Il faut remonter à l’époque de mon grand-père en 1970 pour retrouver un printemps aussi pluvieux, raconte un viticulteur installé sur 10 hectares à Sigoulès-et-Flaugeac. Pour l’instant j’ai réussi à gérer. Je n’ai que quelques taches sur feuilles et une ou deux grappes contaminées mais la situation est très tendue et rien ne garantit que ce sera encore le cas dans 3 jours ».
Avec un cumul de près de 1 400 mm depuis octobre, le viticulteur a démarré ses traitements au 8 avril. « Et j’ai eu la chance de pouvoir passer entre toutes les pluies avec mon quad, alors que certains de mes confrères ont abîmé la bande de roulement et glissé dans la boue en passant en tracteur dans les parcelles mal ressuyées ».


« Seules les parcelles qui n’ont subi aucun défaut ou impasse de traitement sont encore complètement indemnes » témoigne Camille Delamotte, conseillère viticole pour la Chambre d’Agriculture de Dordogne. Le mildiou est présent chez les bios comme chez les conventionnels. « Il a parfois résisté aux produits systémiques. On observe depuis la semaine dernière une sortie assez virulente de taches sur feuilles et nous nous attendons à trouver des symptômes sur grappes ces prochains jours. La situation n’est pas aussi explosive qu’en 2023 où il avait en plus fait très chaud, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. D’autant que des orages sont encore annoncés ce week-end » continue la conseillère, craignant aussi pour le bon déroulé de la floraison en cours sur tous les cépages.
Au domaine de Pécoula, à Pomport, Jean-Marie Labaye vient d’effectuer son dixième traitement. « Nous avons resserré les cadences. Pour l’instant ça tient, mais il faudrait vraiment que le temps se mette au beau » indique-t-il.
En plus du mildiou, le viticulteur observe quelques taches de black-rot. « Ponctuellement, certains secteurs sont criblés de black-rot » confirme Arnaud Martin, technicien vigne chez Euralis. « Comme la nouaison n’est pas passée, la maladie n’est visible que sur feuilles, mais les viticulteurs ont tout intérêt à assurer une protection oïdium et black-rot, faute de disponibilité de produits ayant la polyvalence mildiou et black-rot » préconise-t-il.
Mis à part une tache signalée par les observateurs du Bulletin de Santé du Végétal (BSV) vers le Fleix, Camille Delamotte n’a pour l’heure pas connaissance de problématique oïdium. « En revanche la pression d’eudémis semble comme depuis 3 ou 4 ans encore élevée. J’ai commencé à compter les glomérules d’eudémis cette semaine et trouvé plus de 30 glomérules sur 100 grappes dans les parcelles à historique. Il est probable qu’il faille intervenir les deuxièmes et troisièmes générations » prévient-elle.
« Cette année coûte une nouvelle fois très cher à cultiver et fait très mal aux trésoreries, regrette Eric Chadourne, président de l’interprofession des vins de Bergerac et Duras, témoignant de la grande fatigue des viticulteurs alors que la route est encore longue jusqu’aux vendanges. Nous avons déjà eu une paire de renversements de tracteurs et je crains un vrai accident ».
« La végétation n’est pas luxuriante sur les parcelles indemnes. Quand on gratte la croûte de battance qui s’est formée sur les sols avec le retour du sec, ça sent la vase. La vigne est asphyxiée et ses feuilles virent au rouge, rapporte Eric Chadourne. Sur les parcelles grêlées c’est pire, et les dégâts de gel rajoutent aussi à l’aspect chétif des vignes ! ».
« Ca repousse doucement mais les bois sont bien esquintés et seront compliqués à tailler » anticipe Jean-Marie Labaye, dont les dégâts de grêle vont de 20 à 95% sur une dizaine d’hectares.