yant touché 90 % du vignoble AOC du Lot cette fin avril, le gel « menace la survie des vignobles de l’appellation des vins de Cahors » alerte le député Aurélien Pradié (Lot, Les Républicains) ce mercredi 22 mai 2024 à l’Assemblée Nationale, à l’occasion d’un amendement d’appel au projet de loi souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture. « À présent, il ne s’agit plus seulement de faire le dos rond en attendant que la crise passe : il y a urgence à agir » plaide l’élu, pour qui il faut « envisager de revoir le système assurantiel, et surtout le mode de calcul de la moyenne olympique, car en l’état, les vignobles de Cahors ne sont plus assurables. » Une alerte partagée par le député Pascal Lavergne (Gironde, Renaissance), qui est rapporteur du projet de loi agricole : « il est indispensable de préserver ce joyau qu’est la viticulture » face au changement climatique.
« Le système assurantiel devient en effet inopérant lorsque les épisodes climatiques frappent les récoltes deux années consécutives, voire trois années, comme dans le cas que vous citez, car le rendement de référence, bâti sur la moyenne olympique des dernières années, diminue et réduit d’autant l’indemnisation » réagit le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, confirmant que la France porte un projet de révision de ce calcul « au niveau européen, mais le problème est compliqué, car il tient aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ». Indiquant également tenter d’augmenter « à 50 000 euros par exemple » le plafond « du règlement de minimis adopté par la Commission européenne, qui autorise à apporter des aides d’urgence à condition qu’elles ne dépassent pas un seuil de 20 000 euros par exploitation sur une période de trois ans », le ministre répond plus spécifiquement à Aurélien Pradié qu’il faut « rendre l’espoir aux viticulteurs de votre département ».


Marc Fesneau annonce ainsi que le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) doit lancer « une mission d’expertise, centrée en particulier sur les vins de Cahors, sur le modèle de celle conduite il y a quinze ou vingt ans, pour réfléchir aux moyens de renforcer la résistance de la filière viticole face aux aléas climatiques et de soutenir la filière, sur le long terme, dans le cadre qui nous est imparti et au-delà des aides d’urgence ».
N'ayant pas caché pas son impatience et ayant haussé le ton face à ses demandes répétées de soutien sans réponses, la filière des vins de Cahors répond favorablement, si ce n’est avec soulagement, à ces avancées annoncées. « La réponse de Marc Fesneau à la demande d’Aurélien Pradié va dans le bon sens » indique à Vitisphere Sébastien Sigaud, le président de l’Union Interprofessionnelle du Vin de Cahors (UIVC), qui maintient que « l’État a sa part de responsabilité dans ce qui nous arrive. On demande depuis 2017 une modification de la moyenne olympique. On demande une réglementation équitable économiquement : que l’assurance récolte intègre dans le potentiel de production assurée la valeur de la perte constatée par l’expert d’assurance. »
Indiquant apprécier la réaction du ministre, Sébastien Sigaud dit ressentir « l’engagement de l’Etat ». Il demandait un médiateur social, il attend de l’écoute et de l’accompagnement de la mission du CGAER. D’autres soutiens se manifestent, comme en témoigne la visite dans le vignoble lotois ce vendredi 23 mai de Carole Delga, la présidente de la région Occitanie. « Ça y est, il a été compris que la situation économique de la zone malbec est compliquée parce que l’on n’arrive pas à produire à cause des gels successifs et de la pression sanitaire de l’année dernière » estime le président de l’UIVC, reliant l’interdiction de produits phytos classés Cancérigènes Mutagènes et Reprotoxiques (CMR 1) dans la nouvelle certification Haute Valeur Environnementale (HVE) aux pertes de récolte 2024 à cause du mildiou : « nous voulons être pilote sur la gestion des maladies cryptogamiques en cas de pluviométrie avérée en pouvant les éradiquer avec un seul passage de CMR1. Nous demandons la possibilité d’une dose de cuivre plus conséquente pour répondre à nos problématiques locales. 4 kg/ha est une dose nationale ne les prenant pas en compte »
Autre demande précise : que l’arrachage puisse être précédé d’une dévitalisation pour éviter toute pression sanitaire venant de friches. « Dévitaliser permet de réagir immédiatement. Il y a un produit critiqué dans la société [NDLA : le glyphosate] qui est une technique moderne qui fonctionne très bien pour donner du délai » esquisse Sébastien Sigaud. En matière d’arrachage, Marc Fesneau précise au parlement que le futur dispositif temporaire/définitif « s’appliquera aussi dans le Lot. Nous devons en discuter avec la Commission européenne en septembre 2024 pour prévoir une entrée en vigueur des premières mesures avant la fin de l’année, mais soyez assuré que tous les vignobles seront concernés. »
En la matière, le député Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques, Parti Socialiste) rappelle qu’ailleurs dans le Sud-Ouest, « les petits vignobles comme l’Irouléguy ou le Jurançon subissent eux aussi les aléas climatiques, qu’il s’agisse du gel, de la grêle, du mildiou. Ces filières d’exception s’en trouvent d’autant plus fragilisées qu’elles sont de taille modeste et n’ont pas les reins assez solides pour surmonter l’accumulation de difficultés. J’espère que les petits vignobles du territoire recevront la même attention que celui de M. Pradié. »