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Difficile de se priver des antimildious classés CMR, surtout par forte pression
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Embarrassante utilité
Difficile de se priver des antimildious classés CMR, surtout par forte pression

En Gironde, l’extrême pression de mildiou de 2023 a fait ressortir toute l’utilité des fongicides classés CMR. Faut-il continuer à les utiliser ? Les vignerons s’interrogent en se tenant prêt à s’adapter aux circonstances de l’année.
Par Pauline Orban Le 13 mars 2024
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Difficile de se priver des antimildious classés CMR, surtout par forte pression
Frédéric Gouirand, président de la Cave coopérative de Cabrières-d’Aigues, dans le Lubéron. - crédit photo : DR
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our Benjamin Garnier, responsable des approvisionnements chez Fortet-Dufaud, une chose est claire : « l’année dernière, les vignerons girondins qui ont intégré en encadrement de la fleur un fosétyl + folpel, une association classée CMR2, ont sauvé leur récolte ». Des propos qui concordent avec les résultats d’une étude menée conjointement par l’IFV et la chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine.

Séverine Dupin, responsable recherche et développement à la chambre d’agriculture et coordinatrice de l’étude, explique. « En 2023, nous avons récolté et analysé les programmes de traitement de 488 domaines en Gironde et en Dordogne. Lors de ce travail, nous avons corrélé perte de récolte, type de produit appliqué et pluviométrie à des moments décisifs de la saison. »

Des produits très efficaces

L’étude révèle que « les pertes de récolte sont inversement proportionnelles au nombre de produits CMR appliqués : avec six CMR appliqués au cours de la campagne, on observe 7 % de pertes, contre 32 % de pertes pour les vignerons qui n’ont appliqué qu’un seul CMR. »

Cette observation remet-elle en cause l’objectif louable d’écarter les CMR ? « Tout dépendra de la pression fongique cette année, répond Thierry Massol, conseiller à la chambre d’agriculture du Tarn. Les alternatives sans CMR, à base de fosétyl ou de cyazofamide, conviennent à des pressions moyennes. En cas des fortes pressions, avec des objectifs de rendements viables, elles ne sont pas suffisantes. Il faut utiliser des produits avec du folpel, du fluopicolide ou encore du dithianon, avant ou pendant la fleur. »

« Il faut faire une récolte »

Même discours du côté du distributeur Fortet-Dufaud. « En Gironde, il faut faire une récolte cette année, avance Benjamin Garnier. Pour le moment les vignerons privilégient les programmes sans CMR, mais ils se laissent la possibilité d’utiliser des produits classés, ce que font d’entrée de jeu les vignerons charentais qui appliquent du Profiler en début de campagne, du Zorvek associé à du folpel (Zorvek Zelavin Bria) en encadrement de la fleur et du Mikal au mois de juillet, au besoin. Le folpel est le meilleur produit de contact dont on dispose, et ça peut sauver une récolte. »

Pour Alexandre Davy, ingénieur à l’IFV, le folpel et le dithianon ont toute leur place dans les programmes de traitement, à plus d’un titre. « Ils garantissent un minimum d’efficacité, réduisent la pression de sélection de souches résistantes aux fongicides unisites auxquels ils sont associés, et assurent une bonne protection anti-black-rot. Avec le retrait du mancozèbe et du métirame, il ne reste plus que le cuivre, limité à 4 kg/ha par an, le folpel et le dithianon pour contenir la progression des souches résistantes aux fongicides unisites. »

Une stratégie à bout de souffle

En Provence, Thierry Favier, expert technique du groupe CAPL, sent bien que les stratégies de traitement sans CMR sont à bout de souffle. « Au-delà de la toxicologie, ce qui inquiète le plus les vignerons, ce sont les ZNT eaux. Alors même s’il est classé CMR2, le folpel a encore le vent en poupe. Sa ZNT eau n’est que de 5 m et il peut être appliqué deux fois avant la fleur. Il existe certes d’autres antimildiou non CMR et qui ont une ZNT à 5 mètres, comme le Mildicut, mais il coûte plus cher et est limité à une seule application. »

Selon l’expert, si les vignerons se détournent de la stratégie sans CMR, c’est aussi parce que la pharmacopée se restreint. « Les spécialités à base de fluopicolide (Profiler, Tebaide, Hudson) sont désormais classées CMR et le métirame a disparu du marché, constate-t-il. Les vignerons n’ont donc pas d’autres choix que de revoir leur programme de traitement. »

Quand le black-rot s'en mêle

Dans le Languedoc-Roussillon, où le climat est moins favorable au mildiou, Charles Crosnier, responsable technique chez PCEB, à Carcassonne, constate que l’emploi de folpel est en chute libre. « Pour cette campagne, les vignerons continuent de privilégier les programmes sans CMR, avec, dès les premières feuilles étalées, des associations phosphonates + cuivre ou fosétyl + cuivre, puis Ampexio, Bandido ou Mildicut en encadrement de la fleur », détaille-t-il. Mais selon lui, ce qui inquiète les vignerons, ce n’est pas tant le mildiou que le black-rot.

« Avec la disparition du métirame, ceux qui refusent les CMR vont devoir, pour lutter contre le black-rot, se tourner vers des molécules de la famille des SDHI ou des strobilurines. » Ce qui n’est pas non plus sans problème. En effet, les SDHI ne doivent pas être employés plus de deux fois durant une campagne, et les strobilurines sont déconseillées contre l’oïdium tant sont nombreuses les souches résistantes à cette famille de matières actives. Ceux qui voudraient employer des strobilurines contre le black-rot devraient donc utiliser d’autres fongicides contre l’oïdium. D’où une hausse des coûts.

Trop de contraintes

A la Cave de Cabrières-d’Aigues, dans le sud du Lubéron, la forte pression de mildiou de 2023, la disparition du métirame et le classement en CMR de Profiler ont conduit à une révision difficile. « Cela faisait huit ans que nous avions banni les CMR de nos programmes de traitement, affirme Frédéric Gouirand, président de la coopérative. Mais ce n’est plus possible, il y a trop de contraintes. La liste des produits sans CMR s’amenuise année après année, il n’en reste pas assez pour pouvoir les alterner et éviter l’apparition de résistances du mildiou. Nous continuons d’appliquer le référentiel HVE, mais nous n’avons plus l’interdiction d’utiliser des CMR. » Pour cette année, Frédéric Gouirand prévoit d’appliquer des fongicides avec du folpel en encadrement de la fleur sur son exploitation, pour lutter contre le mildiou mais aussi faire face aux attaques de botrytis pédonculaire sur les grenaches. « Cela va me faire perdre des points pour la certification HVE, avoue-t-il. Mais je n’ai pas d’autres choix. Je vais tâcher de compenser en plantant des haies ou en souscrivant à un outil d’aide à la décision. »

Trop fragiles, les contacts

L’enquête de l’IFV et de la chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine révèle aussi une corrélation entre le mode d’action des produits employés et une perte de rendement. « Les vignerons qui ont appliqué des programmes uniquement à base de produits de contact ont bien plus de perte de récolte que ceux qui ont intégré dans leur programme au moins un systémique ou un pénétrant, indique Marc Raynal, ingénieur à l’IFV. Un résultat sans surprise, d’après cet expert. « La performance moindre des produits de contact s’explique par leur persistance d’action plus courte, le fait qu’ils ne protègent pas les organes formés après le traitement, et qu’ils sont lessivés dès 25 mm de pluie. »

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Tous les commentaires (5)
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Evelyne Malnic Le 18 mars 2024 à 17:09:06
Et pourtant la solution existe : elle s'appelle les Cépages résistants aussi dits Variétés tolérantes. Des cépages inscrits au Catalogue depuis 2017 ou 2018, issus des recherches de l'INRA, comme le Floréal, l'Artaban, le Voltis ou venus d'Allemagne comme le Souvignier gris. Des exemples parmi tant d'autres. Et en attendant l'arrivée d'autres cépages comme les Bouquet attendus avec impatience en Occitanie. Tous ces cépages présentent une très bonne résistance naturelle au mildiou. Sans compter pour certains, cela peut être utile aussi, une résistance totale à l'oïdium. Ces « résistances » permettent de réduire les traitements fongicides de l'ordre de 80 à 90%. Pas mal non ? Et ce n'est pas moi qui le dis mais les vignerons qui cultivent ces cépages et constatent tous ces résultats. Ces Cépages résistants (qui ne sont pas répétons-le des cépages OGM), c'est le thème de mon prochain ouvrage à paraître en septembre 2024 (BBD Editions). Auteure de La vigne, le vin et le bio, Editions France Agricole (2021)
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valentin Le 18 mars 2024 à 08:04:24
la Haute Valeur Environementale est atteinte par l'utilisation de produits Cancérogène Mutagene et Reprotoxique ? j'ai bon ?
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VignerondeRions Le 16 mars 2024 à 07:09:06
Il y a quelques années, un techniciens de la Chambre d'Agriculture 33, nous a expliqué que nous devrions apprendre à perdre de la récolte. Que les attentes sociétales étaient de diminuer les utilisations de phyto, et que nous devrons nous y soumettre. Nous vivons aujourd'hui la réalité de ces incantations en total déphasage avec les réalités scientifiques. Nous n'utilisons pas des CMR par plaisir, mais parce que les produits sont efficace, qu'ils permettent de sauver les récoltes. Si l'eau bénite avait la même propriété nous serions les premiers à utiliser celle ci. Quand les intégristes prennent le pas sur les résultats éprouvés en niant la réalité, nous avons ce que nous vivons depuis quelques années. Au delà du fait de peut être sauver la planète, nous préférons sacrifier les paysans. Le sacrifice est une pratique ancestrale, qui perdure dans certains endroits du monde, ou l'on réfute la science , l'éducation, le savoir. Doit on revenir à ces pratiques en Europe, au nom du recul des savoirs, au nom du recul de la science, au nom de la prégnance des Croyances, qui hors de l'action, espère un monde meilleur imposé par des forces divines. Personnellement je ne le pense pas, mais c'est difficile de défendre cette approche dans le contexte actuel. Les même qui veulent ne plus utiliser de produits phyto, ne veulent pas entendre parler de faire de la recherche scientifique dans certains domaines, avec certaines techniques. On ne parle pas de généralisation de découverte, on parle juste de recherche scientifique, qui lorsqu'elles sont utilisés pour soigner des maladies rares (cf Téléthon) sont extraordinaire, mais pour éventuellement diminuer l'utilisation des phyto, le blocage idéologique se met en place.
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Loïc Breton Le 14 mars 2024 à 07:01:02
Il existe des alternatives avec le variétés résistantes. Quel parcours du combattant pour les faire classer définitivement. Des variétés sont similaires au niveau organoleptiques aux variétés emblématiques avec des noms similaires à ces variétés et reconnus au niveau Européens. Pourquoi retarder les autorisations pour planter ces variétés ? Ces variétés permettent d utiliser moins de produits phytosanitaires, diminuer votre bilan carbone et surtout sauvegarder la santé des viticulteurs, Viticulteurs, Négociants, distributeurs de vin vous ne pouvez pas ignorer ces innovations qui sont demandées par notre société. Il ne faut pas oublier que toute crise viticole a été résolue par des innovations techniques. Rappelez vous des plantations des cépages qualifiés ameliotateurs et les innovations en matière œnologiques. Notre viticulture n est pas Morte mais elle doit coller à la demande de notre société .
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Benji Le 13 mars 2024 à 23:20:02
Enfin un article qui dit la vérité les impasses techniques sont réelles et les coûts de productions induits catastrophiques ! Il est temps que la profession soit écoutée et que les pseudo techniciens formatés écolos changent leurs doctrine ! On a besoin de revenir à la raison et d'avoir des productions viables qui utilisent les mêmes normes que nos concurrents etrangers ! Mais il est surtout grand temps que la France promouvoie ses productions françaises qui sont de qualités indelocalisables et arrêtez la loi evin qui est contre-productive empêchant toute explications de nos productions ( publicités,modération,santé,formations,savoirs faires,emplois,etc?)
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