es premières bouteilles de 2023 viennent juste d’être commercialisées. Jusque-là, le Domaine du Paon Perché travaillait dans l’ombre, niché au fin fond de la Vienne, dans la zone d’appellation du Haut-Poitou. A première vue, une entreprise viticole en création sur 20 ha (dont 10 de sauvignon) comme une autre. Sauf qu’ici, il s’agit d’une association – baptisée les Vignes d’avenir – et que sa singularité est de n’embaucher dans les tâches d’exécution que du personnel en réinsertion, tout particulièrement un public éloigné de l’emploi. L’association en question s’est installée sur l’ancien domaine de Frédéric Brochet (le fondateur d’Ampelidae) dont il garde l’entière propriété.
La structure a été créée par le groupe SOS, entreprise à but non lucratif, qui porte quelque 750 projets en France dans le domaine de la santé, de l’environnement, de l’agriculture. “C’est la première fois que le groupe se positionne sur la viticulture”, expliquent German Mulet et Valentin Ramel, les deux œnologues, en charge de la direction du domaine. A leurs côtés, œuvrent deux encadrants : Sabrina, qui accompagne les salariés sur la partie sociale, et Laurent, le chef d’équipe pour les vignes. “Le groupe soutient des projets à fort impact environnemental et social”, appuie Éric Balmier, vice-président. Le domaine est certifié AB.
Pour l’heure, les Vignes d’avenir accueillent quatre salariés en insertion pour une durée, selon les statuts, de 4 à 24 mois pour les travaux viticoles, mais aussi pour toute la partie hôtellerie de l’entreprise. La structure loue des salles pour des séminaires et des mariages et un gîte de 15 couchages. Elle programme par ailleurs toute une série d’animations autour du vin : afterworks, atelier dégustation… “Cette activité nous permet de payer nos factures pour la partie viticole”, précise German Mulet. Pour se lancer, les Vignes d’avenir ont bénéficié du soutien financier du groupe SOS, de mécènes (notamment Danone), de financement participatif via blue bees et de prêts bancaires.
“A terme, nous aurons 10 salariés en insertion”, précise Valentin Ramel, qui détaille les difficultés. “Au-delà du travail, il faut penser vie quotidienne. Pour certains, revenir vers le travail est déjà une épreuve. Et l’un des points clés, c’est la mobilité. Certains n’ont pas de permis, d’autres pas de véhicules. On a investi dans des voitures électriques pour faire des navettes et mis à disposition des vélos également pour rejoindre le domaine depuis les communes les plus proches”.
Pour la première année de récolte, le domaine a produit une cuvée de pinot noir, et trois de sauvignon, soit 40 000 bouteilles. Le reste a été commercialisé au négoce en raisin, pour assurer un peu de trésorerie. “Pour se lancer, on a tout produit en Vins de France pour des questions de facilité administrative”, indique Valentin Ramel. “Ensuite, on produira sans doute des IGP Val de Loire, voire de l’AOP Haut-Poitou. On projette aussi un vin à bulles à base de pinot noir”. Le domaine doit trouver son équilibre économique entre le chiffre d’affaires généré par la vente de vin et les aides publiques pour l’accueil du public en insertion.
Quant au nom du domaine ? “Regardez !” lance Valentin Ramel, en désignant un magnifique Phasianidae se baladant au milieu de la cour. “Ce paon vit ici. Il était là avant nous. Il se promène dans le domaine, il entre dans les bureaux. C’est devenu notre emblème".