itisphere lu par… Sylvie Tonnaire, la directrice de la rédaction du mensuel Terre de Vins. « S’il y a sujet qui m’interpelle particulièrement, c’est le plan d’arrachage » indique-t-elle, réagissant aux derniers articles sur le sujet, comme "La carte de l’arrachage et du désert de vignes qui s’annonce en Languedoc-Roussillon" du 13 décembre dernier. « Nous nous évertuons dans Terre de Vins à éclairer les belles initiatives et donc des vignerons qui tirent leur épingle du jeu » explique la journaliste, notant que « cela ne veut pas dire que nous ne voyons pas la crise de mévente en cours et qui n’a pas fini de sévir. Pour y faire face il faudrait saigner la filière ? Ce serait ça le remède miracle ? Franchement je n’y crois pas. »
Alors que la filière évoque un besoin d’arrachage de 100 000 hectares pour rééquilibrer l’offre à la demande de vins français, l’aide à l'arrachage définitif de 27 451 ha sur les 750 000 du vignoble national effraie Sylvie Tonnaire. « Quel sera le devenir de ces surfaces agricoles détournées de la production viticole qui en théorie doivent être affectées à une destination autre que la friche » pose-t-elle, pointant que « comme nombre de ces arrachages conduiront à un arrêt d’activité des propriétaires de ces vignes, il est à craindre que l’interdiction de friche soit parfois un vœu pieux, je me permets de dire ça parce que des "friches interdites" (creuset de maladies, de fermeture du milieu donc destruction du paysage et fin de la fonction coupe-feu des vignes), j’en vois à chaque fois que je sors dans le vignoble, toutes régions confondues ou presque. » À la perte de surfaces viticoles s’ajoute « la destruction d’emploi qu’on évalue à un poste supprimé tous les 2 hectares arrachés, nous voilà rendu à quelques 15 000 actifs en moins » complète la critique.
Une fleur à la concurrence
Face aux 945 000 et 700 000 ha des vignobles d’Espagne et d’Italie, « nos deux concurrents les plus proches » et les plus importants en volumes, la France creuse pour Sylvie Tonnaire sa chute concurrentielle face à « ceux avec qui on joue des coudes sur les marchés internationaux pour faire rentrer des ressources sonnantes et trébuchantes à la maison France. Tous ceux qui tâtent un peu de l’export savent bien que qualité et quantité sont importantes et que l’on peut perdre des marchés simplement parce qu’on n’a pas de quoi les honorer en quantité. »
Assumant une vision macroéconomique, la directrice de Terre de Vins note que « bien sûr, les pro-arrachage avancent que les vignes qu’on arrache coûtent plus qu’elles ne rapportent et qu’elles rendent les situations économiques des exploitants intenables. Ils ont raison. » Pour Sylvie Tonnaire, l’arrachage est un remède pire que la maladie faute d’alternatives : « à ne pas vouloir soigner, on ampute, on saigne. Et soigner ça veut dire quoi ? Cela passe souvent par un changement de l’hygiène de vie, l’adoption d’un autre modèle. C’est-à-dire qu’il faut y mettre de la volonté et avoir des idées. »


Partageant la vision optimiste de reconquête de certains économistes, Sylvie Tonnaire estime que la filière vin « dispose de quantités d’études et d’experts capables de plancher sur la question, je vois que les domaines petits et grands rivalisent d’initiatives : changement de profil des vins, proposition de différents formats, développement de l’œnotourisme, mais on avance en ordre dispersé parce qu’il n’y a pas de projet global pour protéger ni notre viticulture ni notre agriculture c’est-à-dire notre souveraineté alimentaire. Pour moi les responsabilités et les solutions sont politiques, à quand l’agriculture comme grande cause nationale ? C’est toute la question. »