Allez voter. Vous avez tous les éléments en main pour trancher ». C’est sur ce message civique que Jérôme Bauer, président de la Cnaoc a conclu son congrès à Beaune le 25 avril.
Pendant les deux heures précédentes, les représentants de six partis (RN, LR, Renaissance, PS, PCF, EELV) ont présenté leurs positions et projets sur les sujets agricoles et viticoles à l’invitation de la confédération national des syndicats d’appellation d’origine contrôlée. « Ce fut une après-midi riche en débats et en infos », s’est félicité Jérôme Bauer. Avec un large consensus sur un sujet et des visions opposées sur beaucoup d’autres.
S’agissant du vin et de la consommation modérée, tous s’accordent pour les défendre. Mais c’est Irène Tolleret, députée Renaissance, qui est allée le plus loin proposant de faire du vin « un produit culturel européen », sans détailler davantage ce que cela impliquerait. « Dès l’école, il faut qu’on enseigne aux enfants que les produits de qualité sont bons pour le goût, l’économie local et l’environnement », a-t-elle déclaré lors de son intervention en visioconférence.
Autre sujet : les pesticides. Cette fois, les positions divergent du tout au tout. Pour expliquer leur vision de l’avenir, tous les intervenants sont revenus sur le passé récent, rappelant leurs positions sur le fameux projet de règlement SUR qui prévoyait une réduction de 50 % de l’usage des produits phytosanitaires d’ici à 2030 et que la Commission européenne a dû retirer.
Grégoire de Fournas pour le RN et Anne Sander pour LR ont rappelé qu’ils ont voté contre ce texte. « S’il fallait le refaire, on le rejetterait à nouveau, a rappelé le député RN en réponse à une question de la salle. Nous avons voté contre le pacte vert et sa feuille de route qui conduit à la décroissance pour l’agriculture ». Mélangeant environnement et santé publique il a ajouté : « les agriculteurs ont déjà fait d’énormes efforts pour préserver l’environnement avec la baisse de 6 % de l’usage des CMR1 et de 50 % des CMR2. »
Anne Sander représentant LR, a également salué « les efforts déjà faits, en particulier par les viticulteurs. Nous avons voté contre ce texte nocif pour l’agriculture. Il faut combiner ambition environnementale et ambition économique ». Comment ? Anne Sander n’a pas développé.
Pour Irène Tolleret qui a voté pour le règlement après avoir obtenu des allègements sur les ZNT : « il faut aider le vin dans la transition agroécologique sans nuire à l’économie ». Sans s’étendre davantage sur le sujet elle a ajouté : « il faut renforcer la durabilité du secteur sur deux points essentiels. Sortir l’assurance récolte de la moyenne olympique les USA l’ont fait. Il n’y a pas de raison qu’on ne le fasse pas. Et [développer] les cépages résistants, c’est pour cela que nous avons voté pour les NBT (New breeding technologies) » ces techniques qui permettent de modifier le génome d’une espèce sans introduire de gènes qui lui sont étrangers.


Pour le PS, le PCF et EELV, il ne faut maintenir l’objectif d’une baisse conséquente de l’usage des pesticides, mais prévoir un meilleur accompagnement des agriculteurs. Christophe Clergeau, député européen socialiste, a regretté le rejet du règlement SUR. « C’est le grand retour en arrière, a-t-il dit. Mais il faut qu’on redéfinisse les outils d’accompagnement. Les agriculteurs ne peuvent pas supporter seuls les conséquences des changements de pratique ».
Puis il a ajouté qu’il a voté contre les NBT. « C’est la fuite en avant ». Répondant à nos questions, Christophe Clergeau a soutenu mordicus que « les sols sont morts en agriculture à cause des pesticides. »
Amar Bellal, lui, a glissé des pesticides aux gaz à effet de serre puis à l’assurance récolte. « L’écologie punitive, c’est l’inaction, a-t-il déclaré. Si on reporte les adaptations nécessaires on va le payer, avec une France à +4, +5 ou + 6°C. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut mettre les moyens en face. Avec le changement climatique, il faut un gros filet de sécurité. Il faut mettre en place un régime public de gestion du risque climatique et environnemental. La solidarité nationale doit jouer. » Ensuite seulement il est revenu à la question des pesticides. « Il faut les diminuer sur la base d’un accompagnement des coûts et du travail supplémentaires. » Comment ? Amar Bellal a évoqué des compléments de prix pour les agriculteurs et des prêts à taux zéro, voire à taux négatif, et des annulations de dette. A la charge de la solidarité nationale.
N’étant pas présents au congrès, ni physiquement, ni à distance, les représentants d’EELV étaient déconnectés de ces débats. Ils avaient répondu par un enregistrement vidéo aux questions du [sic] Cnaoc ! Benoît Biteau a parlé de la menace climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Puis sa vidéo s’est soudainement interrompue, provoquant quelques applaudissements, sans doute de soulagement, dans la salle. Puis la salle a eu droit à l’intervention vidéo de Claude Gruffat, toujours pour EELV qui a rappelé que les vins étant des produits de qualité, ils devaient être obtenus avec « de moins en moins d’engrais chimiques et de moins de pesticides. »