oire aux vaincus. Une kyrielle de petits prix s’affiche cette rentrée avec le lancement des foires aux vins d’automne. De quoi brouiller la vision du coût d’un vin pour le consommateur, à coup de -50 % et autres offres promotionnelles bradées sur des étiquettes qui avec nom de château, qui médaillées, qui certifiées HVE ou bio… Avec ces tarifs indécents, on ne sait pas qui gagne quoi, mais on voit très rapidement qui perd tout. Qui peut décemment gagner sa vie à ces prix, à part peut-être les intermédiaires dans une logique de prix d'appel ?
C’est l’aloi du marché : le plus fort reste celui qui a accès aux distributeurs et aux consommateurs. Il devient un prédateur en profitant des situations de surstocks chroniques et de fragilités économiques des caves particulières et coopératives. Si le fossé entre les discours des dirigeants de la grande distribution et la réalité de leurs catalogues est béant, un lecteur faisait remarquer en réaction aux offres de Lidl que « ce ne sont pas eux les plus coupables, ils n’achètent pas cher, mais ne revendent pas cher non plus. Tous les autres n’achètent pas cher, mais les prix publics sont hauts : grosses marges assurées. »
Avec les liquidations judiciaires qui essaiment le vignoble, on entend parler de prix d’achat tellement aberrants de lots de vins que l’on peut craindre de n'avoir encore rien vu. Et ce sur toute la gamme. Plus personne n’est épargné : c’est le méfait domino, qui déstabilise tous les marchés, la pyramide s’effritant à sa base et faisant redescendre ceux qui espéraient encore être épargnés. Ce nivellement par l’entrée de gamme pèse sur le moral de ces vendanges 2024 où l’on peine à trouver enthousiasme et gaîté. De nombreux domaines sont à bout, après une année climatiquement éprouvante, ils sont économiquement pris à la gorge et oscillent entre résignation muette et colère sourde.
Le calvaire à moitié vide. Pour certains, ce sera la dernière récolte avant l’arrachage définitif, dont l’ouverture s’annonce imminente, avec l'inconnue sur la demande, qu'elle soit supérieure à l'enveloppe ou inférieure aux excédents chiffrés. Dans tous les cas, ce sera une sortie de la filière par la petite porte pour les gens du vin. Après des années de dur labeur sans compter ses heures. Après des générations ayant révélé des terroirs et construit un tissu local résilient. Même si dans le vignoble les coûts et les douleurs ça ne se discute pas, il est bien long le temps des crises. Sachant que l'aide à la sortie de la filière est aussi une aide à l'entrée des jeunes et au maintien des domaines touchés par la baisse des ventes/des acomptes.
Le calvaire à moitié plein. Pour ceux qui restent dans le vignoble, le combat s’annonce âpre : la filière vin se fragilise dans son ensemble, des fournisseurs aux négociants, en passant par les prestataires et les courtiers. Charge au futur gouvernement de ne pas faire faux bond en ce moment crucial pour un fleuron économique français : la filière répète ses besoins de soutiens politiques, de restructuration stratégique et d’adaptations climatiques des opérateurs. Si le rendez-vous est manqué, attention à la facture territoriale.