près les feuilles, les grappes. Cette année, le mildiou entame déjà le potentiel de récolte dans plusieurs régions viticoles. « La contamination a commencé plus tôt qu’en 2016 et 2021 », insiste Maximilien Zaepffel. Dès les 13 et 14 mai, le propriétaire du domaine Zaepffel à Dambach-la-Ville, en Alsace, a remarqué les premières attaques sur feuilles. Fin mai, il observe de nouveaux symptômes, plus nombreux. « Des taches sur les feuilles et de la sporulation sur les inflorescences », décrit le vigneron qui conduit 11 ha en bio.
Ces symptômes, apparus alors que les vignes étaient entre les stades boutons floraux agglomérés et séparés, sont sortis dix jours après « les pluies des 17, 18 et 19 mai », assure Maximilien Zaepffel, qui avait commencé les traitements la première semaine de mai. Ses 7 ha situés à Dambach-la-Ville (les autres se trouvant à Scherwiller) sont les plus touchés. Là, il observe 15 à 20 % d’inflorescences en crosse, principalement sur les pinots. Pour l’heure, le vigneron ne peut estimer les pertes. « C’est très hétérogène. Les inflorescences en crosse se dessèchent. Et nous avons également du rot gris. En raison de cette forte contamination, on sait que du rot brun suivra », s’inquiète le vigneron qui note chez lui une jolie sortie de grappe correspondant à un potentiel de récolte de 60 hl/ha.
Chez Laurent Charvin, propriétaire du domaine Charvin, en agriculture bio, au nord-ouest de l’appellation Châteauneuf-du-Pape, dans la vallée du Rhône, les foyers primaires sont aussi apparus tôt. À la mi-mai, il a observé des taches sur les feuilles ainsi que des symptômes sur les inflorescences, alors que ses vignes étaient « au tout début de la floraison », se souvient le vigneron qui a commencé à traiter ses 33 ha le 24 avril.
En un mois, le mildiou s’est développé, essentiellement sur les grenaches. Sur cette variété, qui représente 70 % de son encépagement, « il est presque impossible de trouver une parcelle sans foyer sur feuilles. Il arrive aussi qu’il n’y ait pas de tache sur feuille, mais des symptômes sur grappe ». Laurent Charvin note qu’environ 10 % des grappes de grenache sont touchées, mais il a encore du mal à évaluer la perte de récolte. « Il peut y avoir de la compensation avec des grains plus gros sur les grappes qui restent. Tout comme on peut perdre un grain chaque jour par grappe », explique-t-il.
En Dordogne, Fanny Monbouché a aussi constaté les premières sorties de mildiou mi-mai. « C’étaient des taches d’huile. On était au stade cinq-six feuilles étalées », relate la propriétaire des domaines Monbouché Fanny, 27 ha à Monbazillac. Ces symptômes sont davantage présents dans ses parcelles de blancs. Elle n’a pu les traiter que trois fois contre six pour les rouges, depuis le 15 avril, car il a été plus difficile d’entrer dans ces vignes situées en coteaux. Le 12 juin, alors que les vignes étaient en fin de floraison, la viticultrice constate qu’une parcelle de sauvignon blanc « décroche ». Là, « 70 % du feuillage est attaqué, observe-t-elle. Il y a aussi du rot gris sur des inflorescences et des rafles en crosse qui se dessèchent ». Dans cette parcelle d’un peu plus d’un hectare, Fanny Monbouché estime avoir déjà perdu 30 % de sa récolte. Sur les autres parcelles de blancs, à l’exception du sémillon qui n’est pas touché sur les grappes, elle évalue ses pertes à 10-15 % au maximum.
Dans le Gers, au Domaine Entras dont les vignes sont situées sur Ayguetinte et Beaucaire-sur-Baïse, Michel Maestrojuan a vu les premières taches sur feuilles le 30 mai alors que la vigne était à mi-floraison. Les cépages les plus touchés sont l’ugni blanc, le merlot et le tannat. Chez lui, le champignon est encore essentiellement cantonné aux feuilles, l’ugni blanc, présentant des taches tous les trois pieds. « Malgré le nombre de traitements [12 à la fin de la semaine du 10 juin, NDLR], il y a un peu de rot gris sur quelques grappes d’ugni blanc, ce qui montre que la pression du mildiou est forte », observe le propriétaire dont le domaine en bio rassemble 29 ha.
Une fois les premiers symptômes apparus, Maximilien Zaepffel a resserré les cadences de traitements. Alors qu’au départ il intervenait tous les 7-8 jours, il passe désormais tous les 3-4 jours. Même stratégie, à Brens, dans le Tarn, pour Pascal Pelissou. Coopérateur à la cave Vinovalie, il conduit deux domaines : l’un en conventionnel, l’autre en bio. Alors que le premier est indemne, des taches et des rafles en crosse sont apparues mi-mai dans deux de ses parcelles en bio qui représentent 2 ha. Pour stopper l’attaque, il a doublé la cadence de traitements en passant deux fois par semaine et a ajouté du Prév-Am à sa bouillie bordelaise. Dans le Gers, Michel Maestrojuan, également en bio, a lui aussi « ajouté 0,3 % de Limocide pour 200 litres de bouillie par hectare en vue de rechercher l’effet séchant ».
Outre les traitements, les vignerons mettent le paquet sur les travaux en vert. « On consacre l’équipe au palissage pour lever au plus vite la végétation et permettre l’assèchement du feuillage », insiste Maximilien Zaepffel qui, durant cette période, emploie quatre personnes. Au domaine Entras, dans le Gers, « on a ébourgeonné 80 % de la surface pour favoriser l’aération. Et on a broyé les couverts végétaux fin mars pour que le sol s’assèche. On essaie d’éliminer l’herbe sous le rang avec des interceps et la tonte », liste Michel Maestrojuan.
Pour favoriser l’aération et la pénétration du produit, Laurent Charvin a employé quatre saisonniers afin d’enlever les entrecœurs. C’est un coût supplémentaire qu’il ne parvient pas encore à chiffrer. « Ils vont rester tant que cela est nécessaire », confie-t-il.
Pour Guillaume Laporte, propriétaire du domaine Serge Laporte à Sancerre, il faut désormais anticiper la suite de la saison. Le vigneron a l’habitude de commander des produits pour traiter uniquement jusqu’à la fleur. Il va devoir se réapprovisionner : « S’il y a une baisse de la pression de mildiou, on va plutôt repartir sur des produits de contact. » Et si la pression perdure, il pense recourir à un produit associant le cuivre au mandipropamid (Carial C Pépite) car « il a un effet préventif et curatif. Il permettra de détruire la contamination en cours et de protéger la vigne des prochaines ». Sur ce domaine de 14 hectares cultivés en conventionnel, des taches sur feuilles sont apparues à la mi-mai alors que la vigne était seulement au stade deux-trois feuilles étalées. Au 12 juin, Guillaume Laporte a observé « quelques grappes en crosse ». Mais cela « ne m’affole pas », assure le vigneron qui en était, à la mi-juin, à cinq traitements.
Laurent Charvin, en vallée du Rhône, et Fanny Monbouché, en Dordogne, gardent, eux, les yeux rivés sur la météo. « Il ne faut pas relâcher la pression, martèle Fanny Monbouché. On est sur le qui-vive. »
Depuis quelques années, Matthieu et Virginie Molinié, les propriétaires du Château Ponzac, domaine bio à Carnac-Rouffiac, dans le Lot, sont contraints de traiter de plus en plus souvent. Et leur tracteur s’est embourbé à plusieurs reprises. Ils ont alors cessé de travailler tous leurs interrangs pour conserver une bande enherbée un rang sur deux. Cette astuce leur permet de traiter quand il le faut cette saison. En Alsace, pour entrer dans ses parcelles argileuses, Maximilien Zaepffel a ressorti un vieux solo-minor. Cette brouette de traitement lui a permis de renouveler tous ses traitements à temps.