vec un entrain de sénateurs, la chambre haute vient d’adopter ce 5 juin l’unique article de la "proposition de loi visant à instaurer un dispositif de sanction contraventionnelle pour prévenir le développement des vignes non cultivées qui représentent une menace sanitaire pour l'ensemble du vignoble français". Soit la mise en place d’une infraction de cinquième classe (1 500 € et 3 000 € en cas de récidive) visant les propriétaires de vignes abandonnées ne se conformant à une injonction d’arrachage (émise par les Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, DRAAF) pour prévenir le risque sanitaire des foyers de flavescence dorée (maladie de quarantaine). Les sénateurs ont voté à l'unanimité et à l’identique le texte adopté ce 6 mars à l’Assemblée nationale à l’initiative du député Hubert Ott (Haut-Rhin, Modem), sans le moindre amendement afin d’aller au plus vite conformément au rapport déposé par le sénateur Sébastien Pla (Aude, Parti Socialiste).
Vigneron dans les Corbières, ce dernier pointe lors d’une conférence de presse ce 5 juin l’urgence de la mise en œuvre de ce dispositif alors que les abandons de vigne se multiplient (sont évoquées des surfaces viticoles en friche de 400 hectares en Muscadet, 2 000 ha à Bordeaux et autant dans les Côtes-du-Rhône). En tant que voisin de vignes en friche, le sénateur voit l’impact économique de la flavescence dorée en particulier (avec les traitements obligatoires coûteux) et d’autres maladies en général (notamment le mildiou) dans un contexte de possible explosion des parcelles abandonnées (notamment dans le Languedoc-Roussillon). « Ces amendes de 5ème classe sont à la main des DRAAF, qu’elles se saisissent rapidement de cet outil pour mandater ses agents et commencer à appliquer ces contraventions et dissuader » déclare Sébastien Pla, pointant que les représentants de la filière vin soutiennent cette proposition de loi et appellent à sa mise en œuvre rapide. Bénéficiant d’une procédure accélérée, cette proposition de loi consensuelle doit répondre en urgence aux demandes de la filière (déjà portées par des amendements sur les lois de programmation agricole ou levant les contraintes du métier d’agriculture).


Remplaçant en séance la ministre de l’Agriculture (Annie Genevard suivant le congrès des Jeunes Agriculteurs dans le Gers), la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, indique qu’elle ne doute pas qu’après le vote conforme la promulgation puisse tarder. Avec cette adoption conforme, l’amende doit être applicable dès cet été estime le député Hubert Ott lors de la conférence de presse au Sénat. Pour l’élu alsacien, « la promulgation doit arriver dans le mois qui suit, il n’y a aucune raison que les choses n’avancent pas vite » alors que « nous avons la conviction que la gradation des mesures permettra des résultats concrets sur le terrain ». Rappelant que jusqu’à présent les vignes abandonnées étaient soumises à une sanction pénale complexe, disproportionnée et inappliquée (peine délictuelle allant jusqu’à 150 000 euros assortie de 6 mois prison), l’auteur de la proposition de loi défend une mesure équilibrée, graduelle et adaptée « pour agir en temps réel, couper net un cercle vicieux et mettre en place quelque chose de vertueux avec une sanction effective » poussant à arrachage.


Inquiétant les propriétaires en difficulté économique (ayant perdu leurs fermiers ou n’ayant plus de rentabilité), cette sanction est précédée d’une « information préalable » pour éviter les amendes et que « dans les cas où des viticulteurs en difficulté auront des problèmes pour financer des opérations d’arrachage, il est prévu une logique de solidarité à partir des Organismes de Défense et de Gestion (ODG) ». Interrogé sur ce point, le député alsacien reste rassurant : « en audition, les ODG d’Alsace, du Beaujolais, de Bordeaux, du Muscadet, nous ont garanti qu’elles se mettraient en relation avec les viticulteurs concernés pour trouver une solution de financement ou de solidarité, en mobilisant la logique de l’entraide du monde viticole » explique Hubert Ott, notant « évidemment que l’avertissement précédera l’amende. » Ce que confirme Sébastien Pla : « la DRAAF constate l’infraction, donne une injonction d’arracher les vignes, avec un délai variable (qui n’est pas prévu par la loi), si l’arrachage n’est pas réalisé au terme de l’injonction, l’amende tombera. Je ne pense pas que nous aurons des contrôles tous azimuts sur tout le territoire. Au contraire, cela doit passer par la pédagogie. »
Nécessaire mais pas suffisant
Partagé par tous les sénateurs s’étant exprimé ce 5 juin à la tribune, l’intérêt général de cette proposition de loi est vu comme une première réponse, partielle, à des problèmes plus larges et tout aussi urgents à résoudre, dans une filière en crise. Que ce soit sur la lutte contre la flavescence dorée, avec l’obligation de remettre la lutte obligatoire à plat pour le sénateur Daniel Laurent (Charente-Maritime, Les Républicains), ou proposer des pistes de solutions qui décoiffent aux multiples défis de la filière pour le sénateur Henri Cabanel (Hérault, divers gauche). Ces deux élus viticoles (le premier président le groupe de travail vigne et vin de la chambre haute, le second étant viticulteur à Servian) sont corapporteurs avec Sébastien Pla d’une mission d’information sur l’avenir de la filière viticole tout juste lancée par la commission des affaires économiques du Sénat. Son objectif étant de partir de la situation actuelle de la filière pour dégager une feuille de route « sans filtre », avec des propositions législatives et des pistes d’innovation qui « détonnent » avance Sébastien Pla. Les sujets viticoles sont loin d’être clos comme le répètent les parlementaires.