ccusé de tromper le consommateur, l’étiquetage « produit en France » pour un vin étranger ayant seulement réalisé sa prise de mousse sur le territoire français est dans le viseur parlementaire. Reprenant une « demande de la chambre de l’agriculture de l’Hérault » émise lors de récentes manifestations dans les rayons de la grande distribution, le député Aurélien Lopez-Liguori (Hérault, Rassemblement National) porte une « proposition de résolution européenne visant à lutter contre la francisation de vins étrangers » signée par 64 autres parlementaires (essentiellement issus du Rassemblement National et apparentés*). Désormais renvoyée à la commission des affaires européennes du palais Bourbon, cette proposition « demande l’abrogation des règles pernicieuses permettant la francisation de vins mousseux étrangers, et l’intensification de la lutte contre la fraude à l’étiquetage » indique un communiqué.
La proposition de résolution précise que « l’une des causes principales de cette crise [viticole] est la concurrence déloyale de vins étrangers, et notamment de vins d’Espagne. Peu onéreux pour l’acheteur, ils investissent les rayons de nos magasins, parfois sans être présentés tels quels » avec dans le collimateur la « pratique fréquemment évoquée par les viticulteurs de l’étiquetage "produit en France" de vins transformés qui n’ont de français que la dernière étape de production (la deuxième fermentation) », mais se rapproche des vins "produits de France" (production et transformation des raisins sur le territoire français). « Le consommateur ne peut facilement faire la différence entre les deux types de vins, et les viticulteurs français se retrouvent en concurrence avec des vins produits en grande majorité à l’étranger et moins onéreux » soulignent les 65 députés.


« Considérant la concurrence déloyale à laquelle les viticulteurs sont confrontés, notamment par le biais d’étiquetages trompeurs de vins d’origine étrangère présentés comme étant produits en France », ils demandent à la Commission Européenne d’abroger l’article 45** du règlement délégué 2019/33 sur la protection des Indications Géographiques pour supprimer « l’exception relative à l’étiquetage des vins mousseux, permettant par exemple à des vins espagnols de se faire passer pour français ».
Une proposition qui ne va sans doute pas être du goût des producteurs français de ces vins mousseux produits à base de vins espagnols, italiens… « La transformation technique fait le produit final » plaidait récemment Jean-Jacques Bréban, le président du syndicat français des vins mousseux, auprès de Vitisphere. Pour le négociant provençal, « il y a beaucoup de polémiques et de violence, mais si aujourd’hui il y a des importations de vins blancs d’Espagne, c’est parce que l’on n’a pas la matière première en France. Au lieu d’arracher, que Bordeaux produise des vins blancs pour mousseux. Je comprends que ce soit compliqué pour des vignerons à l’agonie de voir des vins importés. Mais au lieu de taper au plus facile en allant s'énerver dans la grande distribution, il faut chercher des solutions. Et je rappelle souvent aux vignerons qu'ils ont eux-mêmes des tracteurs qui ne sont pas français... »
Parmi les opérateurs français des vins mousseux de qualité, on trouve cependant des opérateurs majeurs s’approvisionnant en vins de France : comme Kriter (groupe Castel) et Charles Volner (Compagnie Française des Grands Vins). Propriété du négociant Cordier (groupe InVivo), Café de Paris qui a été taxé de « Café de Madrid » par des manifestants languedociens développe discrètement un savoir-faire dans l’approvisionnement français, qui ne manque plus que de faire savoir pour donner de nouvelles perspectives à un vignoble français en quête de cap et d'apaisement.
* : Comme la députée de l’Hérault Emmanuelle Ménard, non inscrite.
** : « Par dérogation au premier alinéa, point a), pour les produits de la vigne visés à l'annexe VII, partie II, points 4, 5 et 6, du règlement (UE) no 1308/2013 qui ne bénéficient pas d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée, l'indication visée au point a) peut être remplacée par l'indication "produit en/au/aux/à […]", ou des termes équivalents, complétés par le nom de l'État membre dans lequel la deuxième fermentation a eu lieu » indique le texte.