itisphere lu par… Magalie Dubois, enseignante chercheuse en économie et marketing du vin à la School of Wine & Spirits Business de la Burgundy School of Business (Dijon). Revenant sur les coulisses de la tribune "En l’absence de consensus scientifique, pourquoi prôner l’abstinence ?" paru en septembre 2023 qu’elle a cosigné avec Stefano Castriota (département des sciences politiques de l’université de Pise, Italie), Magalie Dubois voit dans cette publication une illustration d’enjeux capitaux pour la filière vin : « dans le débat passionné autour de la consommation d'alcool et de ses implications pour la santé publique, une question cruciale se pose : la science doit-elle se plier à des positions préétablies ou doit-elle conserver sa liberté d'explorer et de nuancer ? »
En la matière, « notre tribune, initialement soumise à une revue reconnue*, interrogeait le fondement scientifique d'un discours prônant l'abstinence totale, en l'absence d'un consensus scientifique incontestable » rappelle l’enseignante chercheuse, se demandant dans cet article s’il était possible d'établir scientifiquement un seuil de dangerosité et si les politiques de santé publiques étaient sous influences d'études discutables. Dans la tribune de 2023, « nous soulignions les limites méthodologiques des études observationnelles sur l'alcool et le biais de publication qui tend à favoriser les résultats significatifs négatifs. Notre intention n'était en aucun cas de minimiser les dangers de l'abus d'alcool, mais plutôt d'appeler à une analyse plus rigoureuse des données disponibles et à une discussion ouverte sur la notion de risque zéro » indique Magalie Dubois.


La proposition de publication a essuyé un refus : « la raison invoquée ? Une politique éditoriale inflexible, affirmant que "l'alcool est dangereux dès le premier verre", une position qui, bien que largement répandue dans le discours de santé publique, ne reflète pas nécessairement la complexité et les nuances de la recherche scientifique actuelle. Cette décision, motivée par une adhésion stricte à une interprétation particulière des directives de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a de facto constitué une forme de censure, empêchant la diffusion d'une perspective scientifique potentiellement enrichissante pour le débat. »
Proposé dans nos colonnes, le texte a pu être publié fin 2023 : « Vitisphere a joué un rôle clef dans la préservation de la liberté académique et dans la promotion d'une discussion éclairée sur un sujet de santé publique majeur » partage Magalie Dubois, pour qui « cette expérience nous rappelle l'importance cruciale de disposer de plateformes d'expression scientifique qui ne craignent pas de remettre en question les idées reçues et d'offrir un espace aux analyses critiques, même lorsqu'elles dérangent les discours dominants. Nous espérons que cette publication contribuera à alimenter une réflexion plus approfondie sur la manière dont la science est communiquée et interprétée en matière de santé publique, et que d'autres voix pourront ainsi se faire entendre, libres de tout filtre idéologique. » Un vœu surréaliste ? Francis Picabia disait qu’un esprit libre prend des libertés même à l'égard de la liberté.