’est un revers comme on en voit peu, même sur le court central de Roland Garros. Ce mercredi 28 mai, trois juges du Tribunal de Commerce International des États-Unis (CIT, basé à New York) annulent purement et simplement les tarifs douaniers du président Donald Trump, annoncés lors du "jour de la libération" et frappant à +10 % depuis le 9 avril de nombreux produits importés sur le marché américain, pour avoir fondé ces "tarifs réciproques" sur la loi fédérale de 1977 sur les pouvoirs économiques d'urgence internationale (International Emergency Economic Powers Act, IEEPA). Comme l’indique la décision judiciaire "VOS Selections versus Trump" rendue à Manhattan : « le tribunal estime que l'IEEPA n'autorise aucun des arrêtés tarifaires de représailles » et que les ordres émanant de la Maison-Blanche « dépassent toute autorité accordée au président par l'IEEPA pour réglementer l'importation par le biais de tarifs », ce qui implique que « les arrêtés tarifaires contestés seront annulés et leur application sera interdite de façon permanente ».
Direct en sursis et en appel
De quoi soulager les exportateurs de vins et spiritueux alors que les menaces de droits de douanes ne cessent de varier selon les déclarations successives de Donald Trump* ? Pas tout suite, la balle de match n’étant pas encore jouée. Le président américain a pris la parole sur le réseau TruthSocial ce 30 mai pour annoncer que « 11 juges de la Cour d'appel des États-Unis pour le circuit fédéral viennent de suspendre la décision du CIT », qui tient pour lui d’« une décision politique » de « juges radicaux de gauche ». Comme l’indique pourtant son site, « la mission du Tribunal de Commerce International des États-Unis (CIT) est de résoudre les litiges en favorisant l'amélioration de la législation et de la pratique en matière de douanes et de commerce international ».


Les tarifs dits réciproques étant remis en place le temps de l’appel, Donald Trump défend son « utilisation réussie des droits de douane » ayant permis que « plusieurs milliards de dollars aient déjà commencé à affluer aux États-Unis en provenance d'autres pays » via des accords de libre-échange et des projets de relocalisation/réindustrialisation. Ce qui justifie pour lui que « le président des États-Unis doive être autorisé à protéger l'Amérique contre ceux qui lui causent un préjudice économique et financier ». Espérant que « la Cour suprême reviendra rapidement et de manière décisive sur cette décision horrible et menaçante pour le pays », le président américain rapporte que « l'horrible décision stipule que je devrais obtenir l'approbation du Congrès pour ces droits de douane. En d'autres termes, des centaines de politiciens siégeraient à Washington pendant des semaines, voire des mois, pour tenter d'arriver à une conclusion sur ce qu'il convient de facturer aux autres pays qui nous traitent injustement. »
Autre son de cloche pour l’ONG Liberty Justice Center qui a mené l’attaque en justice devant le CIT pour cinq entreprises américaines lésées par les taxes Trump (dont un importateur new-yorkais de vins, VOS Selections). Dans un communiqué, les avocats rapportent que « si l'IEEPA conférait au président l'autorité unilatérale d'imposer des droits de douane à n'importe quel pays, à n'importe quel taux et à n'importe quel moment, comme le prétend le président, elle violerait probablement la séparation des pouvoirs prévue par la Constitution, qui confère au Congrès l'autorité en matière de droits de douane ». Ainsi, la décision à venir sur ce dossier concernera à l’avenir tous les droits de douane pris en vertu de l'IEEPA (ceux d’avril, mais aussi ceux de mars sur le Mexique et le Canada).
Les risques demeurent
En somme, si la Cour suprême adopte la même vision du dossier que le CIT, il faudrait une délégation du Congrès au président américain pour qu’il ait le pouvoir d'imposer des droits de douane dans un cadre clair (et donc limité). Donald Trump ayant la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat, le scénario d’une telle approbation est plausible, pouvant aller jusqu’à des tarifs universels à grande échelle selon les experts judiciaires. Même s’il n’avait pas de validation de tels pouvoirs, le président américain peut activer d’autres outils. « Si le gouvernement perd son appel, il pourrait toujours essayer de réimposer des tarifs similaires en vertu de différentes autorisations » sachant que « le secteur vitivinicole pourrait rester la cible » prévient l’association de distributeurs américains US Wine Trade Alliance dans un message à ses adhérents.
Ainsi « la section 122 du Trade Act de 1974 autorise des droits de douane allant jusqu'à 15 % pendant 150 jours » ou « les enquêtes au titre de la section 301 comme celles concernant les taxes sur les services numériques et Airbus » qui dans les deux cas « pourraient déboucher sur un régime tarifaire réciproque structurellement similaire, avec une plus grande durabilité juridique » analyse l’US Wine Trade Alliance. En l’état, « le circuit fédéral a fixé au 5 juin la date de présentation des mémoires des plaignants et au 9 juin celle de la réponse du gouvernement » pour le dossier VOS Selections vs Trump rapporte l’association. Tout en prévenant que la situation se complique avec de possibles effets les négociations internationales en cours (notamment entre l’administration Trump et l’Union Européenne) et d’autres affaires juridiques en parallèle (comme celle étudiée par la Cour de district de Washington émettant un injonction préliminaire empêchant la perception des droits de douane pour deux entreprises plaignantes, des entreprises de jouets dans l’Illinois).
Sans oublier d’autres coups de menton possibles de Donald Trump, qui a unilatéralement annoncé ce 31 mai « augmenter les droits de douane sur l'acier et l'aluminium de 25 % à 50 %, à compter du mercredi 4 juin ». C’est ce qui s’appelle monter directement au filet…
* : Avec 200 % de droits de douane sur les vins français brandis mi-mars, 20 % de "droits réciproques" sur tous les produits européens présentés le 2 avril à partir du 9 avril, finalement délai de 90 jours à 10 % de tarifs américains sur les biens européens depuis le 9 avril jusqu’au 8 juillet, menace du vendredi 23 mai d’imposer dès le premier juin des droits additionnels de 50 % sur les produits européens, menace finalement décalée par une annonce du 25 mai au mercredi 9 juillet…