l parle d’expérience. « La clé de la réussite du travail du sol, c’est de disposer d’une multitude d’outils et de les alterner selon les conditions climatiques de l’année, pose Simon Mazzini, propriétaire du domaine Heresztyn-Mazzini de 6 ha à Gevrey-Chambertin, en Côte-d’Or. Cela nécessite d’investir régulièrement, ce que nous pouvons faire dans notre appellation. »
Ce vigneron bio s’est lancé dans le travail du sol dès 2012. « Aujourd’hui, on a un protocole bien établi, explique-t-il. On commence par un microbuttage en sortie d’hiver avec des disques pleins Boisselet. Ensuite, on intervient une à trois fois, selon la pousse des adventices, avec des disques émotteurs Braun et des doigts Kress. Cela nous permet de travailler à 6-8 km/h et de maîtriser notre consommation de carburant. Et si la saison est humide, on n’hésite pas à repasser avec des lames hydrauliques Cutmatic, plus efficaces, et mi-juillet, on sort les Pétalmatic pour bien nettoyer autour du pied. »
Alors qu’il était déjà très bien équipé, il y a deux ans, Simon Mazzini a senti le besoin de s’équiper d’une tondeuse débroussailleuse autoportée. Un investissement de 12 000 € qu’il ne regrette pas : « En 2024, il a tant plu que le tracteur n’entrait plus dans certaines parcelles. La tondeuse a permis d’entretenir 1,5 ha et de sauver une partie de la récolte. »
Au domaine Arica, sur l’île de Ré, Marine et Simon Pitoizet parviennent à la même conclusion : « Pour persister dans le travail du sol, il faut multiplier les outils. » Eux aussi ont dû investir plus que prévu. Le couple conduit 13 ha de vignes en bio depuis huit ans. Ils ont fait de la gestion de l’herbe sous le rang leur priorité. « Parce qu’on aime que ce soit propre, mais aussi parce qu’une bonne gestion des adventices limite l’impact des maladies », lance la vigneronne.
En 2017, le couple, boosté par 40 % de subvention, investit dans une paire de lames interceps hydrauliques Actisol. « Le problème avec les lames, c’est que ça ne retourne pas la terre, relève Marine. Si dans les jours qui suivent, le temps est sec, c’est gagné. Mais s’il pleut, les adventices reprennent et on ne s’en sort pas. L’an dernier, il y avait tellement d’herbe que le palpeur s’effaçait trop tôt et qu’un triangle d’herbes est resté autour des pieds. On a essayé d’augmenter la pression, mais on s’est vite retrouvé limité : il ne fallait pas non plus arracher des souches. »
En juin, Marine et Simon Pitoizet demandent à leur concessionnaire de venir faire un essai avec une paire de décavaillonneuses mécaniques sans palpeur pour retourner la terre. « En un passage, le cavaillon était propre, note Marine. C’est une solution facile à mettre en place : pas d’entretien, quasi-pas de réglage et pas de câbles hydrauliques qui sautent quand on les utilise. »
Après cet essai, les Pitoizet passent commande. Montant de la facture 5 000 €. « C’est un investissement que l’on peut se permettre, indique Marine. Nous vendons 90 % de notre production sur l’île de Ré, dont 50 % directement aux consommateurs. »
Si les décavaillonneuses font un excellent travail, elles ne suffisent pas. « Elles nous servent en sortie d’hiver et en cas de d’urgence, comme l’année dernière, indique Marine. Mais on ne peut pas les utiliser dans les jeunes vignes, même si elles sont protégées par des tuteurs. Autre inconvénient, la vitesse de conduite. On roule entre 2,5 et 3 km/h maximum, si bien qu’il nous faut cinq jours pour passer sur tout le domaine alors qu’avec des lames, on avance à 4-5 km/h. On continue donc à les utiliser en saison. »
Autre expérience, celle de Gaëtan Cartet. Installé sur 4,5 ha à Bergholtz, dans le Haut-Rhin, ce coopérateur se lance dans le bio en 2021. À cette occasion, il s’équipe d’une paire de disques émotteurs et de doigts Kress, sans trop réfléchir à ses besoins, ces matériels étant à la mode. Il avoue avoir vite déchanté : « En 2024, l’herbe poussait tellement vite et était si dense que ces outils ont manqué d’efficacité. J’avais pourtant bien nettoyé sous le rang dès début avril. Mais, même en repassant toutes les trois à quatre semaines, le ray-grass persistait. Je suis le seul chauffeur sur l’exploitation, et comme il fallait renouveler les traitements phyto tous les six jours, je ne pouvais pas consacrer plus de temps au travail du sol. »
Bien décidé à en découdre avec le ray-grass, Gaëtan Cartet sort sa débroussailleuse. « C’est efficace, il n’y a rien à dire. Mais c’est long et ça ne fait qu’activer la pousse », signale-t-il. Fin juin, quand un voisin lui prête des lames interceps Braun, le vigneron revit. « J’ai vraiment vu la différence, dit-il. Même si on roule moins vite qu’avec des disques émotteurs, en un passage, le cavaillon est quasiment propre. Et, contrairement aux disques, les lames ne créent pas de monticule sous le rang. » Convaincu, Gaëtan Cartet a investi dans des lames. Et pour les utiliser au mieux, il a suivi une formation avec la chambre d’agriculture d’Alsace, histoire de profiter de l’expérience des autres.