avec les États-Unis. La filière doit aussi s'adapter à la baisse tendancielle de consommation de vin. » Idem pour le sénateur Lucien Stanzione (Vaucluse, Parti Socialiste) pour qui « certes, cette proposition de loi n'est qu'une réponse partielle au problème plus large de la déprise agricole et de la lutte contre les ravageurs » alors qu’il faut inverser « la tendance par une réponse forte de l'État. La diversification des productions est souhaitable, mais dans quelle production se diversifier quand toutes les filières sont en crise ? Comment s'engager dans cette voie quand les exploitations agricoles sont au plus mal ? Il faut une politique prospective, avec une stratégie globale. Et nos agriculteurs doivent être entendus. Nous appelons à un plan global de sauvegarde des cultures méditerranéennes : en remplacement des vignes, des fraises, des cerises et de la lavande, développons la culture de l'amande, de la pistache, de la grenade, de l'argan, de l'origan... » Idem pour le sénateur Daniel Salmon (Ille-et-Vilaine, les Écologistes), jugeant que « l'hyperspécialisation des exploitations fragilise cette filière d'excellence. Le maître mot de la transition doit être la diversité, à tous les niveaux. La polyculture, source de résilience, doit être soutenue avec volontarisme là où c'est possible. »

L'Italie exporte quasiment deux fois plus de vin en volume que la France (comme l'Espagne)

D’après les dernières données de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), la France a exporté 12,8 millions d’hectolitres de vin pour un chiffre d’affaires de 11,6 milliards d’euros en 2024 (respectivement +1 % en volume et -2 % en valeur). Si les exportateurs français sont les premiers en valeur de vin expédiés dans le monde, ils arrivent troisième derrière l’Italie (21,7 millions hl et 8,1 milliards €, +3 et +6 %) et l’Espagne (20 millions hl pour 3 milliards €, -5 et +1 %). Si les vignobles italiens et espagnols exportent d'importants volumes, en croissance nette, leurs valorisations sont bien inférieures à celles des vins français (boostés par les champagnes, ainsi que les grands crus de Bordeaux, de Bourgogne, etc.).



 

 

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Tous les commentaires (5)
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Grami Le 22 juin 2025 à 21:57:12
Le sénateur Cabanel et la commission devraient se renseigner un peu mieux, les italiens et les espagnols eux aussi ont de gros problèmes avec leurs vins rouges, dans tous les cas il faut adopter des mesures efficaces qui doivent ramener de la trésorerie dans les exploitations dans les semaines à venir car rares sont ceux qui pourront tenir plus longtemps...
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MG Le 16 juin 2025 à 18:40:51
" Les Allemands se sont fait accorder par leurs partenaires européens et en particulier avec l'accord de la France, le droit en agriculture de payer les travailleurs des pays de l'Est au tarif de leur pays d'origine." : c'est vrai ça ?
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DARIUS Le 10 juin 2025 à 12:10:37
Nos gouvernants nous taxent et ne se préoccupent pas des prix de revient des agriculteurs et des industriels. C'est tout le contraire en Italie ou en Allemagne par exemple. C'est ainsi qu'en Italie le travail au noir en agriculture est toléré. Et l'on estime à 400.000 le nombre de travailleurs au noir dans cette activité. Les Allemands se sont fait accorder par leurs partenaires européens et en particulier avec l'accord de la France, le droit en agriculture de payer les travailleurs des pays de l'Est au tarif de leur pays d'origine. La concurrence n'est pas loyale d'où les difficultés des paysans français et la chute de notre agriculture et viticulture.
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Fab Bio Le 10 juin 2025 à 07:04:42
Dans ce pays, la vigne fait encore rêver. Tout le monde tire dans le même sens. La droite forte est au pouvoir et malgré tout les Italiens sont en train de prendre le leadership politique en Europe. Chez nous, nos politiques sont des rigolos et les minorités des lobbys anti-alcool sont en train de mettre en place une véritable prohibition, par exemple dans le département du Rhône, les abri bus ont servi pour une campagne contre les accidents de la route du à l'alcool, sur l'affiche ont voyait un dessin d'une voiture accidenté qui avait foncé dans une bouteille de vin avec un verre à vin dessiné sur l'étiquette. de la bouteille, et en entête de l'affiche il y avait le logo du département du Rhône et de la préfète du Rhône. Par contre ils se voilent complétement la face sur les drogues au volant. Quand on discute avec des acheteurs étrangers, ils sont étonnés des primes à l'arrachage , pour eux la France est le pays du vin et cela leur parait fou que cela tout s'arrête. Notre pays oriente les aides sur des re-plantations dont on ne saura pas quoi faire des volumes et en même temps des arrachages. Tous ces moyens seraient mis dans la promotion et le commerce, les re-plantations se financeraient toutes seules et il y aurait moins d'arrachage. Nous étions le fleuron de la viticulture mondiale mais vu que dans notre pays on aime détruire ce qui marche, nous sommes une filière complétement à la dérive sans cap précis. Nos politiques et tous les hauts fonctionnaires sont des incapables.
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André Baniol Le 09 juin 2025 à 20:45:21
Et bien oui Messieurs, pour espérer retrouver une forme de compétitivité face à nos voisins Italiens ou Espagnols il faut d'abord que vous effaciez les gigantesques distorsions de concurrence que vous avez crées depuis 30 ans sur les couts de productions, les normes bureaucratiques et environnementales. Restera ensuite la différence de structure du capital des entreprises viticoles: émietté, atomisé, éparpillé chez nous , concentrées ou colossales chez eux. C'est pour cela qu'il faut aider par une prime d'arrachage de 10000e par ha la sortie de la plus part des vignobles qui pour les raisons ci dessus et bien d'autres encore n'ont aucune chance de devenir compétitifs. C'est pour cela qu'il faut aussi donner à ceux qui resteront tous les atouts de compétitivité dont l'accès à l'irrigation est un des plus importants.
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