’est une grogne qui monte dans le vignoble alors que la campagne d’arrachage définitif à 4 000 €/ha peine à faire le plein avant sa fermeture ce 13 novembre midi sur le site de FranceAgriMer : des caves coopératives rappellent aux adhérents souhaitant arracher toutes leurs vignes pour quitter le métier qu’ils ont un engagement d’apport pluriannuel à tenir. Un contrat d’approvisionnement définit dans le règlement intérieur de chaque coopérative et qui peut se traduire par des pénalités de non-apport pouvant être conséquentes, comme elles sont proportionnelles au poids de l’adhérent dans les charges fixes de la structure et au nombre d’années qui restent à honorer. « Un sujet qui fait plus de bruit qu’il n’aura d’impact réel. Je ne pense pas que beaucoup de caves appliqueront des pénalités importantes » espère Joël Boueilh, le président Vignerons Coopérateurs de France.
Le vigneron de Saint-Mont -Gers) précise qu’« il n’y a pas de mot d’ordre national sur ce dossier. En réalité, chaque cas est particulier. Certaines caves disent qu’elles n’ont pas le choix et qu’elles doivent appliquer une pénalité, même si elle est symbolique. » La seule orientation nationale est que la position de chaque cave sur le sujet soit rapidement passée aux adhérents pour « que les vignerons puissent s’engager en connaissance de cause. Des conseils d’administration ont lieu en ce moment pour que cela avance vite » pointe Joël Boueilh, pour qui « ce n’est pas comme si le type partait à la concurrence. Et cela ne s’applique qu’à ceux arrêtant la totalité de leur activité, il n’y a pas de raison de pénaliser celui qui arrête partiellement ».
Au cas par cas
Sans donner de consigne locale, Ludovic Roux, le président des Vignerons Coopérateurs d’Occitanie, appelle ses adhérents à une approche bienveillante. « On a informé toutes les coopératives des règles et de la législation. Une coopérative peut faire appliquer le non-apport quelle qu’en soit la raison et peut, s’il y a décision de son conseil d’administration, ne pas appliquer de non-apport » détaille le viticulteur des Corbières (Aude). Alors que de nombreux vignobles dans le Midi sont en grande difficulté, Ludovic Roux fait passer le message de pas appliquer de pénalité de non-apport pour les personnes en détresse économique. « On laisse la liberté à chaque territoire. Dans les zones où le marché est bon, l’arrachage peut engendrer des effets d’aubaine qui ne sont pas cohérents pour les structures coopératives » indique-t-il.


Dans sa cave coopérative de Talairan, les Terroirs du Vertige, le viticulteur rapporte que le conseil d’administration a décidé de ne pas appliquer de forte pénalité de non-apport : « on met une pénalité équivalente au remboursement du capital social, c’est symbolique (30 €/ha). Pour ceux qui ont des vignes qui meurent et n’ont pas repreneurs, on ne peut pas mettre de pénalité de non-apport. » Même approche pour Denis Baro, le président des Vignerons Coopérateurs de Nouvelle-Aquitaine, qui dans sa cave de Rauzan (Entre-deux-Mers) n’applique rien d’autre comme pénalité qu’une somme équivalente au remboursement des parts sociales : « c’est pour la forme, il faut garder un cadre. Ce n’est pas de gaîté de cœur que l’on voit des adhérents partir, c’est la pérennité de la coop qui est remise en cause derrière. »
Ayant déjà eu ce débat l’an dernier, comme Bordeaux a cofinancé son propre plan d’arrachage sanitaire à 6 000 €/ha, la coopération aquitaine n’a pas adopté de position collégiale : « chaque coopérative se débrouille pour mettre en place ses règles » résume Denis Barot, qui confie que l’« on est tous inquiets pour notre pérennité. On dit tous qu’il faut restructurer. D’où la conduite d’audits. Pour en faire quoi ? Le sujet reste entier. » Président de la section viticole de la coopération Auvergne Rhône Alpes, Gilles Clerc rapporte que la pénalité de non-apporte sera gérée « au cas par cas. Chaque coopérative va l’appliquer selon sa stratégie et son conseil d’administration, qui est souverain chez lui. On n’a pas forcément de consigne. »


Malgré les rappels à la réglementation, on entend certaines menaces planer dans le vignoble : des viticulteurs voulant arracher entendant que leur coopérative va leur prélever 10 à 15 % de leurs primes (4 000 €/ha). « Je suis catégorique. Ce n’est pas possible. Il ne peut pas y avoir aucun lien avec la demande d’arrachage et le fait qu’une coopérative puisse retenir X pourcents de la prime » explique Jérôme Despey, le président conseil spécialisé vin de FranceAgriMer. Pour le viticulteur de Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault), « il n’est pas possible de prélever un pourcentage de la prime : il n’y a aucun lien juridique. Ce n’est pas possible réglementairement. »