près des années en bio, Guillaume Roussy renonce en 2021 à cette certification, et à ses lames interceps. « J’ai dû réduire mes coûts de production, explique ce vigneron, propriétaire d’un domaine de 60hectares à Saumur. Je vends toute ma production au négoce. Je ne valorisais pas en bio alors que les conditions climatiques sont devenues de plus en plus difficiles et imprévisibles. Quand il a plu 30 mm, qu’il faut aller traiter en urgence des parcelles enherbées un rang sur deux et qui ont été travaillées la veille, vous pouvez vous retrouver embourbé avec le tracteur jusqu’à l’essieu, c’est une vraie galère. »
En 2021, en même temps qu’il repasse au désherbage chimique, Guillaume Roussy investit dans des disques émotteurs et des doigts Kress, moins gourmands en main-d’œuvre et en gasoil que les lames Actisol. Mais après une année de déconvenue, ces nouveaux outils ont trouvé preneur sur Leboncoin.
« Les disques et les doigts Kress ne sont pas adaptés à nos terroirs caillouteux, regrette-t-il. Les pierres se prennent dans les doigts, et le matériel casse très rapidement. J’ai donc opté pour un entretien du cavaillon plus simple : une dose de 450 g/ha de glyphosate au début février, pour bien nettoyer, et une dose de 200 g/ha de Katana à la mi-mars, pour entretenir ».
Au début, tout allait bien. Puis des érigérons se sont nichés sous le rang. « Dans les parcelles vendangées à la main, on peut récolter les grappes sans en emmener dans la vendange, mais dans celles qui sont vendangées à la machine, ce n’est pas possible. Or, on ne peut pas se permettre d’avoir des têtes d’érigérons dans la benne à vendange, à cause du risque de mauvais goûts dans les vins. Je dois trouver une solution. »
Aujourd’hui, Guillaume Roussy réfléchit à investir dans des tondeuses interceps et envisage d’enherber totalement les parcelles les plus fertiles. « Il n’existe pas une solution unique mais une combinaison de solutions pour entretenir les sols, remarque-t-il. Quand on vend le kilo de raisin à un euro, il faut pouvoir maîtriser ses coûts, pas seulement les mauvaises herbes. »
À Blienschwiller, en Alsace, Vincent Eckert, double actif sur 1,70 ha, renoue lui aussi avec le désherbage chimique sous le rang après une année 2024 éprouvante. « Jusqu’au printemps 2023, j’appliquais toujours le même protocole de désherbage : 450 g/ha de glyphosate en sortie d’hiver, et cela suffisait à maîtriser les adventices. Mais en 2023, il a tellement plu que je n’ai pas eu d’autres choix que de passer la débrouilleuse sous le rang. Ça m’a pris énormément de temps. »
Malgré ces déboires, il débute en 2024 sa conversion en bio. « Je rêvais d’y passer. » Pour franchir le pas, il investit 5 450 € dans des disques émotteurs Braun et des étoiles Kress. « Un échec total, admet-il. Double actif et seul sur le domaine, je n’ai pas pu intervenir au bon moment pour passer les outils. Parfois, j’étais disponible mais les sols n’étaient pas assez ressuyés pour entrer dans mes parcelles en pente. D’autres fois, je n’étais pas disponible. Si bien que j’ai à nouveau fini la saison avec la débroussailleuse à la main. Cette année, j’ai ressorti le glyphosate en espérant que la saison ne sera pas trop humide, de sorte que la dose homologuée suffise à contenir l’herbe jusqu’à la vendange. »
Pour autant, Vincent Eckert n’a pas l’intention de renoncer à son projet. « J’ai mis les interceps et les étoiles Kress en vente sur Leboncoin. S’ils trouvent rapidement preneur, j’envisage d’investir dès l’année prochaine dans des tondeuses interceps, plus facile à utiliser quelles que soient les conditions météo et la hauteur des adventices. » De quoi retenter la conversion au bio sur de nouvelles bases.