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Relooking extrême de la fiscalité comportementale en prix plancher des vins
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Au Sénat
Relooking extrême de la fiscalité comportementale en prix plancher des vins

Constatant qu’instaurer un prix minimum sur les vins est politiquement inenvisageable en France, un rapport sénatorial imagine une voie alternative en y associant le prix plancher pour la rémunération des vignerons.
Par Alexandre Abellan Le 30 mai 2024
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Relooking extrême de la fiscalité comportementale en prix plancher des vins
« L'augmentation de la fiscalité de l'alcool, et en particulier du vin, pour souhaitable qu'elle soit du point de vue de la santé publique, semble donc difficilement envisageable en pratique » note le rapport. - crédit photo : Adobe Stock (Alexi Tauzin)
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as de surprise. Déposé ce 29 mai, le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat (Mecss) sur la fiscalité comportementale en santé : stop ou encore ? pouvait-elle proposer autre chose que la mise en place d’un prix minimum pour les boissons alcoolisées ? Après son audition de mars, la filière vin n’est pas désarçonnée de voir apparaître une nouvelle fois cette demande, mais elle peut noter une évolution majeure : un ton plus ouvert à la négociation et à la concertation. Dans le rapport, la proposition sénatoriale est en effet de « poursuivre, en associant les producteurs, la réflexion sur l'instauration éventuelle d'un prix minimum par unité d'alcool, afin notamment d'éviter que les augmentations de marge soient captées par les distributeurs ». Il faut dire que les sénateurs constatent que « tout projet de taxe comportementale qui viserait la filière des vins et spiritueux revêt une sensibilité politique et sociale particulière, compte tenu des enjeux économiques qu'elle représente et de l'essence patrimoniale et culturelle attachée à la filière ».

La taxation comportementale des vins tenant déjà de la vieille antienne (de l’Organisation Mondiale de la Santé en 2010 à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale en 2023, en passant par la Cour des comptes en 2016), les rapporteurs évoquent donc une nouvelle stratégie : « un dossier à travailler avec la filière vinicole, éventuellement en la combinant avec un "prix plancher" d'achat aux producteurs ? » Changeant de fusil d’épaule, la mission d’évaluation envisage désormais « une solution voisine (ou complémentaire) » avec « un "prix plancher" » de rémunération des producteurs. Il fallait y penser.

-18 % de ventes, -25 % de profits

Une transformation du prix minimum en outil de valorisation du vin qui paraît assez acrobatique quand le rapport cité par la Mecss de Fabrice Étilé (INRAE) estimait en 2022 qu'un prix minimum de 0,5 euro par verre standard d'alcool pur* diminuerait de 18 % la consommation de vin et de 25 % les profits des producteurs de vin en France. Financée par l’Institut National du Cancer (INCA) et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), cette étude défend pourtant l’idée que cette fiscalité serait globalement positive à la filière vin, comme elle « augmenterait très significativement les profits des producteurs indépendants de vin tranquille (+39%) au détriment des producteurs industriels et des distributeurs (-39 %). En effet, une politique de prix minimum augmenterait la compétitivité prix des produits positionnés sur des segments de qualité intermédiaire, au détriment des produits d’entrée de gamme actuellement fabriqués et commercialisés par les grandes entreprises et les distributeurs. »

Prix plancher fixé sur la base d'objectifs de santé publique

S’« il n'appartient pas à la Mecss de prendre position sur un sujet relevant de la politique agricole », les rapporteures Cathy Apourceau-Poly (Pas-de-Calais, parti communiste) et Élisabeth Doineau (Mayenne, Union Centriste) estiment que « dans le cas particulier des boissons alcoolisées, l'instauration d'un prix plancher fixé sur la base d'objectifs de santé publique obéirait à une autre logique ». Et les rapporteurs d’appeler à des « échanges et réflexions sur la manière d'éviter que les augmentations de marge permises par l'instauration éventuelle d'un prix minimum soient captées par les distributeurs », car « malgré les bons résultats de l'expérience écossaise [voir encadré] et ces simulations encourageantes [de l’étude INCA-MILDECA de 2022], la proposition suscite l'opposition des représentants de la filière, qui lors de leur audition par la Mecss ont exprimé la crainte que l'augmentation des marges soit captée par les distributeurs » précise le rapport.

Oui au juste prix des vins, non au prix minimum

Face à ces déclarations de bonnes intentions, les représentants de la filière se montrent clairement ouverts à une concertation sur la juste rémunération des vins, mais demeurent opposés à l’instauration d’un prix minimum. Des manifestations de vignerons aux débats sur Egalim, « la question du prix rémunérateur pour les producteurs est au centre des débats politiques depuis plusieurs mois. Nous relevons le défi de lancer une concertation comme le propose la rapporteure » réplique dans un communiqué Bernard Farges, le président du Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique (CNIV).

« Ce rapport ne fait pas les bonnes propositions. Au lieu de lutter contre les consommations excessives, il est proposé de cibler la consommation de tous les Français qui sont pourtant pour la grande majorité des consommateurs modérés » poursuit dans le même communiqué Samuel Montgermont, le président de Vin & Société, pour qui « si les sénateurs veulent comme ils semblent le dire aider la filière vitivinicole, parlons rémunération des producteurs et non d’une taxe déguisée pour les Français et qui n’a jamais montré d’efficacité sur la santé publique ». Comme lors des débats l’an passé sur la fiscalité des vins, les représentants de la filière concluent en demandant « pourquoi vouloir restreindre l’accès à un produit qui a déjà connu une chute de 70 % de sa consommation en 60 ans et sans augmentation de la fiscalité ? »

Le naturel revient au galop

Une forte érosion qui est bien reconnue par le rapport : « la consommation de boissons alcoolisées par personne a fortement diminué au cours des dernières décennies, passant de 200 litres en 1960 à 80 litres en 2018. La baisse a principalement porté sur le vin, dont la consommation est passée de 130 litres à 40 litres, du fait en particulier de la fin de l'usage de consommation systématique lors des repas. » Mais « malgré cette diminution globale de la consommation de boissons alcoolisées, de nombreuses personnes continuent d'avoir une consommation excessive.  Ainsi, selon Santé publique France, en 2017, 10 % des 18-75 ans consommaient 58 % de l'alcool » ajoute la Meccs, pour qui « du point de vue de la santé publique, il n'y a pas de raison de taxer différemment un verre standard d'alcool selon la boisson concernée » alors que « l'alcool du vin est environ 25 fois moins taxé que celui de la bière et 75 fois moins taxé que celui des spiritueux ».

De quoi conclure pour les rapporteures que « la fiscalité de l'alcool correspond en France à une aide de plusieurs milliards d'euros par an pour la filière vin », avant d’ajouter que « la réduction de la "niche" fiscale de fait dont bénéficie le vin ne semble pas envisageable compte tenu du poids économique du secteur vinicole ». En réponse, la filière peut aussi rappeler le constat de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) que « la moitié des États de l'Union européenne ne taxent pas le vin (alors que tous taxent la bière ou les spiritueux) » et que « la France est le seul pays producteur avec la Grèce à taxer le vin ». Mais les rapporteures souhaiteraient sans doute que la France devienne le premier pays producteur de vin à implanter une taxation comportementale… Après la surtransposition, la surtaxation ?

 

* : Un verre standard représentant 10 cl de vin à 12°.alc, la bouteille de vin à 12°alc afficherait un prix minimum de 3,75 €.

 

Quel bilan écossais ?

Mis en place depuis 2018 (à 0,5 livre pour 10 grammes d'alcool pur, passé à 0,65 £ en 2024), le prix minimum de l’alcool affiche un bilan contrasté. Le rapport d'évaluation de la santé publique écossaise en 2023 « juge clairement la mesure bénéfique en matière de santé publique » selon la Mecss, qui rapporte que « le prix unitaire minimum a réduit le nombre de décès directement imputables à l'alcool (- 13,4 %) et réduit les hospitalisations entièrement imputables à l'alcool (- 4,1 %) ». Mais ce bilan « souligne toutefois la nécessité de mener des actions spécifiques à destination des personnes dépendantes à faibles revenus (la mesure n'ayant vraisemblablement pas réduit la consommation des personnes dépendantes, qui représentent une sous-catégorie des personnes ayant une consommation excessive) » nuance la Mecss. Ce qui confirme la position de la filière vin de ne pas pénaliser la consommation modérée des Français qui est majoritaire*, mais de faire l’effort de cibler réellement les consommateurs excessifs dans un politique de santé publique adaptée.

Très anglo-saxon, le prix minimum de l’alcool se trouve aussi en Australie du Nord, au Pays de Galles et en Irlande. Des nations de binge drinking plus que de French paradox…


 

* : « 8 d’entre eux sur 10 consomment moins de 2 verres par jour, 9 sur 10 ne consomment pas tous les jours, respectant dans leur grande majorité les seuils fixés par Santé Publique France » indiquent le CNIV et Vin & Société.

 

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