réfacé par une Pascaline Lepeltier (meilleure sommelière de France, meilleure ouvrière de France) qui loue « le travail exceptionnel de recherches archivistiques et le talent narratif indéniable » de l’auteur Thomas Labbé, Bulles, l’histoire singulière du Crémant de Bourgogne retrace deux siècles d’histoire des vins effervescents de Bourgogne à l’occasion du cinquantenaire de la création de l’appellation Crémant de Bourgogne (1975).
Le docteur en histoire de l’université de Bourgogne et fondateur du cabinet d’études historiques PArHis (Patrimoine-Archive-Histoire) livre dans cet ouvrage massif et grassement illustré de superbes photos du vignoble (de Thierry Gaudillère) la chronologie, et force anecdotes, de l’histoire de la production de vins effervescents en Bourgogne.
Si leur essor est établi au carrefour des années 1820, l’auteur rappelle que « la caractéristique de certains vins à montrer une petite effervescence sur la langue » remonte au Moyen Âge. L’auteur rappelle néanmoins que « dès la fin du 18ème siècle que des marchands de vins britanniques et parisiens développent une ‘champagnisation’ artisanale de vins de Bourgogne », mais ce n’est qu’en 1822 que la production officielle de vins mousseux de Bourgogne est lancée par Joseph-Jules Lausseure.
« L’histoire retient que les Bourguignons, en voisins et rivaux, ont été les pionniers au niveau mondial dans l’imitation des vins de Champagne », pose ainsi l’auteur, précisant au passage que la production se généralise alors à tous les vignobles, en France autant qu’en Europe. Le vin mousseux arrive surtout à un moment difficile pour le marché du vin tranquille, permettant opportunément d’écouler des volumes qui se seraient accumulés dans les chais.
Mais l’histoire est loin d’être linéaire car les années 1840 sont marquées par une importante crise qui secoue toutes les régions « dont les maisons champenoises se sont globalement bien sorties », mais qui va ailleurs provoquer « des faillites effrénées, et peu de maisons pionnières survivent à cette hécatombe ». L’ère de la modernité démarre vers 1850-60, avant que les décennies 1880-1920 marquent « l’âge d’or de la champagnisation en Bourgogne, les vins mousseux trouvant autant leur place dans les secteur des vins fins que celui des vins ordinaires », situe Thomas Labbé. Les progrès avérés de l’œnologie de l’effervescence permettent enfin d’assurer la régularité qualitative des vins mousseux.
Les années folles marquent en outre le marasme d’un vignoble champenois très affecté par les destructions de la 1ère guerre mondiale, offrant alors à la Bourgogne effervescente « d’y vivre des années de toutes les folies ». Pourtant l’apparition des AOC dans les années 1930 va bousculer les utilisations et « réputée pour ses vins tranquilles et reconnue uniquement comme telle par les cadres de la CNAO (comité national des appellations d’origine contrôlées), la Bourgogne se trouve de facto privée de revendiquer la moindre appellation contrôlée en vin mousseux ».
Les bourguignons arracheront finalement l’AOC Bourgogne mousseux en 1943 « à la faveur du contexte troublé de l’occupation ». Sauf, qu’après la 2nde guerre mondiale, « le bourgogne mousseux alimente les foires et kermesses plus que les expositions universelles ou les cercles gastronomiques, malgré le succès à l’international », étale Thomas Labbé. De « roteux de foire » des années 1950-80, le mousseux de Bourgogne va profiter ensuite du rebond avec une nouvelle génération et l’invention du Crémant. L’aboutissement de l’appellation Crémant de Bourgogne en 1975 vient ouvrir une nouvelle ère.
Bulles, l’histoire singulière du Crémant de Bourgogne, éditions La Martinière, disponible le 25 avril 2025. 45€ TTC.