nvité par le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne à clôturer la dernière matinée du Vinosphère, dédiée à la réduction de l'empreinte carbone, le directeur général du château Cheval Blanc (Saint-Emilion, groupe LVMH) déculpabilise les viticulteurs réunis au palais de Congrès de Beaune. « En l'absence de solution magique permettant de passer en un rien de temps de 100 % à 0 % d'émissions de gaz à effet de serre, faire mieux c'est déjà bien ». Pierre-Olivier Clouet insiste sur la nécessité de célébrer chaque petite victoire pour réussir à atteindre ses objectifs à plus grande échelle. « Chez Cheval Blanc, nous ne nous sommes pas réveillés un matin en nous disant que nous allions ranger les charrues et planter des arbres. C'est une somme de petits essais couronnés de succès qui nous a permis de convaincre nos équipes et nos propriétaires de basculer vers un mode de conduite agroécologique en 2009 », insiste celui qui fut aussi 15 ans directeur technique de l'ancien premier grand cru classé A de Saint-Emilion.
Pour mettre la viticulture au service de l'écologie, pas besoin d'aller cocher 50 cases. « A chacun de choisir ses armes en fonction de son sol, de son climat, de ses marchés? et d'agir du mieux possible sans surfer sur la courte vague du greenwashing ». Dans le « grand sac de l'agroécologie », Pierre-Olivier Clouet explique que Cheval Blanc a décidé de concentrer ses efforts sur trois piliers : l'arrêt du labour, l'agroforesterie, et la polyculture-élevage. « Nous ne retournons plus les sols pour limiter la disparition de matière organique mais semons des couverts végétaux après la vendange que nous couchons et roulons au printemps » illustre le directeur.
Concernant l'agroforesterie, Pierre-Olivier Clouet casse l'image d'une forêt domestique sous laquelle les vignes pousseraient toutes seules. « Nous avons planté dans les rangs 80 arbres par hectare et c'est un vrai travail. Nous taillons les fruitiers et trognions les forestiers. Nous les rabattons sur leur tronc pour pouvoir cultiver la vigne tout en rapportant du bois raméal fragmenté au sol et en démultipliant les réseaux de champignons mycorhiziens qui échangent de l'eau et des nutriments.» Avant de planter des ceps de touriga nacional ou de grenache à Bordeaux, Pierre-Olivier Clouet pense qu'il y a plein d'outils agronomiques à utiliser pour permettre à la vigne de s'adapter au nouveau climat.


Sur la polyculture-élevage, le directeur indique que six personnes s'occupent aujourd'hui à temps plein d'une ferme maraîchère produisant 45 tonnes de fruits et légumes, de brebis, de cochons, de poulardes, et de ruches. « Cheval Blanc n'a pas perdu la tête et continue à faire l'essentiel de son chiffre d'affaires en exportant ses bouteilles, mais cette diversification nous permet d'être utiles d'une autre manière à notre territoire, en produisant des aliments de qualité », explique Pierre-Olivier Clouet, qui a aussi remarqué que partout où l'on met des plantes et des animaux ensemble, ces derniers sont moins malades. Plus qu'aux pesticides, « sur lesquels il faut travailler mais qui ne sont pas l'alpha et l'oméga des problèmes de la viticulture », Pierre-Olivier Clouet est particulièrement hostile à la monoculture. Si tout le monde s'autorise à taper sur la plaine de la Beauce ou la ferme des mille vaches, il regrette que personne n'ose s'attaquer à de petits villages comme Saint-Emilion, « dans lesquels ont disparu bosquets, haies, murets, fossés? pour laisser place à des centaines de millions de pieds de vigne plantés sur des sols travaillés dans lesquelles les spores de mildiou font un strike quand elles frappent ».
A ceux qui lui disent « pour vous chez Cheval Blanc c'est facile, vous pouvez », Pierre-Olivier Clouet répond « parce qu'on peut, on doit, et si tous les gens qui pouvaient le faisaient, le monde irait déjà mieux ».