onnu comme poète romantique et écrivain, Alfred de Vigny était aussi un producteur impliqué et avisé de cognac sur ses terres du Maine-Giraud à Champagne de Blanzac, petit village dénommé Champagne Vigny aujourd’hui.
Il naît le 27 mars 1797 à Loches dans une famille noble. Il grandit à Paris. Il embrasse d’abord une carrière militaire mais après 15 années de services il démissionne et se consacre à ce qu’il aime par-dessus tout : l’écriture. En 1826 il connait le succès après la publication de son roman historique Cinq-Mars. Il écrira par la suite des romans, nouvelles, mémoires et ses fameux poèmes « La Mort du loup », « La Bouteille à la mer », « Moïse », etc. Son œuvre traduit un profond pessimisme, une vision désenchantée de la société et une approche stoïque de la vie.
En 1827, il hérite de Maine Giraud, domaine acheté par son grand-père en 1768. A l’époque il est quasiment en ruines. Alfred de Vigny y séjourne par intermittence car sa vie reste parisienne. Mais il prend à cœur de réhabiliter cette exploitation qui compte alors 85 hectares de bois, de vignes et de cultures (avoine, haricots, blé, pomme de terre, seigle, chanvre etc) et en faire « une propriété de rapport » ce qu’il réussira parfaitement. Et ce, grâce à la vente de ses eaux-de-vie de Cognac, notamment à la maison Hennessy, étant lui-même souvent en contact direct avec Auguste Hennessy.
Même s’il vit à Paris, il s’implique totalement dans gestion du domaine, comme en témoigne son « carnet vigneron » où il note avec précision toutes informations utiles à son travail de propriétaire. Ce carnet que le domaine a conservé contient des articles que le romancier a découpés dans des journaux sur la qualité ou le cours des eaux-de-vie . Rédigé par un pharmacien de Saintes, il présente un procédé pour détecter les eaux-de-vie frauduleuses. Alfred de Vigny l’annote ainsi : « à examiner très utile à combattre le vol des falsifications par les marchands en gros à l’ étranger et les mélanges faits d’avance à Cognac et Chateauneuf ».
Autre preuve de son implication dans la conduite de l’exploitation les nombeuses lettres qu’il échange avec son régisseur. Ce dernier lui écrit jusqu’à 2 fois par jour pour l’informer de tout -de l’état des cultures, des risques de gel, de la qualité des vins et des eaux-de-vie , des prix du marché, etc. En réponse, Alfred de Vigny lui donne des directives. Pour vendre ses eaux-de-vie , lui donne toujours des ordres très précis. « Livrez d’abord quelques barriques, lui écrit-il, ensuite vous vous informerez des probabilités d’augmentation des prix et si l’augmentation est certaine attendez ».
Le 19 janvier 1854, il écrit : « au reçu de ma lettre allez voir Mr Michaud l’agent de Mr Hennessy à Chateauneuf et traitez des eaux-de-vie de cette année (…). Vous les vendrez à 400 F la barrique de 27 veltes (ou 200F l’hl) et plus s’il se peut mais rien en dessous de ce prix ». Et puis fin aout 1854 anticipant la campagne suivante : « je n’ai rien arrêté avec M Hennessy et vous ne traiterez avec personne pour mes eaux-de-vie , puisque les vendanges s’annoncent comme ne devant pas être très productives ». Sous-entendu : le propriétaire s’attend à voir les prix monter.
Parisien et homme de lettres, Alfred de Vigny est fier de sa production comme en témoigne ce commentaire à son régisseur en 1857. « Il est probable que l’on sait à présent dans le pays que mes eaux-de-vie sont les plus pures qu’on puisse faire et que j’ai mieux aimé acheter du bois quoique le Maine-Giraud n’en manque pas, que de faire brûler [distiller, NDLR] avec la tourbe, qui aux dires des distillateurs, altère le goût de l’eau de vie ».
Alfred de Vigny décède le 17 septembre 1863 à Paris, après une longue maladie qu’il a supportée avec stoïcisme. La fin de son poème « La mort du loup » résonne étrangement comme un écho à sa vie : « Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t’appeler Puis après, comme moi, souffre et meurt sans parler ».
Aujourd’hui, Mathieu Durand est à la tête du Maine Giraud. Ce domaine racheté par sa famille en 1938 comporte 40 ha de vignes pour cognac. Il abrite un minuscule musée en hommage à l’illustre écrivain doublé d’un l’habile gestionnaire qui a su lui redonner son lustre en son temps.
Bibliographie : Carnet vigneron, archives et musée du domaine Le Maine Giraud .
Lettres à Philippe Soulet, JA Catala . Vigny au Maine Giraud JA Catala.