e projet d’un collectif de femmes du vin est né au printemps 2023, pendant le salon Canons à Nantes, réservé aux vigneronnes. Via la CAB (coordination agrobiologique) de Loire, un groupe d’une vingtaine de professionnelles du vin s’est constitué. Quatre chantiers ont été listés : le travail viticole au féminin, la demande de parité dans les instances viticoles, la prévention des violences sexistes et sexuelles (VSS) et enfin œuvrer pour des événements viticoles “sécurisants” pour les femmes.
C’est ce dernier volet qui a été exploré le plus rapidement, pour coller à l’agenda des salons. Le collectif a organisé deux tables rondes pendant la Levée de la Loire et les Greniers Saint-Jean, à Angers, le premier week-end de février. Les thématiques abordées : “La place des femmes dans le monde viticole” et “Les collectifs féministes dans le monde du vin.”


“Rien qu’organiser ces deux tables rondes, ça a donné lieu à des débats en interne, avec des ‘Pourquoi ?” et des ‘On ne peut plus rien dire’”, relate Kadie Sonko, technicienne viticulture bio et biodynamie de la CAB, et animatrice du groupe. Notre démarche a suscité beaucoup de réactions négatives dans le réseau CAB, y compris de femmes. Mais aussi des soutiens, notamment de la direction et de la présidence. Et pendant les salons, des femmes sont venues nous dire ‘Il était temps’.”
Pendant le premier débat, devant une vingtaine de personnes, certains faits “objectifs” ont été rappelés, en guise d’introduction : les écarts de salaire qui persistent entre hommes et femmes du vin (10% en moyenne selon les organisatrices du débat), ou la longue histoire de mise à l’écart des femmes des tâches rémunératrices et valorisantes de la filière. “ Dans le vin, les femmes ont toujours été là, a rappelé la journaliste spécialisée Sonia Lopez Calleja (Le Rouge & Le Blanc). Mais on a toujours cherché à les invisibiliser, à minimiser leurs compétences.”
La vigneronne Charlotte Savary-Fulda (Puy Notre-Dame) a témoigné de son expérience : “On nous ramène toujours à notre genre, pour rabaisser nos compétences. J’ai vécu trop de choses qui sapent ton sentiment de légitimité, j’ai été blessée à cause d’un matériel pas adapté, j’ai eu envie de quitter le métier. Et un jour, j’ai eu la révélation : toutes ces choses que j’avais mises de côté, ce n’est pas normal. Et je ne vous parle même pas de toutes les propositions ou commentaires à caractère sexuel…”
Des expériences qui se retrouvent “dans tous les métiers de la filière”, de vigneronne à responsable communication, en passant par ouvrière viti, sommelière ou même journaliste vin. “On nous tolère, mais à condition de rester à notre place”, a résumé Sonia Lopez Calleja. “Alors que, pendant ce temps-là, je cherche encore des combinaisons taille XS pour les traitements, ou des sécateurs adaptés aux petites mains”, s’agace Charlotte Salvary-Fulda.
Face à ces constats d’un milieu viticole encore trop rarement favorable à l’égalité homme-femmes, le collectif Viti-F entend donc répondre par la solidarité féminine et l’entraide. Le collectif Viti-F est d’ailleurs ouvert à toutes. Des “groupes d’échange” se mettent en place, d’autres tables rondes sont programmées au salon Canon (8-9 mars 2024 à Nantes) et des projets d’ateliers de formation en non-mixité sont dans les tuyaux pour l’automne. “Pas contre les hommes, précise tout de suite Kadie Sonko. Mais parce que les femmes ont émis le souhait de régler des choses entre elles.”