n 2023, le mildiou et la sécheresse amputent 80 % de la récolte sur les deux hectares de chardonnay et de merlot du jeune domaine de Villarzens, à Bram, dans l’Aude, racheté cinq ans avant par Eva Munch-Ellingsen et son mari Aurélien. Privés d’une future rentrée d’argent, alors que la crise commerciale les met déjà en difficulté, les jeunes parents décident à la fin des vendanges de repousser l’achat du nouveau tracteur qui leur aurait épargné le binage des sols à la main.
Comme elle le fait tout au long de l’année, Eva Munch-Ellingsen partage ses déboires à des amis vignerons sur un groupe WhatsApp. Parmi eux, Bertrand Renard, installé depuis 3 ans en Picardie et membre du bureau de Vendanges Solidaires « Quand j’ai annoncé que je repoussais mon investissement, Bertand m’a tout de suite appelé au nom de l’association pour me proposer un prêt d’honneur de 15 000 €, à commencer à rembourser un an plus tard, en choisissant le montant des mensualités », se souvient la vigneronne. « J’ai signé tout de suite » raconte-t-elle. La famille a réceptionné son Renault Dionis 120 en novembre, pour le plus grand bonheur des enfants.
Pour sécuriser ses revenus, Eva Munch-Ellingsen a sorti cette année trois nouvelles micro-cuvées à partir de chenin, cabernet, et grenache tous justes entrés en production. Elle s’essaye aussi aux bulles, et vient de faire distiller du vin pour en faire du gin bio, baptisé "ginette", comme il n’est pas issu d’eau-de-vie de grain. « Nous y avons ajouté des agrumes, du romarin et du fenouil sauvage de nos vignes, et le produit marche déjà très bien », se réjouit la vigneronne.
Il est arrivé presque la même histoire à Antoine Bernardin, installé en 2019 au domaine La petite odysée à Savignargue, proche de Toulouse, en Haute-Garonne. « Comme beaucoup de vignerons du Sud-Ouest, ma vendange a été complètement ravagée par le mildiou l’année dernière », relate-il. Le vigneron a joué de mal chance. « Un épisode de grêle a éclaté les baies encore saines, et quelques jours de canicule ont fini de les assécher à la fin de l’été. En bout de course, j’ai récolté 30 hectolitres sur 8 hectares ». Antoine Bernardin est dans le même groupe WhatsApp qu’Eva Munch-Ellingsen et a également été appelé par Bertrand Renard.
« En 5 minutes à peine, j’ai aussi obtenu un prêt à taux zéro de 15 000 € . L’association m’a envoyé une attestation à renvoyer signer, et le lendemain j’avais l’argent sur mon compte. Je commence à rembourser le mois prochain, avec des mensualités de 400 € ». En rajoutant 25 000 € de fonds propres à cet apport, Antoine Bernardin a pu se faire livrer du Minervois et du Ventoux l’équivalent de 140 hectolitres de vendange fraîche certifiée Demeter. « Il ne me fallait pas moins pour retomber à l’équilibre sur le millésime 2023 quand je vendrai les vins élevés dans deux ou trois ans. L’achat de raisin est mon assurance climatique à moi », explique-t-il.
Cette année, c’est le gel qui a amputé sa récolte, à hauteur de 40 %. « Mon bouysselet et mon petit manseng ont été très touchés. Comme les consommateurs veulent du blanc, je suis en train d’acheter du grenache blanc ». Antoine Bernardin a recontacté Vendanges Solidaires. « Nous sommes en discussion sur un nouveau coup de pouce », indique-t-il, conscient que rien n’est gagné, l’année ayant été très dure pour de très nombreux vignerons et l’association ne disposant pas de fonds illimités.
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