nnoncée, la guerre commerciale entre la Chine et l’Union Européenne semble bien partie pour avoir lieu et emporter avec elle les vignobles de Cognac et d’Armagnac. Victimes expiatoires d’un conflit qui leur reste extérieur, sur les véhicules électriques où ni Pékin ni Paris ne veulent perdre la face, les eaux-de-vie de vin charentaises et gasconnes sont touchées par des taxes punitives dès ce vendredi 11 octobre (via des cautions de 34,8 % en moyenne prises aux importateurs chinois). En diplomatie, appuyer là où ça fait mal tient de la règle évidente et, quand on veut négocier avec la France, attaquer le vignoble tient du réflexe pavlovien. Mais il semble que nos partenaires commerciaux à l’étranger aient plus conscience que les politiques français et européens de l’impact économique de la filière vin…
Imposer des droits de douanes punitifs sur les cognacs, ce n’est pas seulement affecter une ligne de résultats sur le bilan aux actionnaires de grands groupes du luxe, c’est aussi fermer des débouchés aux négoces charentais qui vont réduire leurs achats aux viticulteurs, qui vont se retrouver avec des volumes excédentaires qui ne vont pas rester longtemps sans destination… De quoi créer une crise du vin blanc alors que celle du rouge ne fait que s’envenimer ? L’effet domino des taxes chinoises peut être vertigineux, non seulement pour tout l’écosystème des spiritueux (salariés des vignobles et négociants, fournisseurs allant des tonneliers aux verriers…), mais aussi les autres vignobles français (avec un risque clair de déstabilisation de marchés n’ayant pas besoin de ça pour être difficiles).
Autant dire que les propositions d’enquête à l’OMC et d’aides aux filières touchées avancées par la Commission Européenne arrivent à contre-temps, agissant comme si les taxes étaient déjà gravées dans le marbre et qu’il fallait vivre avec. Ou plutôt survivre sans marché chinois. Un nouvel entretien entre le gouvernement et les filières d’Armagnac et de Cognac est prévu ce lundi 14 octobre, cette fois avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, mais toujours avec l’attente d’avancées concrètes par les viticulteurs et négociants. Un conflit s’inscrivant dans la durée n’étant dans l’intérêt de personne : « il n'existe pas d'exemple d'une nation qui aurait tiré profit d'une longue guerre » disait Sun Tzu dans son Art de la guerre.
Et si l’esprit nationaliste chinois se cabre durablement contre la France, les taxes auront beau être levées, un mal encore plus dévastateur aura été fait pour les vins et spiritueux français. Qui ne cherchent qu’à exporter, mais n’oublient pas que pendant ce temps-là, les taxes américaines Airbus/Boeing sont toujours en embuscade pour 2026. « Ce n'est pas assez au prince de voir, il faut qu'il prévoie » écrivait Bossuet dans sa Politique tirée de l'Écriture sainte (1709), sans que la crainte du futur ne paralyse l’action présente : « il ne faut point avoir une prévoyance pleine de souci et d'inquiétude, qui vous trouble dans la bonne fortune : mais il faut avoir une prévoyance pleine de précaution, qui empêche que la mauvaise fortune ne nous prenne au dépourvu. »