outume laissant circonspect quiconque n’est pas de Côte d’Or, le ban bourguignon est une tradition chantée qui ne se discute pas : de toute façon, cet hymne n’a pas de paroles. « Fier aujourd’hui d’être Dijonnais, on pourra faire un ban bourguignon tout à l’heure » lance François Rebsamen, le maire de la capitale de Côte d’Or, à l’issue de son discours ce samedi 12 octobre pour l’inauguration de l’hôtel Bouchu dit d’Esterno qui devient le siège de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) célébrant à la même occasion le centenaire de sa création (le 29 novembre 1924).
« Un siège autonome, un phare, un QG et la maison pour tout le secteur viticole » liste Luigi Moio, le président de l’OIV. Visiblement submergé par ses souvenirs d’étudiants à Dijon, l’œnologue napolitain partage son émotion en saluant « le rôle déterminant joué par Pau Roca, directeur général inoubliable de l’OIV de 2019 à 2023 [NDLR : et sa disparition brutale], ayant renouvelé l’OIV et ayant joué un rôle décisif du changement de siège à Dijon ». François Rebsamen salue également « la mémoire du regretté Pau Roca à la direction générale de l’OIV, il a été l’homme clé de ce dossier. Un homme hors du commun qui le premier a cru dans le potentiel de Dijon. Un clos portera son nom au cœur du vignoble de Dijon », avec une cérémonie ce dimanche 13 octobre réunissant ses enfants et son épouse, Diana Roca.
Devant le résultat de la rénovation en 17 mois de l’hôtel particulier du XVIIème siècle (pour 14,5 millions €, qui seront remboursés à la ville de Dijon par les loyers réglés par l’Etat), « quelle vision et quel succès » s’exclame le docteur John Barker, le directeur général de l’OIV. Pour l’avocat néo-zélandais, « c’est un privilège, en tant que représentant de l’Hémisphère Sud, d’être ici alors que la coopération globale, le respect des cultures et la vision pour le futur convergent pour le bénéfice du secteur de la vigne et du vin que nous chérissons tous. »
Une filière soumise aux défis du « bouleversement climatique. Le vin et la nature sont profondément liés » prévient Marie-Guite Dufay, la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté (recensant 35 000 hectares de vignobles et 90 AOC), qui pointe que « le temps qu’il fait et les aléas climatiques impactent profondément la qualité et la quantité de vin produit. Vos travaux [à l’OIV] sont fondamentaux pour accompagner la filière viticole face aux grandes mutations de notre temps et promouvoir la durabilité et la pérennité d’une filière agricole majeure pour les territoires (économiquement et touristiquement). » Le jeu en valant la chandelle pour Marie-Guite Dufay, ne citant du bout des lèvres le défunt journaliste et écrivain bordelais Pierre Veilletet que parce qu’il était cité dans le Dictionnaire amoureux de la Bourgogne du géographe Jean-Robert Pitte : « il n’y a pas de grand vignoble prédestiné, il n’y a que des entêtements de civilisation ».
Les piques sur Bordeaux n’ont pas manqué lors de l’inauguration, la ville et le vignoble de Gironde ayant été candidats (ainsi que Reims et la Champagne) pour accueillir l’OIV lors de l’annonce d’une volonté de déménagement de Paris en 2021. À Dijon, « ce dossier nous est apparu d’entrée "comme une évidence". C’était le nom du dossier de Bordeaux. Il y avait un peu de malice dans ce propos » décoche François Rebsamen. « J’imagine les débats qui ont abouti au choix de Dijon » glisse dans un sourire Annie Genevard, la nouvelle ministre de l’Agriculture, actant le soutien de l’Etat pour que cette implantation bourguignonne soit un succès. Ce n’est qu’un « juste retour des choses » pour Fançois Rebsamen, rapportant qu’« en 1924, le maire de Dijon de l’époque, Gaston Girard, qui défendait bec et ongles à travers de nombreuses conférences la valeur de la vigne et qui contribuait par son implication à la création de l’OIV.» Un retour à domicile salué par un ban bourguignon (voir ci-dessous) clôturant les discours avant l’échange de clé entre le maire de Dijon et le président de l’OIV devant un parterre de ministres, d’ambassadeurs et de parapluies.
Marie-Guite Dufay, Annie Genevard, François Rebsamen, Luigi Moio, le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne (en 2021, il était secrétaire d’Etat ayant pesé sur le choix de Dijon) et le docteur John Barker.
Le ban bourguignon de ce 12 octobre au théâtre de Dijon Bourgogne.