résentant ce 15 avril en visioconférence de presse les chiffres 2024 de la filière mondiale, l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) semble égrener les mauvaises nouvelles. Avec la plus petite consommation mondiale de vin depuis 1961, tombant à 214 millions hl en 2024, soit -3 % par rapport à 2023 avec une chute de 8 millions hl de vins consommés (dont -2 millions hl aux États-Unis et -2 millions hl en Chine). Avec les effets combinés du changement climatique augmentant la volatilité des rendements et amenant à la plus petite récolte enregistrée depuis le gel historique de 1961, la vendange mondiale 2024 tombant à 226 millions hl, soit -5 % par rapport à 2023 pour -11,4 millions hl de vins produits (à cause du mildiou, du gel, de la grêle, de la sécheresse… et de la réduction des vignobles). Avec le signe d’un arrachage mondialisé faisant perdre 43 000 hectares de vignes au potentiel viticole mondial (se portant à 7,1 millions ha, -0,6 % pour la quatrième année consécutive de baisse du vignoble mondial), dont 15 000 ha arrachés en Espagne et 5 000 ha en France (qui doit arracher au moins le triple en 2025, ne serait-ce qu’avec les aides nationales et girondines en cours).
De quoi imaginer un vignoble mondial en crise ? Pas si simple pour l’OIV, où l’on souligne depuis le siège de Dijon que la décroissance du vignoble mondial ralentit (et que l’on plante en Italie, en Inde, en Russie, au Brésil…) et que si la consommation de vin baisse, elle n’a jamais été aussi étendue dans le monde (dans 195 pays). Plus globalement, le marché mondial du vin se rééquilibre d’après les données de l’OIV, où l’on mesure que la différence entre la production et la consommation de vin en 2024 tombe à 11,6 millions hl. Avec des usages industriels de vin estimés annuellement autour de 30 millions hl, il y aurait une résorption conséquente des excédents déséquilibrant les marchés mondiaux. Sans qu’il soit pour autant possible de dire que la demande dépasse l’offre précise l’OIV.
Premiumisation
Son directeur général, le docteur John Barker, indique ainsi ne pas avoir les données de stock et d’usages industriels pour chiffrer l’équilibre entre sur et sous-production. Mais pour le juriste néo-zélandais, « la situation mondiale se rapproche de l’équilibre plus que de la surproduction ». Notant que les stocks varient localement et débouchent sur des marchés hétérogènes, John Barker veut voir le verre à moitié plein en pointant qu’un indicateur se porte bien et résiste à toutes les incertitudes géopolitiques : le prix moyen du litre de vin exporté, qui reste au niveau record de 3,6 €/l (soit 2,7 € l’équivalent bouteille de 75 cl) comme les exportations sont restées stables en 2024 (à 99,8 millions hl pour 35,9 milliards €). Même s’il reconnait que les petites récoltes successives et l’inflation aident, pour le directeur de l’OIV, cette valorisation maintenue confirme la tendance de la premiumisation du vin, où les marchés ne consomment plus autant en volume, mais plus en valeur.
« Je ne pense pas que l’on puisse parler de crise mondiale dans la filière vin. Parce que nous avons ces indicateurs très positifs. Si vous regardez dans le monde, certaines zones ont du succès, d’autres sont plus en difficulté. C’est un tableau très hétérogène » analyse John Barker, pour qui « nous sommes dans un moment de transition et nous allons voir évoluer les choses en termes de produits consommés par les marchés. C’est vraiment une constante dans la filière. » Faisant rimer difficultés avec opportunités pour ceux s’y adaptant, le directeur de l’OIV appelle la filière à écouter les tendances pour les accompagner.


« Chaque dimension clé du secteur vin est confrontée à un défi d’adaptation : la production (avec le changement climatique imposant de nouvelles techniques culturales, de nouvelles localisations…), la consommation (avec les changements sociétaux) et commerce (les incertitudes géopolitiques) » reconnait John Barker. Pour qui la production doit évoluer avec le climat, mais aussi l’impératif du développement durable et les profils demandés par les marchés. Pour qui, la consommation doit partir à la conquête de nouveaux publics en capitalisant sur les attributs du vin (authenticité et patrimoine) tout en écoutant les besoins émergents pour « voir le vin à travers leurs yeux » en communiquant et se donnant les moyens « de renouveler la croissance du secteur » estime le directeur de l’OIV. Pour qui le commerce international doit être préservé par une approche multilatéral (51 pays sont membres de l’OIV). « Le commerce international de vin est plus qu’une simple transaction économique. C’est un échange culturel de savoirs, un vecteur d’investissements transfrontaliers, c’est une rencontre entre des gens et un lieu » conclut John Barker.