our l’avenir du vignoble, « l'adaptation au changement climatique est sans conteste l'enjeu premier car universel et le plus profond » posent les experts vitivinicoles Alain Carbonneau et Jean-Louis Escudier dans la troisième édition augmentée De l’œnologie à la viticulture (édition Quae). Ne minimisant pas les enjeux, les deux auteurs estiment que « la viticulture connaît actuellement un véritable Big Bang, dû à la fois au dérèglement climatique, aux contraintes d'un environnement fragilisé et à un changement des habitudes de consommation ». Et à la question qui taraude la filière, « la viticulture existera-t-elle toujours à la fin du XXI° siècle ? », Alain Carbonneau et Jean-Louis Escudier répondent par l’affirmative, ne serait-ce que parce que le vignoble en a vu d’autres dans sa longue histoire (« destructions massives de vignobles au cours de guerres incessantes au Moyen Âge, les épidémies de phylloxéra, de mildiou et d'oïdium »…).
Aujourd’hui, « il existe un arsenal de mesures techniques capables d'assurer l'adaptation de la viticulture aux nouvelles conditions de l'environnement », du moins « avec des capacités financières importantes en raison de la richesse de la plupart des filières vitivinicoles » (ce qui peut limiter la bonne mise en place de certaines pratiques, notamment dans les vignobles en crise et à cours de trésorerie : Bordeaux, Languedoc, vallée du Rhône…).
Relevant la palette d’outils envisageables (mode de conduite, travail du sol, apport d’eau, choix du couple porte-greffe et cépages, notamment les variétés résistantes, prévention des aléas climatiques*…), Alain Carbonneau et Jean-Louis Escudier évoquent des « techniques radicales » avec des tailles en pleine saison : « elles sont utiles, voire nécessaires, lorsque le vignoble en place n'est pas adapté au nouvel environnement. Dans le cas de situations trop fraîches (selon l'année) en nouvelle situation limite pour la vigne, la demi-taille avant récolte, ou passerillage sur souche, permet d'accélérer la maturation des raisins. Dans le cas de situations trop précoces où l'on souhaite retarder significativement la vendange, la seconde taille ajustée au printemps permet de décaler le cycle de plusieurs semaines en repartant sur les bourgeons initiés l'année même avant leur entrée en dormance. »
Afin d’anticiper les effets du changement climatique, il peut être pertinent « d'établir des vignobles témoins dans des situations limites, indicateurs précoces des changements, comme en très haute altitude ou en situation pédoclimatique limite de sécheresse sans recours à l'irrigation » pointent également les deux auteurs.
Face aux difficultés qui s’annoncent pour maintenir une production de vin, pourquoi le vignoble lutterait-il contre les éléments ? Parce que « le vin restera un produit majeur de plaisir, de convivialité et de culture dans la plupart des 50 pays viticoles du monde » répondent Alain Carbonneau et Jean-Louis Escudier, qui ajoutent le poids de « l'intégration de la viticulture dans la culture générale de la société. La vigne et le vin sont en rapport avec : convivialité et plaisir, santé, patrimoine, emploi, enseignement, territoire, qualité de vie. »
* : « Outre les contraintes de chaleur et de sécheresse, il ne faut pas oublier que le changement climatique exacerbe la plupart des phénomènes météorologiques en intensifiant le mouvement des masses d'air. En conséquence, selon les saisons et les régions, on peut être amené à lutter contre le gel, l'excès d'eau, les tempêtes » indiquent les auteurs.