n France, la consommation de vin se voit concurrencée par la bière, les eaux minérales… Aux États-Unis, c’est le cannabis qui change la donne. Relevée par Rob McMillan, le fondateur de la division vin de la Silicon Valley Bank, une étude Gallup mesure en juillet 2023 que « 40 % des adultes déclarent que le cannabis n’est pas nocif, alors que seulement 16 % citent l'alcool comme n'étant pas nocif ». Ils sont 50 % à juger l’alcool nocif d’une manière ou d’une autre, contre 35 % pour la marijuana. La dangerosité est jugée très forte pour 30 % des sondés sur l’alcool contre 23 % sur le cannabis. En somme, « le cannabis est un substitut potentiel au vin. Lorsqu'on a demandé aux adultes dans quelle mesure l'alcool et le vin étaient nocifs, les adultes interrogés ont considéré l'alcool comme plus nocif que la marijuana » résume Rob McMillan.
De plus, Gallup a comparé l'opinion des consommateurs sur l’effet de l’alcool sur la santé entre 2018 et 2023 : « les plus de 55 ans, ceux qui ont peut-être vu l'émission 60 Minutes [sur le French paradox en 1991 sur CBS] ont gardé inchangées leurs opinions. Le message anti-alcool de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fonctionne cependant. Plus de la moitié des plus jeunes consommateurs en ont désormais conclu que consommer de l’alcool, même avec modération, est mauvais pour la santé » rapporte Rob McMillan, qui s’appuie de nouveau sur Gallup : « 52 % des 21-34 ans considèrent mauvaise pour la santé la consommation modérée d’alcool (contre 34 % en 2018). Pour 35-54 ans, on passe aussi de 26 à 39 % entre 5 ans. Pour les plus de 55 ans, on passe de 26 à 29 % »


« On entend parfois dire que "alcohol is the new tobacco", un produit qui pourrait être diabolisé et disparaitre de la consommation de masse » confirme récemment Martin Cubertafond, consultant en stratégie et maître de conférences à Sciences-Po. Une dénormalisation qui croit également chez les consommateurs d’alcool : 35 % des 21 à 49 ans ne consomment jamais de vin (contre 14 % au-dessus de 70 ans) d’après une étude du Wine Market Council (en 2022). Pour des raisons de santé comme de budget, « le vin est moins une préférence pour ces consommateurs que d’autres options » pose Rob McMillan, qui souligne qu’« il reste encore beaucoup à faire pour comprendre les motivations nuancées des consommateurs d’alcool qui font le choix conscient de consommer moins de vin ».
Mais pour les opérateurs de la filière vin, patienter le temps que les jeunes abstinents deviennent des consommateurs n’a pas de sens pour Rob McMillan : « attendre qu'une cohorte fictive vieillisse suffisamment pour découvrir le vin ou croire que nos stratégies "ont toujours fonctionné auparavant" est toxique pour adapter une filière lorsque le contexte qui détermine le changement de demande. »