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Nos conseillers s’accordent sur un point : en cas de pression critique, seul un matériel au niveau permettra d’éviter les pertes de récolte. Pour Thierry Massol : « En 2023, la réussite était très liée à la puissance de la turbine. Une puissance supérieure permettait une meilleure pénétration de la bouillie dans la végétation, donc de meilleurs résultats », observe-t-il. Selon François Ballouhey, les réglages font aussi la différence. « En cas de forte pression, on ne peut pas se permettre une faiblesse technique. Il ne faut pas hésiter, avant le démarrage de la saison, à passer le matériel au banc d’essai et à faire des tests avec un produit fluorescent. Et penser, dans ce cas, à tester l’appareil sur différents écartements. » Le mieux reste encore « de le faire contrôler par un technicien spécialisé en machinisme ». Ne pas oublier non plus « d’adapter les réglages si l’on change les buses ». En saison, il est essentiel « d’intervenir le plus possible en face par face, complète Thierry Massol. Une année sans pression particulière, comme 2022, cela ne fait pas de différence mais en 2023, aucun doute. » Une stratégie « encore plus importante si l’on utilise que des produits de contact ». Si cela n’est pas possible sur toute l’exploitation, réservez ce face par face aux parcelles les plus sensibles. Enfin, le conseiller préconise de bien mouiller le feuillage. « Historiquement, on était sur des volumes bas. On remonte maintenant à cent cinquante litres plutôt qu’à cent litres. »
Premier critère à prendre en compte : le cépage. « En 2023, merlot et gamay en rouge, et mauzac en blanc ont parfois été complètement détruits », relate Thierry Massol. En Dordogne, François Ballouhey confirme « la très forte sensibilité du merlot sur grappes », tandis que « sémillon et côt ne se comportent pas trop mal ». En revanche, l’historique a moins d’importance, « car l’inoculum est présent dans l’atmosphère ». Sauf « s’il y a des friches à côté : dans ce cas les contaminations seront plus importantes chaque année dans les parcelles attenantes. On le voit lors d’essais : plus on est proche des témoins non traités, plus il y a de symptômes. »
« Aujourd’hui aucun produit ne permet de rattraper une attaque », rappelle François Ballouhey, d’autant qu’une intervention dans une telle situation « ne ferait que multiplier les risques d’apparition de résistances ». Il faut donc « rester exclusivement en préventif ». En début de saison, commencez la protection « dès que les œufs sont mûrs, la vigne réceptive et qu’une pluie contaminatrice est annoncée », résume Thierry Massol. Pour déterminer ce moment, le conseiller recommande de se fier aux modèles (dont les prédictions sont délivrées dans les bulletins de santé du végétal) et aux applications météo. « Avoir un vignoble sain avant fleurs est primordial », complète François Ballouhey, qui conseille le recours aux outils d’aide à la décision, notamment Decitrait, pour raisonner les interventions. De même, « les observations de terrain sont essentielles, en particulier si l’on a affaire à des cépages sensibles et que l’on intervient avec des produits de contact », précise Louis Chevrier. Pour Thierry Massol la lutte préventive est si importante « qu’en cas de retard dans les travaux, entre l’entretien des sols et la lutte anti-mildiou il faut privilégier la seconde option, quitte à revenir aux sols plus tard ».
« Les produits de contact suffisent pour le premier traitement et en général également pour le deuxième, même en cas de pression très forte, car à ce moment-là celle-ci ne concerne pas encore tout le parcellaire », estime François Ballouhey, qui recommande 100 à 150 g de cuivre métal selon la situation. Sauf s’il y a un historique black-rot. « Dans ce cas, on privilégiait le métirame. Maintenant qu’il est retiré, reste l’association cuivre + soufre, avec des doses un peu plus élevées ; ou éventuellement phosphites + soufre, comme le suggèrent les essais zéro black-rot. » Louis Chevrier recommande pour sa part Pangolin DG (fosétyl + cuivre) en préfloraison.
L’efficacité des produits compte d’autant plus que les voyants sont au rouge. Et parmi les références haut de gamme, Thierry Massol cite Mildicut (cyazofamide + disodium phosphonate), Profiler (fluopicolide + fosétyl), Mikal flash (fosétyl + folpel) et les packs Zorvec à base d’oxathiapiproline. Bémol : hormis Mildicut, tous sont classés CMR2, donc interdits par de nombreux cahiers des charges. « Mais c’était parfois intenable la saison dernière », regrette le conseiller, qui « a pris la décision de remettre Mikal dans les programmes courant 2023 chez trois viticulteurs ». Dans tous les cas, « l’idéal est de garder cette solution de secours ».
Quid des biocontrôles, comme les phosphonates ? « Dans les situations difficiles, je ne suis pas convaincu de leur intérêt », tranche le conseiller. En cas de forte pression lors de la période de forte sensibilité de la vigne, Louis Chevrier recommande également Mikal ou Profiler. Pour sa part, François Ballouhey cite les produits à base de folpel « pour leur efficacité sous forte pression ». Et précise qu’il faut réserver les produits systémiques pour la fleur, « c’est-à-dire de la sortie des inflorescences jusqu’à la chute des capuchons, car les produits de contact ne protègent pas les ovaires ». L’idée étant d’éviter à tout prix les attaques sur grappes.
Si celles-ci se produisent malgré tout, « il faut continuer la protection en resserrant davantage les passages et privilégier les produits qui empêchent les spores de germer ». Dans ce cas, Louis Chevrier préconise Valiant flash (fosétyl + cymoxanil + folpel) : « Qui a connu un regain d’intérêt sur forte pression de par sa curativité. » Et de préciser qu'« on parle de curativité pour une durée allant jusqu’à 25 % du temps d’incubation du mildiou, pas au-delà ».
Resserrer les cadences. S’ils n’avaient pu donner qu’un seul conseil, nos trois experts auraient choisi celui-ci. Pour Thierry Massol, « cette année, les gros échecs sont survenus chez des viticulteurs qui attendaient la fin de rémanence pour renouveler leur traitement. Le cas typique étant la parcelle qui a subi de forts cumuls d’eau les trois derniers jours de la rémanence d’un produit à quatorze jours, le tout sous forte pression ». Dans ces situations, en cas de pluie annoncée, il faut anticiper les renouvellements « au bout de dix jours, en priorité sur les cépages les plus sensibles ». Même son de cloche pour François Ballouhey. « En conventionnel, une protection réussie passait par un renouvellement tous les dix jours cette année pour les systémiques, voire huit jours pour certains pénétrants. On n’a jamais conseillé quatorze jours sur systémique. » Le tout « bien positionné, avant les pluies contaminatrices ».
Quant aux stratégies de contact, le conseiller rappelle que les cadences peuvent être encore plus resserrées, car elles doivent s’établir en « fonction des pluies et de la pousse ». Une notion de plus en plus importante pour Louis Chevrier. « On observe des pousses de plus en plus rapides, en particulier sur le secteur Atlantique. Cela pose des problèmes de dilution des produits, donc de persistance. Sous forte pression, on ne peut pas envisager de cadences systématiques, il faut les adapter, en particulier si l’on n’utilise que des produits de contact. »
Qui dit forte pression qui risque exponentiel de développement de résistances. Pour limiter le phénomène, Louis Chevirer conseille « de ne jamais utiliser le même mode d’action unisite deux fois d’affilée ». Pour éviter cela, « soit on change de mode d’action, soit on utilise un multisite efficace entre deux applications d’unisite ». De même, François Ballouhey recommande « de toujours adjoindre un produit de contact, cuivre ou folpel, aux produits systémiques car l’association de deux modes d’action réduit les risques tout en maximisant l’efficacité ». De même, il recommande « de respecter les préconisations de la note nationale technique sur la gestion des résistances pour les maladies de la vigne ».
« Pour arrêter la protection, on évoque souvent le stade fatidique de la fermeture, au-delà duquel la sensibilité des grappes est plus réduite. Mais le risque est toujours présent. Il faut poursuivre les traitements après ce stade, suggère Louis Chevrier. Une année comme 2023 ou 2021, il fallait souvent maintenir la couverture jusqu’à véraison. » D’après François Ballouhey, il est même possible de la continuer après. « À partir de mi et fin véraison, on peut cibler le haut du feuillage afin de favoriser la bonne maturation des grappes. »