Marsannay-la-Côte en Bourgogne, Édouard Clair se tient prêt à rouvrir le goutte-à-goutte dans ses plantiers, dès le débourrement. « Avec le changement climatique, on est obligés d’arroser les jeunes plants pour les aider à reprendre », justifie le chef de culture des 26 ha du domaine Bruno Clair. Intéressé par l’innovation, il a parié au printemps 2023 sur le système d’irrigation au goutte-à-goutte temporaire conçu par Netafim pour les plantiers.
Z&C, distributeur et partenaire du dispositif pour Netafim, a déjà séduit quelques maisons en Bourgogne et en Champagne, où l’irrigation des vignes n’est autorisée que les deux premières années. « 80 % du système racinaire de la vigne se construit pendant les deux premières années. Nous humidifions le sous-sol, au fur et à mesure de la pousse des racines. Rappelons qu’une racine plonge parce qu’elle a de l’eau et non pas pour aller chercher de l’eau », argumente Olivier Zebic, consultant chez Z&C.
« L’apport d’eau permet aux racines d’être plus denses et de prospecter toute la profondeur du sol. Une fois qu’elle est bien ancrée, la vigne sera résiliente pour au moins 30 ans. C’est un investissement sur le temps long », ajoute Laurent Huet, agronome chez Netafim.
En 2023, Édouard Clair a irrigué 4 parcelles d’une surface totale de 50 ares, l’une plantée à l’automne 2021 et les autres à l’automne 2022. Cette année, il va poursuivre l’expérience sur ses parcelles en deuxième feuille. Il va également équiper une nouvelle parcelle de 40 ares de pinot noir, aussitôt après sa plantation ce printemps. Soit 80 ares en tout. Grâce à l’irrigation, il espère « assurer une bonne installation racinaire pour adapter durablement les vignes au changement climatique ».
Le dispositif de Netafim s’installe au printemps et se retire à l’automne de l’année ou de l’année suivante. Édouard Clair n’a pas quantifié ce temps de travail. « Ce qui est long, c’est de faire la tranchée pour l’alimentation du goutte-à-goutte et d’attacher les tuyaux. Nous préférons les accrocher au premier fil de palissage plutôt que les laisser au sol. C’est plus pratique pour passer les outils. Pour aller plus vite, plutôt qu’utiliser des agrafes en plastique, nous allons essayer cette année de les fixer avec l’attacheuse électrique. » Quant au gros tuyau qui part du réservoir d’eau pour alimenter les petits, Édouard Clair l’a enterré sous 20 cm.
Pour le vigneron, ce nouveau système présente bien des avantages par rapport à l’arrosage classique qu’il continue de pratiquer sur les complants. « Les goutteurs sont positionnés tous les 50 cm sur toute la longueur du cavaillon. De cette façon, c’est tout le rang qui est irrigué, pas uniquement le pied des plants. Il n’y a pas de déperdition d’eau en surface. L’eau ne file pas non plus dans le sous-sol : l’apport est calculé pour que seule la couche où se trouvent les racines reste humide », remarque-t-il.
En plus de l’eau, il a pu apporter des éléments nutritifs par fertirrigation, « pendant deux arrosages, à raison de quelques unités d’azote et de potasse ».
Côté pratique, Édouard Clair dit gagner du temps. « J’utilise une cuve de 6,5 m3 pour alimenter le goutte-à-goutte de mes plantations. Avec une bonne pompe, je la remplis au domaine en moins de 30 minutes puis je l’amène sur place. L’irrigation prend 1 h 30 à 2 h. Pendant ce temps, la personne qui en est chargée peut faire autre chose – ébourgeonner ou relever – si tout fonctionne bien. » En comparaison, un arrosage classique mobilise « un enjambeur, un conducteur et une à deux personnes. Avec plusieurs remplissages et l’inconvénient de tasser les sols. »
Malheureusement, pour avoir passé commande trop tard, Édouard Clair n’a commencé l’irrigation que mi-juin. « Les plants avaient déjà souffert de la sécheresse, malgré un arrosage début juin effectué avec un enjambeur. Le résultat est mitigé quant à la vigueur, puisque le système d’irrigation est arrivé deux mois trop tard. »
Maintenant qu’il est équipé pour irriguer au plus tôt, Édouard Clair espère obtenir de meilleurs résultats. Il envisage de faire une fosse pédologique à l’automne prochain pour évaluer la pousse des racines. À ce jour, les retours des expérimentations réalisées en Champagne manquent, les maisons concernées n’ayant pas souhaité répondre à notre enquête. « Au débourrement 2025, après deux campagnes d’irrigation, on avancera des chiffres preuves à l’appui », assure Laurent Huet.
Netafim innove avec son kit d’irrigation pour les vignes jusqu’en 2e ou 3e feuille, spécialement conçu pour les appellations qui interdisent l’irrigation des vignes adultes. Ce système récupérable et réutilisable d’un plantier au suivant est alimenté par une cuve équipée d’une motopompe pour injecter l’eau au débit voulu. Une pompe doseuse permet d’ajouter de l’engrais. Les tuyaux d’irrigation, de 10 à 15 mm de diamètre, sont pourvus d’un goutteur tous les 30 ou 50 cm, au choix, de façon à irriguer les plants et entre les plants. Au Domaine Bruno Clair, Édouard Clair s’est équipé pour un coût d’environ 10 000 €/ha, plus 4 000 € pour les pompes. Un investissement qu’il compte amortir sur dix ans.