urabilité, ou plutôt son pendant anglo-saxon « sustainability », est probablement le mot le plus récurrent entendu dans la bouche des responsables d’interprofessions des pays du vin, à l’occasion de l’édition 2024 du salon ProWein. Si les enjeux liés à la disponibilité de l’eau sont indéniablement au centre des préoccupations, cet angle de la durabilité revient en boucle dès lors qu’on aborde la stratégie de conquête de marchés et de consommateurs. Et ça ne date pas d’aujourd’hui.
De l’Argentine au Portugal, en passant par la Californie ou l’Afrique du Sud, le souci de moindre impact environnemental de la production viti-vinicole confirme à quel point les attentes des consommateurs sur ce sujet, et donc des metteurs en marché, sont devenues primordiales. Cependant, plus qu’un levier de meilleure valorisation des produits, cet engagement devient parfois un pré-requis indispensable pour accéder à certains marchés, notamment en Europe du Nord. « Nous avons un programme de certification de cet engagement durable par une organisation non-gouvernementale en place depuis 30 ans pour la Californie », lance Honore Comfort, vice-présidente en charge du marketing international pour California Wines, « et 60 % du vignoble californien et 82 % des volumes de vins californiens sont certifiés par ce label de durabilité ».
En Afrique du Sud, au Portugal, en Grèce ou en Argentine, chaque pays peut se targuer de certifications propres sur l’engagement environnemental des producteurs. Mais à l’instar des différentes certifications françaises, la marche de l’export est bien souvent difficile à franchir pour « la compréhension de notre programme de durabilité par les consommateurs étrangers », valide Frederico Falcao, président de l’organisation interprofessionnelle ViniPortugal. « Seuls 4 % des vins californiens sont exportés, mais nous visons à augmenter cette proportion, et réfléchissons donc aux leviers permettant de bien faire comprendre et valoriser cet engagement environnemental auprès des consommateurs étrangers », développe la californienne Honore Comfort. Les marchés d’Europe du Nord sont presque systématiquement cités pour leur appétence d’engagements durables et environnementaux. Mais aussi vertueux soit-il, le marché mondial n’en demeure pas moins très concurrentiel, et le facteur prix revient vite sur le devant de la scène au moment de trancher.
« Le prix de vente reste une donnée essentielle pour le consommateur, il faut donc trouver un équilibre pour concilier cette double attente autour du prix et de la durabilité », enchaîne Honore Comfort. D’autant que, pour certains, comme les opérateurs argentins, « il est essentiel de se diriger vers les nouveaux consommateurs », lance Magdalena Pesce, directrice générale Wines of Argentina. En plus d’être lourdement handicapés par une hyper-inflation exubérante, les vins argentins connaissent un recul sur l’un de leurs principaux marchés, celui des Etats-Unis. « Il y a une augmentation continue de nos vins certifiés durables ou bios, mais ça ne suffit pas pour trouver de nouveaux consommateurs. La voie des NoLo a certainement de l’avenir », renchérit Magdalena Pesce. Dans son pays, l’enjeu de la disponibilité en eau reste prédominant pour la production « et l’on voit des investissements dans les structures viticoles s’accentuer plus au sud du pays, où l’eau n’est pas un problème », conclut-elle.
Frederico Falcao observe la même tendance pour les vignobles le plus méridionaux du Portugal (Alentejo, Algarve), qu’il juge « menacés par la récurrence du manque d’eau et des fortes températures, alors qu’au nord, la zone de Vinho Verde bénéficie de conditions plus favorables et moins de traitements ».