On boxe dans la catégorie que l’on choisit » pose Éric Paul, le président du comité des vins IGP de l'Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Ce mardi 2 juillet, l’instance a validé la formalisation dans le Code Rural de l’interdiction de basculer des vins d’appellation (AOP) en Indication Géographique Protégée (IGP). Une disposition déjà présente dans la réglementation, mais actuellement imprécise et laissant place aux interprétations pour la filière vin. « Un vin revendiqué en AOP ne peut changer de catégorie que pour faire du vin sans Indication Géographique (vin de France) » résume Éric Paul, ajoutant que le comité qu’il préside propose l’ajout dans le Code Rural d’une possibilité laissée à chaque Organisme de Défense et de Gestion (ODG) de fixer une date par rapport à la déclaration de récolte pour permettre aux vins prévus en AOP de pouvoir basculer en Vin de France avant de rejoindre le plan de contrôle d’une IGP. L’objectif de l’outil réglementaire est « de ne pas avoir l’arrivée de volumes de méventes venant d’autres catégories. On entend que des volumes d’AOP non vendues remontent par les sans IG et les contrôles IGP au risque de tout déstabiliser » pointe le viticulteur de Montfort-sur-Argens (Var).


Évoquée depuis des années (en 2023, en 2020…), cette étanchéité a été travaillée ces derniers mois par la Confédération des vins IGP de France (Vin IGP) et la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC) jusqu’à aboutir à cette proposition d’interdiction de principe de repli des AOP en IGP, avec la possibilité que chaque IGP puisse fixer une date de revendication ouvrant une fenêtre de transfert. « On décorrèle la certification de la labellisation » indique Gérard Bancillon, le président de Vin IGP, précisant que « chaque IGP pourra fixer une date proche de la déclaration de récolte pour bloquer les volumes, la labellisation se poursuivant au cours de l’année. Cela amène chacun à réfléchir à ses propres marchés sans polluer ceux des autres. Pour que les volumes soient figés pour la campagne en cours. Ça permet de responsabiliser les deux signes de qualité. » Le viticulteur de Garrigues-Sainte-Eulalie (Gard) ajoute qu’« il peut y avoir des effets déversoir dans les deux sens : des AOP qui pompent des IGP pour assurer des marchés et dans d’autres régions des IGP qui servent de déversoir pour les AOP qui ne vendent pas. »
« Les IGP ne doivent pas être le déversoir des AOP et vice-versa. On ne peut pas d’une année à l’autre basculer des volumes d’IGP en AOP » confirme Jérôme Bauer, le président de la CNAOC, pour qui le système acté avec l’administration (INAO et Douanes) « sécurise à la fois les AOP et les IGP » qui « ont pris leurs responsabilités » avec ce dispositif. « Il y a encore du travail » pointe le vigneron de Herrlisheim-près-Colmar (Haut-Rhin), évoquant des réflexions à mener sur les AOP hiérarchisées pour éviter « les raisins à roulette » qui vont gonfler les rendements d’un cru ayant pourtant été touché par un accident climatique (l’ancienne règle des 10 % de différentiel de rendement étant caduque depuis longtemps).
Pour les IGP, « la déclaration de récolte reste la déclaration de récolte. De petits malins peuvent toujours optimiser les volumes juste après la récolte » reconnait Gérard Bancillon, qui espère que les délais serrés fixés par chaque ODG permettront de limiter les dérapages. « Même si le dispositif est certainement perfectible, il va dans le sens d’une construction de valeur ajoutée » note le président de Vin IGP, pour qui « ce sont les périodes de crise qui amènent à plus de maturité ». Gérard Bancillon appelle de ses vœux d’autres systèmes de régulation, notamment les réserves interprofessionnelles permettant de s’approcher du modèle de la Champagne (gérer les manques en cas d’aléas climatiques et lisser les volumes en cas de repli de commercialisation) et d’éviter « l’ajustement des marchés par les rendements, c’est dommage. Cela ne permet pas à celui performant de vivre correctement, alors que le système de réserve le permet. »
Désormais la filière IGP attend la reprise de cette proposition dans le Code Rural. Alors que l’action du gouvernement est actuellement suspendue aux élections législatives anticipées (deuxième tour ce dimanche 7 juillet), « on souhait que cela avance le plus vite possible. Mais nous n’avons aucune visibilité » indique Éric Paul.