a légèreté entre dans les mœurs. « Depuis trois ans, tous nos vins sont conditionnés dans des bouteilles allégées, annonce Julien Henry, propriétaire du domaine Isle Saint Pierre, 200 hectares à Arles, dans les Bouches-du-Rhône, qui commercialise quelque 700 000 cols par an dont 80 % à l’export et 20 % en France. Nous avons opté pour une Ecova de 420 grammes, notamment proposée par Verallia. Auparavant, nous utilisions des bouteilles dont le poids allait de 450 à 560 gr. »
Ce changement s’est opéré progressivement. « Nous avons démarré il y a cinq ans, quand nous avons lancé notre première gamme élaborée avec des variétés résistantes, expose le vigneron. À l’époque, nous avons communiqué sur cet allègement en indiquant sur les contre-étiquettes : “Moins de verre, moins de CO2”. Cela nous a permis d’en parler à nos clients professionnels et aux particuliers qui viennent au caveau. Tous ont vu cela d’un œil favorable. Si bien qu’aujourd’hui, on ne l’affiche plus. »
Julien Henry souligne aussi que sur certains marchés, c’est un passage obligé. Au Canada, par exemple, les bouteilles qui dépassent 420 g sont surtaxées. « Notre offre se prête bien aux bouteilles allégées, ajoute-t-il. Nous sommes positionnés en milieu de gamme. Nous produisons des IGP Méditerranée et Bouches-du-Rhône que nous vendons entre 5,50 et 15 €, prix consommateur. Sur des cuvées plus prestigieuses, les consommateurs semblent plus sensibles au poids des flacons. »
Julien Henry a également fait des efforts en vue d’améliorer l’attrait visuel de ses bouteilles. Lorsqu’il a opté pour des modèles plus légers, il a revu tout le packaging. « Nous avons apporté de la couleur et du vernis sur les étiquettes, et même des dorures sur certaines cuvées, précise-t-il. On a aussi opté pour des capsules bleu nuit qui accrochent le regard. » Les blancs haut de gamme ont de leur côté basculé dans une bouteille teinte feuille morte, plus élégante à l’œil.
« C’est devenu une tendance, indique de son côté Pierre Perrin, membre de la famille Perrin, propriétaire du Château de Beaucastel, à Châteauneuf-du-Pape, dans le Vaucluse. Nos clients sont demandeurs de bouteilles allégées car cela réduit l’impact carbone de l’ensemble de la chaîne de distribution. » Il y a deux ans, l’entreprise a réalisé des diminutions drastiques. Les cuvées de la gamme Famille Perrin, qui comprennent plusieurs appellations de la vallée du Rhône, ont basculé dans des bourguignonnes Ecova de 390 g et ainsi vu leur poids réduit de 44 %. Même régime pour les châteauneuf-du-pape du Château de Beaucastel, qui sont passées de 950 à 720 g. Concernant ces derniers, Pierre Perrin reconnaît que la qualité perçue l’empêche d’aller en dessous de ce seuil. La légèreté a donc ses limites. « Nous avons informé nos distributeurs en France et à l’export de ces changements. Il n’y a pas eu de réaction, souligne-t-il. L’allègement est la norme. »
Aujourd’hui, le groupe s’attelle à un nouveau chantier. La Vieille Ferme, sa marque aux 30 millions de cols vendus dans le monde entier, loge depuis quinze ans dans un flacon allégé. « Lorsque nous sommes passés d’un modèle de 580 g à l’Ecova de 380 g, les ventes n’ont pas baissé, rappelle Pierre Perrin. De plus, nos clients nous ont vus comme des précurseurs. La Vieille Ferme a une image rétro, mais elle doit être moderne dans ses enjeux tels que ceux de l’environnement et du climat. Nous testons actuellement un modèle de 7 % plus léger. »
À la cave de Lugny, en Saône-et-Loire, les équipes n’ont pas non plus observé de réaction chez leurs clients lorsqu’elles sont passées d’une bourguignonne de 505 g à une Ecova de 395 g. Un basculement opéré il y a deux ans. « Pour la grande distribution, c’est une évidence, remarque Pascal Lorton, responsable de la production. Les consommateurs s’y sont habitués. » Selon lui, la couleur de la bouteille joue davantage sur la qualité perçue que son poids. « Les teintes cannelle ou feuille morte sont plus valorisantes pour nos vins blancs », déclare-t-il.
Pierre-Henri Cosyns, propriétaire du Château Grand Launay, 25 hectares classés en appellation côtes-de-bourg à Teuillac, en Gironde, est lui aussi convaincu que les consommateurs ne font pas grand cas du poids des bouteilles. « Nous l’avons réduit de 10 % pour opter pour un modèle à 400 g, sans que cela n’affecte nos ventes. » À l’époque, Pierre-Henri Cosyns n’a pas communiqué sur ce changement. Aujourd’hui, la donne a changé, l’environnement préoccupe nos concitoyens. « Nous lançons cette année une gamme d’IGP Atlantique dans les trois couleurs, expose-t-il. Pour l’embouteiller, j’ai choisi le modèle le plus léger du catalogue de mon fournisseur : la bourgogne Nova Nature de 395 g. » En plus d’être présentés dans ce modèle poids plume, les vins sont sans capsule sur le col et revêtent des étiquettes originales. L’ensemble est détaillé sur le site internet du vigneron. « Nous manquions d’une entrée de gamme, explique-t-il. Ces références, positionnées autour de 6 à 8 € prix consommateur, remplissent ce rôle. Les cavistes sont demandeurs de tels prix. Quand nous faisons découvrir cette nouvelle gamme, nous mettons en avant notre démarche d’écoconception en expliquant qu’elle répond à une tendance sociétale et que les jeunes consommateurs y sont sensibles. » À Wine Paris, en février dernier, et à Millésime bio un mois plus tôt, à Montpellier, il a rencontré un franc succès. Les commandes devraient bientôt tomber.