i comparaison n’est pas raison, mettre côte à côte l’enchère d’une barrique de Saint-Julien du château Ducru Beaucaillou réalisée ce dimanche 23 juin et le cours moyen du tonneau de Bordeaux rouge du 10 au 23 juin derniers témoigne de la déconnexion entre le monde des grands crus et celui des vins modestes de Gironde. Pour 225 litres, le super second classé en 1855 s’envole à 54 900 € (cette barrique du millésime 2022 était estimée entre 45 et 90 000 €), quand la moyenne des cours pour le bordeaux rouge stagne actuellement à 883 € le tonneau correspondant à 4 fois un volume de 225 l (913 € pour le seul millésime 2023). Soit un rapport vertigineux de 1 à 248 entre deux mondes si proches géographiquement, et si lointain économiquement.
Un grand écart que Bruno-Eugène Borie, le propriétaire du château Ducru-Beaucaillou ne craint pas de regarder en face. Dans un entretien accordé à Vitisphere ce printemps, le propriétaire-résident souligne que le problème n’était pas dans la valorisation des premiers crus classés de Bordeaux, mais dans la dévaluation des premiers prix cassés. « C’est un choc de voir les prix affichés sur certains vins de Bordeaux et c’est une émotion de savoir que les gens qui l’ont produit ne le vendent même pas au coût de revient. J’en ai conscience, je me sens du même monde » partageait Bruno-Eugène Borie, soulignant que dans la construction bordelaise, « nous sommes sur une pyramide, il y a des confrères au-dessus de nous qui en ont aussi conscience. C’est une notion d’appartenance sincère. Nous sommes tout à fait solidaires de nos confrères. »
Déprimeur
Si le château Ducru-Beaucaillou vient de vivre la ferveur des enchères (1,85 million d’euros dégagés sur 476 lots pour 603 proposés) pour la première vente en France de la maison suisse Baghera (fondée à Genève en 2015), la réalité quotidienne du marché des grands crus est moins reluisante : alors que la campagne des primeurs 2023 présente un bilan mitigé pour les grands crus du Médoc et de Saint-Émilion, le château Ducru-Beaucaillou a dû faire un geste fort en réduisant de 35,5 % son prix de sortie au négoce (120 €, contre 186 € en 2022 qui était en hausse de 17,6 % par rapport à 2021). Toute la place de Bordeaux lutte face à un marché d'offre et plus de demande.

Baptisée "dear pebbles" (chers cailloux), la vente aux enchères s’est tenue ce dimanche 23 juin dans les chais du château Ducru-Beaucaillou pour célébrer ses 300 ans (fondée en 1720, la propriété n’avait pu marquer le coup en 2020, pour cause de covid). Photo : Studio Florian Lüthi.



