n cas de schizophrénie ou un exercice de vérité sur le lien entre les différentes boissons alcooliques et la santé ? Une étude publiée il y a quelques semaines dans la revue Addiction peut interroger. En effet, ses sept auteurs ont tous un lien plus ou moins proche avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), y compris sa branche européenne connue pour sa position intransigeante vis-à-vis de l’alcool. Certains d’entre eux publiaient au même moment dans The Lancet un article qui défend les avertissements sanitaires sur les boissons alcooliques, déclarant qu’ils « constituent une option politique efficace pour mieux faire connaître les effets cancérigènes de l'alcool, avec un effet généralisable dans plusieurs pays ».
Et pourtant, dans cet article qui classe les habitudes et cultures de consommation d’alcool en Europe entre 2000 et 2019, les chercheurs s’attèlent à identifier des « liens empiriques entre ces modèles [de consommation d’alcool en Europe] et des indicateurs de méfaits sanitaires liés à l’alcool ». Pour arriver à la conclusion suivante : « Comparés aux pays consommateurs de vins, le taux de mortalité pour 100 000 personnes était sensiblement plus élevé en Europe de l’Est où la consommation de spiritueux et « d’autres » boissons est plus élevée ». Ce constat est d’autant plus fondé, que les différents modèles de consommation sont analysés sur vingt ans : en 2019, 2015, 2010 et 2000. Durant cette période, les chercheurs observent que « les deux tiers des pays sont restés dans le même groupe au fil du temps… » Ce qui laisse à penser que les habitudes de consommation sont plutôt ancrées dans les cultures locales.
L’exemple éloquent de la SuèdeAu départ, les chercheurs ont voulu savoir si, sous l’effet de la mondialisation, des évolutions économiques et des réorientations des politiques publiques, les différents groupes de consommation identifiés en 2000 étaient toujours d’actualité. Ils ont conclu dans l’affirmative, avec une exception notable : la Suède. Dans ce dernier cas, il s’est opéré une transition vers un modèle de consommation de type méditerranéen, caractérisé par la présence de vin. Cette évolution a entraîné dans son sillage, une baisse de la consommation excessive de manière épisodique et une consommation globale qui reste modérée et apte à maintenir une faible charge de maladies et de mortalités liées à l’alcool. « On pourrait spéculer qu’une telle transition a été facilitée par un monopole d’alcool puissant, qui contrôle la vaste majorité des ventes d’alcool », notent les auteurs de l’étude.
Quoi qu’il en soit, les chercheurs s’interrogent sur la manière d’influer sur les modes de consommation, pour arriver à un niveau par habitant élevé tout en étant corrélé à une faible mortalité, « tel que l’on voit en Europe occidentale ». Deux propositions, inspirées de recherches existantes, sont émises pour réorienter les modèles typiques en Europe du Nord et de l’Est vers ce dernier : une approche « sobre » caractérisée par l’imposition de mesures réglementaires strictes, ou bien une démarche qui favorise l’évolution progressive vers un modèle de type méditerranéen, à l’instar de la Suède. En l’occurrence, un style de consommation où le vin représente la principale boisson alcoolique, consommé à table, de manière quotidienne ou presque, avec des épisodes d’intoxication relativement rares et une disponibilité de produits élevée. Tout le contraire des pays d’Europe de l’Est et du Nord (dominés par les spiritueux) et de l’Europe Centrale (bière).
La question désormais est de savoir quelles pourraient être les répercussions de ces conclusions sur les futures politiques visant à combattre les effets de la consommation excessive épisodique sur la mortalité et l’espérance de vie en bonne santé…